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Le Maghreb refuse d’accueillir les centres pour migrants voulus par Bruxelles

Les pays du Maghreb sont tous fermement opposés au projet de l'UE visant à déplacer «l'accueil» des migrants sur leurs territoires. L’idée européenne de repousser sur le continent africain les demandes d’asiles, ne passe pas. Le ministre de l’Intérieur italien Matteo Salvini propose que ces centres soient basés dans des pays du Sahel, tels que le Niger, le Tchad, le Mali ou le Soudan.
Article rédigé par Michel Lachkar
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Migrants africains tentant de rejoindre l'enclave espagnole de Melilla au Maroc le 19 fgévrier 2015 (REUTERS/Jesus Blasco de Avellaneda )

Réunis en sommet à Bruxelles le 22 juin 2018, les dirigeants européens avaient décidé de réfléchir à des «plateformes de débarquement» des migrants sauvés en Méditerranée afin de mieux maîtriser le flux à destination de l'UE. Ils souhaitaient installer des centres d’accueils en Afrique du Nord où pourraient être enregistrées et étudiées les demandes d’asile.

Mais depuis, Bruxelles a reçu une fin de non-recevoir. «La Libye et ses voisins sont opposés au projet européen visant à créer sur leur territoire des plateformes de débarquement de migrants afin d'éviter qu'ils n'arrivent directement dans l'UE», a déclaré le ministre libyen des Affaires étrangères, Mohamad al-Taher Siala. «Tous les pays d'Afrique du Nord rejettent cette proposition - la Tunisie, l'Algérie, le Maroc, et la Libye également», a expliqué au quotidien autrichien Die Presse M. Siala, en visite officielle à Vienne.

Qu' a cela ne tienne, le ministre de l’Intérieur italien d'extrême droite, Matteo Salvini, propose maintenant que ces centres soient basés dans des pays de la région du Sahel, tels que le Niger, le Tchad, le Mali ou le Soudan.
 
Le Maghreb sous pression
Selon le ministre libyen des Affaires étrangères, environ 30.000 migrants illégaux se trouvent actuellement en détention en Libye et «environ 750.000» se trouveraient dans le reste du pays.

Mohamad al-Taher Siala affirme toutefois que la Libye collabore avec l'UE pour renvoyer ces migrants dans leur pays d'origine. «Malheureusement, certains pays refusent de les reprendre», a-t-il déclaré, mentionnant les pays d'Afrique de l'Ouest. Afin d'endiguer le flux des arrivées en Libye, M. Siala a expliqué que son pays a conclu des accords avec le Tchad, le Niger et le Soudan pour renforcer la protection de sa frontière sud. «Si l’UE veut nous aider, elle peut nous apporter une aide logistique : des véhicules tout terrain, des drones, des hélicoptères et peut-être quelques armes légères», a-t-il ajouté.

La «forteresse Europe»
Les pays du Maghreb sont eux-mêmes confrontés à ces vagues migratoires qui butent sur la «forteresse Europe». Les gouvernements algérien et marocain, confrontés à ces mêmes flux, ne cessent d’ailleurs de renvoyer les migrants subsahariens à leurs frontières sud. Même ceux qui ont réussi à mettre un pied dans les enclaves espagnoles de Ceuta et Mellila ne sont plus à l’abri.

«Les autorités marocaines ont décidé de refouler vers leurs pays d’origine tous les migrants clandestins subsahariens qui ont participé, le 21 octobre 2018 à l’assaut de la clôture séparant le Maroc et l’enclave espagnole de Melilla», indique un communiqué de presse du gouvernement marocain.
De son côté, une porte-parole du ministère espagnol de l’Intérieur a défendu «la légalité» de «cette expulsion», en assurant que «toutes les conditions requises par la loi espagnole sur les étrangers avaient été remplies».

C’est la seconde fois que le gouvernement affirme appliquer un traité hispano-marocain de réadmission, conclu il y a vingt-six ans par l’Espagne et le Maroc. Ce refoulement se base sur «la réactivation» de ce texte, a souligné la préfecture de Melilla.

«Une fois que le Maroc s’est montré disposé à accepter ces personnes (…), les migrants ont été transférés à un commissariat, identifiés – avec nom, nationalité, empreintes digitales – et tous ont eu un avocat, un interprète et une aide médicale», a plaidé le ministère espagnol de l'Intérieur. «Il a été proposé à tous la possibilité de solliciter l’asile et ils ne l’ont pas fait», a-t-il assuré, soulignant que «les deux mineurs présents dans le groupe sont restés en Espagne».

Une expulsion collective et rapide, aussitôt dénoncée par des défenseurs des droits humains. L’accord bilatéral invoqué par les autorités espagnoles a rarement été utilisé et est très critiqué. En octobre 2017, la Cour européenne des droits de l’Homme avait ainsi condamné Madrid pour avoir renvoyé immédiatement et collectivement vers le Maroc, sans aucune décision administrative ou judiciaire, des migrants arrivés dans l’enclave espagnole.

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