Mahamat-Saleh Haroun : «J'aime cette France que le monde aime»
Le parcours du réalisateur d'Un homme qui crie, prix spécial du jury à Cannes en 2010, est celui d’un homme tenu par sa passion, le cinéma.
A la fin des années 70, la famille de M.Haroun fuit le Tchad. Le chaos y règne et ses parents diplomates, après avoir connu le dénuement le plus complet, parviennent à rejoindre l’ambassade du pays à Pékin. Depuis des années, le jeune homme rêve de devenir réalisateur et ne se sépare jamais de l’adresse d’une école de cinéma à Paris. Après avoir tenté de s’inscrire dans l’unique école dédié au 7e art de Pékin ─ «mais les autorités chinoises en réservent le droit à leurs nationaux» ─, Mahamat-Saleh Haroun rejoint la France et intègre l’école tant désirée. Il étudiera aussi le journalisme tout en poursuivant un cursus de lettres et d’histoire.
Pour vivre, il devient agent des services hospitaliers. Une fonction qu’il préfère appeler «ouvrier hospitalier». Une fois terminées ses études, et jusqu’en 1990, il va essaimer quelques uns des titres de la presse quotidienne régionale. Journaliste pour le Midi Libre, Sud-Ouest, La Nouvelle république du Centre, la Charente Libre : M.Haroun s’est mué en «localier» et découvre une France provinciale à laquelle il s’attache fortement. Il observe les rivalités, les susceptibilités et les passages obligés des acteurs de la vie rurale et raconte avec gourmandise comment «le colonel de gendarmerie de Mende, en Lozère, lui fait bien comprendre qu’il aimerait être cité».
En 1994, premier court-métrage réalisé au Tchad : Maral Tanie, la seconde épouse, dans lequel le réalisateur évoque une histoire de mariage arrangé, si «typiquement tchadienne». Les débuts sont difficiles, mais son premier long-métrage est remarqué et après Bye Bye Africa (1999), viendront d’autres films jusqu’au dernier présenté cette année à Cannes : Grigris.
Des films toujours réalisés au Tchad. «Je veux rompre l’invisibilité, donner un autre visage de ce grand pays qui ne se réduit pas à la violence.» Et Mahamat-Saleh Haroun est persuadé que l’objectif est atteint : «Le regard s’est déplacé vers l’art, les Tchadiens sont fiers et ont enfin l’impression d’exister autrement que comme peuple d’un pays en guerre.»
S’il travaille souvent au Tchad, s’il n’a pas pris la nationalité française, ce père de trois enfants n’imagine pas être enterré ailleurs qu’en France. Histoire de ne pas compliquer la vie de ses descendants, mais aussi pour initier une sorte de «droit du sol» à l’envers… et totalement revendiqué.
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