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Somalie : élection présidentielle au milieu du chaos

L’élection d’un président en Somalie, déjà reportée quatre fois depuis la mise en place d’un gouvernement de transition, doit avoir lieu le 28 décembre 2016. Une élection au suffrage indirect, qui a lieu dans un pays ravagé par une guerre civile depuis 25 ans.
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 7min
A Mogadiscio, capitale de la Somalie, le 1er octobre 2016, après l'attaque d'un restaurant, attribuée aux islamistes des shebabs. (REUTERS - Feisal Omar)

Initialement, le scrutin devait avoir lieu en août. Il a ensuite été repoussé au 10 septembre, au 30 octobre, au 30 novembre. Puis au 28 décembre. Le processus est compliqué dans la mesure où le président du pays est désigné par un collège de 275 députés et 54 sénateurs. Problème : au 9 décembre, seuls 212 des 275 députés et 43 des 54 sénateurs avaient été choisis aux dires de l’ONU. En clair, à cette date, le collège électoral était toujours incomplet pour choisir le chef de l’Etat.

Les sénateurs sont sélectionnés par les gouvernements des Etats fédérés constituant la Somalie. De leur côté, les députés sont élus par 14.000 délégués choisis par les clans sur 10,5 millions d’habitants.  

Initialement, les élections législatives devaient se dérouler du 24 septembre au 10 octobre. Mais le processus a été entaché par de nombreuses accusations de corruption et de trucage. Un processus que certains observateurs qualifient de «vente aux enchères» plutôt que d’élection. Selon le contrôleur général des élections Nur Jimale Farah, cité par RFI, le prix d’un siège de député varie «de 5000 à 30.000 dollars pour des places sans grande influence, jusqu’à 1,3 million de dollars pour les sièges les plus en vue».

Le suffrage universel avait pourtant été promis aux Somaliens. Mais cet engagement a été abandonné en 2015 en raison de luttes intestines et de tergiversations politiques combinées à une insécurité chronique. Laquelle est due principalement aux islamistes shebabs. Dans ce contexte, l’instauration du suffrage direct a été reportée… à 2020.

Le président somalien Hassan Cheikh Mohamoud en visite à Copenhague (Danemark) le 19 novembre 2014. (AFP - ANADOLU AGENCY - Freya Ingrid Morales)

Les reports successifs de la présidentielle s’expliquent ainsi par le processus chaotique des élections parlementaires. Pourtant, les donateurs et soutiens internationaux de la Somalie souhaitent que le changement de gouvernement et de président ait lieu en 2016. Cela permettrait de respecter, officiellement du moins, la durée du mandat présidentiel (quatre ans) prévu dans la constitution de transition.

Une guerre qui s’éternise, un pays fragmenté
Le chef de l'Etat sortant, Hassan Cheikh Mohamoud, élu en 2012, est candidat à sa succession pour un second mandat. Son exécutif a largement déçu ses partisans qui désormais dénoncent corruption et luttes intestines dans un pays ravagé par la guerre civile et les attaques des shebabs. Comme avec les précédentes administrations. Conséquence : «Il n’y a pas une seule Somalie, il y a Mogadiscio, les régions autour de la ville, la république du Somaliland dans le nord, qui est une entité autonome, et le Puntland (nord-est, NDLR) qui se comporte comme un Etat indépendant», analyse le journaliste somalien Mahmoud Cheikh Delmer, cité par Al-Jazira et Courrier International. En clair, un pays très fragmenté.

Structurée en clans antagonistes, la Somalie est plongée dans le chaos depuis la chute, en 1991, du régime du président Siad Barre. La guerre et une grave sécheresse sont alors à l’origine d’une famine, «la pire que l’Afrique ait connue depuis celle d’Ethiopie en 1985». Conséquence : en décembre 1992, les Etats-Unis déclenchent l’opération militaire «Restore Hope» («Restaurer l’espoir»), officiellement sous l’égide de l’ONU, pour distribuer, sous l’œil des caméras, une aide humanitaire aux populations affamées. «Très vite, la situation dégénère, les combats s’intensifient entre les casques bleus et les groupes armés», raconte La Croix. L’échec de Restore Hope est cuisant. Fin 1993, les Américains doivent retirer leurs troupes.

Désormais, «une implacable guerre civile s’y éternise, sur fond d’anciens conflits fonciers», constate RFI. C’est dans ce contexte que sont apparus les shebabs dans les années 2000. Ceux-ci ont juré la perte des fragiles autorités de Mogadiscio tenues à bout de bras par les Occidentaux, Etats-Unis en tête, l’UE, l’ONU et l’Union Africaine (UA).

L'aéroport Aden Abdulle à Mogadiscio, plus connu sous le nom de Mogadishu International Airport (MIA), aéroport international de Mogadiscio. Ici, l'arrivée du président ougandais Yoweri Museveni pour un sommet de l'Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) dans la capitale somalienne le 13 septembre 2016. (REUTERS - Feisal Omar)

Shebabs, d’al-Qaïda à EI
Créée en 2007, une force militaire de l'Union africaine (Amisom), composée de quelque 22.000 soldats, est déployée dans le pays pour aider l'embryon d'armée somalienne à combattre les islamistes. Elle entend se retirer progressivement à partir d'octobre 2018.

«Grâce à cette force, financée par l’Union européenne à hauteur de 178 millions d’euros en 2016, un espoir de stabilisation politique est enfin apparu», note RFI. Un espoir très ténu… «Au cœur d’une capitale se relevant à peine de vingt-cinq ans de guerre civile et où les attentats sont incessants, le Mogadishu International Airport (MIA) est presque un lieu agréable», décrivait, début décembre 2016, l’envoyé spécial du Monde à Mogadiscio, Bruno Meyerfled, dans un papier assez surréaliste. Et d’ajouter : L’aéroport est ainsi «un lieu où rêver d’une Somalie meilleure, moderne, en paix». En clair : pour l’ensemble du pays, c’est loin d’être le cas…
  
D’autant que l’UE commence à renâcler pour payer. Elle s’est par ailleurs opposée à l’UA sur le règlement des salaires des 5400 soldats burundais engagés dans Amisom. Motifs : la réélection contestée du président burundais Pierre Nkurunziza et la situation des droits de l’Homme dans son pays.
Les shebabs, chassés en 2011 de Mogadiscio, ont perdu nombre de leurs bastions. Mais ils contrôlent toujours de vastes zones rurales dans le centre et le sud. Et ces derniers mois, ils ont multiplié les attentats meurtriers jusqu'au cœur de Mogadiscio.

En 2012, ils se sont ralliés à al-Qaïda. Mais en octobre 2015, un groupe dissident a fait allégeance à l’organisation Etat islamique.


Selon Le Monde, des djihadistes relevant de cette mouvance ont échoué, les 26 et 27 octobre 2016, à s’emparer de la ville portuaire de Qandala dans le Puntland. Avec ou sans élections, la Somalie n’en a probablement pas fini avec la guerre civile.

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