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Togo: les communautés de pêcheurs poussées par la mer à quitter le rivage

Les problèmes de l'érosion, due aux vents forts et aux vagues violentes de l'océan Atlantique, ne sont pas nouveaux dans le petit village de pêcheurs d'Agbekope, sur la côte togolaise. Mais avec le nouveau port de pêche de Lomé, leur quotidien pourrait en être encore davantage affecté.
Article rédigé par Alain Chémali
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Une photo prise à Lomé, le 2 juin 2018 montre des machineries sur le site de la construction du nouveau port. Le village de pêcheurs d'Agebkope et d'autres communautés balnéaires le long de la côte togolaise ont longtemps vécu avec les conséquences de l'érosion due aux vents forts et aux vagues de l'océan Atlantique.  (YANICK FOLLY/AFP)

«Plusieurs maisons à plusieurs étages se sont déjà effondrées et notre cimetière a également été touché», raconte le chef du village, Jean-Dolayi Duevi. «Nous avons dû exhumer 47 corps et les emmener au cimetière de Baguida» (près de la capitale, Lomé), soupire-t-il.
 
La mer dévore entre cinq et dix mètres de terre chaque année
L'érosion affecte les communautés côtières à travers le monde. Mais elle devient un problème environnemental et social majeur en Afrique de l'Ouest.
 
L'action continuelle des vents et des vagues fait disparaître entre cinq et dix mètres de terre chaque année en de nombreux endroits de la côte (56 kilomètres). Jusqu'à 25 mètres parfois, selon le ministère togolais de l'Environnement.
 
La Banque mondiale a investi 210 millions de dollars dans des projets de construction de digues ou de dunes pour atténuer les effets des marées et des inondations dans six pays d'Afrique de l'Ouest, dont le Togo.

La hausse du niveau de la mer, due au réchauffement climatique, est la principale cause de l'accélération de ce phénomène naturel.
 
Constructions de ports et habitants contribuent à l'érosion
Mais au Togo, les constructions humaines ont également aggravé la situation, notamment l'expansion du port en eaux profondes au large de Lomé à la fin des années 1960.
 
Le Togo – avec son voisin béninois – sont des pays clés qui offrent un accès à la mer pour de nombreux pays enclavés dans la région (Burkina Faso, Niger...).
 
L'expansion de ce port en eaux profondes a perturbé l'accumulation de sédiments, changeant la direction des courants d'eau, souligne Tchannibi Bakatimbe, chef de projet au ministère togolais de l'Environnement.
 
Les habitants contribuent également à l'érosion côtière en prélevant du sable et du gravier pour fabriquer des briques.
 
Plus récemment, les habitants d'Agbekope se sont inquiétés de la construction d'un nouveau port de pêche.
 
Il devrait ouvrir ses portes en février de l'année prochaine et a été principalement financé à hauteur de 14,4 milliards de francs CFA (22 millions d'euros) par l'Agence japonaise de développement et par le gouvernement togolais (2,1 milliards de francs CFA-3,2 millions d'euros).
Des pêcheurs s'appuient sur un pirogue sur la plage près du site de construction du nouveau port de Lomé, le 2 juin 2018.  (YANICK FOLLY/AFP)
  
Les pêcheurs contraints de se déplacer vers l'intérieur des terres
Les 178 bateaux de pêche utilisant le port existant, vétuste et surpeuplé, opéreront à partir des nouveaux points d'amarrage, plus sécurisés. Quelque 300 acteurs de la distribution auront également un meilleur accès aux produits de la pêche, promettent les investisseurs.

Mais les communautés de pêcheurs alentour craignent que le nouveau port ne nuise à ceux qu'il est censé aider, en augmentant l'érosion, faisant reculer les bancs de poissons plus au large et forçant les habitants à se déplacer vers l'intérieur des terres.
 
«Ca nous fait peur, parce que la mer avance plus vite qu'avant», s'inquiète Ben Vonor, 57 ans, qui vit à Agbekope et fait partie des 22.000 Togolais qui dépendent de la pêche pour leur survie.
 
«Avant, ça avançait, mais ça avançait avec lenteur. Mais maintenant qu'ils ont commencé de mettre les pierres partout (...), les changements peuvent être vus de jour en jour», assure-t-il.
 
Le chef d'Agbekope, Duevi, est également à la tête d'une association locale de développement, fondée en 2016, pour donner une voix à plusieurs des communautés du front de mer.

«Ici c'est la galère»
Son groupe fait pression pour que le gouvernement déplace des villages entiers à l'intérieur des terres et verse aux villageois une compensation pour la perte de leurs moyens de subsistance.
 
Jeremy Assogbe, un gardien de 62 ans, a déjà dû déménager «trois fois» en dix ans. Cette fois, il est décidé: «Je ne pense plus rester sur la côte, dit-il, parce que j'ai tant souffert ici. Ici c'est la galère!»

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