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Au Kenya, les Somalis ne sont pas les bienvenus

Harcèlement et intimidation sont le quotidien des Somalis au Kenya. Un an après l’attaque du centre commercial Westgate de Nairobi par un commando islamiste lié aux insurgés somaliens shebabs, les Somalis sont toujours stigmatisés et se sentent menacés. La raison ? L’amalgame trop souvent fait entre communauté musulmane et terroristes liés à al-Qaïda.
Article rédigé par Pauline Landais-Barrau
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
A Nairobi, la capitale du Kenya, la police contrôle le quartier d'Eastleigh, appelé «Little Mogadsicio». (AFP PHOTO / TONY KARUMBA)

D’un côté, les Shebabs sont issus de plusieurs groupes islamistes somaliens liés à al-Qaïda. Leur nom signifie «jeunes» en arabe. Montés en puissance à partir de 2006, leur idéologie mêle nationalisme somalien, volonté d’imposer un Etat islamique fondé sur la charia et djihad global. De l’autre, les Somalis sont une communauté musulmane, habitants de la Corne de l’Afrique. Ils vivent principalement en Somalie, mais depuis les famines successives qui ont touché ce pays, ils ont migré dans les pays limitrophes comme le Kenya, où on dénombre une importante diaspora somalie.
 
En 2006, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR) avait recensé l’arrivée de plus de 100 réfugiés somaliens chaque jour au Kenya. Huit ans plus tard, le nombre de réfugiés somaliens au Kenya est estimé à 450.000, pour la plus grande partie entassés dans les nombreux camps de Dadaab, à la frontière somalienne dans le nord-est du Kenya. Une région majoritairement peuplée de Somalis : des commerçants qui jouent un rôle clé dans l’économie nationale.
 
Pas étonnant donc de trouver des Somalis un peu partout au Kenya. Un quartier de Nairobi, Eastleigh, est même surnommé «Little Mogadiscio», en référence à la capitale somalienne et à l’important nombre de Somalis qui y vivent.
 
L’attaque du Westgate : élément déclencheur du mouvement anti-Somali
Le 21 septembre 2013, quatre membres d'un commando shebab ont pris d’assaut le centre commercial Westgate de Nairobi. Le commando va lancer des grenades et abattre hommes, femmes et enfants. Pendant quatre jours, ils vont tenir tête à la police kenyane. Au total, 67 personnes sont tuées.

 
Une attaque que condamneront les Somalis qui vivent à Nairobi. Pendant les quatre jours de l'assaut, ils aideront même les forces de l’ordre en apportant eau et nourriture aux soldats qui combattent les Shebabs ou en risquant leur vie pour secourir les personnes prises au piège dans le centre commercial.
 
Rafles, intimidation et chantage
Une solidarité qui n’a pas empêché, en avril 2014, les autorités kenyanes d’arrêter des milliers de Somalis – Kenyans et Somaliens confondus – officiellement pour débarrasser le quartier des sympathisants shebabs, après de nouvelles attaques attribuées aux islamistes somaliens
 
Entassés à l’arrière de camions de l’armée, ils ont été transportés dans un stade dans la banlieue de Nairobi, où ils ont été détenus et interrogés. Aucune inculpation pour terrorisme n’a cependant été prononcée. De la même façon, sur la côte kenyane, la communauté musulmane s’est dite elle aussi victime de représailles policières après des attaques attribuées aux Shebabs à Mombasa, la deuxième ville du pays.
 
Aujourd’hui, les Somalis sont devenus les boucs-émissaires de la répression anti-terroriste. Ils vivent dans la peur d’être harcelés, arrêtés par la police ou pire, renvoyés dans les camps de réfugiés du nord-est du pays. Et pour s’en sortir, il faut payer car la police n’hésite pas à faire du chantage et à extorquer cette minorité. Les autorités kenyanes souhaiteraient que les Somalis regagnent les camps de la frontière somalienne où l’insécurité alimentaire règne: une situation que dénoncent les ONG internationales.

Des réfugiés somaliens dans le camp de Dadaab, dans le nord-est du Kenya (AFP PHOTO / SIMON MAINA)

Selon l’ONU et le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), plus de 130.000 personnes en Somalie ont dû quitter leurs maisons depuis le début de l'année à cause des expulsions forcées, de la sécheresse, de la guerre et du manque de moyens de subsistance.

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