John Ayité Dossavi : "La Journée mondiale de la culture africaine et afro-descendante est une agora pour l'humanité"
Une nouvelle journée s'est inscrite au calendrier de l'Unesco le 24 janvier, celle de la Journée mondiale de la culture africaine et afro-descendante (JMCA). Entretien avec John Ayité Dossavi, fondateur de l'association à qui l'on doit cette journée.
C'est officiel ! La Journée mondiale de la culture africaine et afro-descendante est une occasion de célébrer le continent à l'échelle universelle. Cette jounée a été proclamée en novembre 2019 lors de la 40e session de la conférence générale de l'Unesco. Objectif : "Célébrer les cultures du continent africain et des diasporas africaines à travers le monde, et les promouvoir comme un levier de développement durable", précise l'agence onusienne. Le 24 janvier 2020 est la première célébration depuis l'aval de l'Unesco. John Ayité Dossavi, le président du comité de mobilisation de la Journée mondiale de la culture africaine (JMCA) qui la promeut depuis près d'une décennie, revient sur sa portée à la fois symbolique et pragmatique.
Franceinfo Afrique : la Journée mondiale de la culture africaine et afro-descendante, célébrée le 24 janvier depuis quelques années, est désormais inscrite dans le calendrier international avec son adoption par l’Unesco. Comment êtes-vous parvenu à l’inscription de cette date sur l’agenda mondial ?
John Ayité Dossavi : cette dynamique a été enclenchée en 2011. La date du 24 janvier pour célébrer la culture africaine est une recommandation du premier congrès panafricain sur la place de la culture dans le développement de l’Afrique organisé par le Réseau africain des promoteurs et entrepreneurs culturels (Rapec), en collaboration avec l’Unesco, au Togo. Cette journée est un hommage à l’Afrique, le berceau de l’humanité.
Le 24 janvier est une date qui a été choisie parce qu’elle est celle de l’adoption de la Charte de la renaissance culturelle africaine. Depuis 2014, où la journée a été lancée, nous avons mobilisé un certain nombre d’institutions – comme l’Unesco, le Groupe des Etats d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP), Cités et gouvernements locaux unis d'Afrique (CGLUA), l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) –, des promoteurs et entrepreneurs culturels et les chefferies traditionnelles afin que cette date soit célébrée.
Dès 2016, quatre événements ont été ainsi organisés en Afrique et, en 2019, ce sont une quarantaine qui se sont tenus à cette date du 24 janvier, aussi bien sur le continent qu’au sein des diasporas africaines dans le monde. Nous avons alors estimé que l'heure était venue de nous tourner vers l’Unesco qui a toujours suivi nos activités, est impliquée depuis le début et a toujours soutenu l’organisation de la Journée mondiale de la culture africaine et afro-descendante. Pour ce faire, nous avons demandé à la délégation togolaise auprès de l’agence onusienne, puisque c’est dans ce pays que l’idée de la JMCA est née, de porter notre projet de résolution auprès du Conseil exécutif de l'Unesco. Le projet a reçu l’adhésion de nombreux pays. Il n’a pas été seulement porté par des pays africains, des Etats d’Europe, d’Asie et du Moyen-Orient ont accepté de le co-parrainer. Ce qui n’est pas surprenant dans la mesure où l’Afrique est, aujourd’hui plus que jamais, au cœur des préoccupations de l’humanité.
C’est le Rapec qui a organisé cette rencontre sur la place de la culture où a émergé l’idée de la JMCA. Vous en êtes le fondateur et le président. Pourquoi avez-vous créé cette structure ?
Elle a été créée en 2007 au Burkina Faso. Elle est reconnue comme une ONG de développement au Togo et elle a le statut d’une association loi 1901 en France. Je suis journaliste culturel sur la place de Paris depuis plus de 25 ans et j’ai eu l’opportunité de tendre mon micro aux entrepreneurs et promoteurs culturels africains. Je connais leurs compétences, leurs lacunes, mais surtout leur désir de promouvoir les cultures du continent. On oublie souvent le rôle que peut jouer la culture dans les économies des pays africains et dans leur développement. Ce sont toutes ces raisons qui m’ont amené à lancer une association pour réfléchir à la façon dont la culture peut être une source d’emplois, de revenus et de devises dans nos pays.
La culture peut être une manière pour l’Afrique d’exprimer son dynamisme et de faire montre de l’énergie vitale de ses peuples. Si les dirigeants africains donnent les moyens et créent des conditions favorables au développement de l’activité culturelle, elle pourra être un important levier économique. On sait ce que Nollywood et la musique nigériane rapportent aujourd’hui à ce pays en termes de visibilité, de ressources et de respectabilité. Ce n’est pas seulement notre sous-sol qui doit être une source de revenus, nous devons nous tourner également vers les industries culturelles. Le Rapec peut continuer, en s’appuyant sur la JMCA, à militer pour atteindre son objectif premier : faire en sorte que la culture soit reconnue comme une activité économique à part entière sur le continent.
Vous avez été précurseur dans la démarche de célébrer l’Afrique et sa diaspora. Le Ghana a fait de 2019 l’année du retour et on sait le succès que cette initiative a rencontré. Vous êtes journaliste, né au Togo et installé en France. Pourquoi ce pont entre l’Afrique et tous ses fils vous a paru nécessaire ?
Aujourd’hui, l’Afrique se trouve partout. Pour toutes ces Afriques, il faut un symbole. Quel est le celui qui lie les Africains à leurs descendants qui sont dans les Antilles, les Caraïbes et en Amérique ? Jusqu’ici, il n'y en avait aucun. En outre, depuis que nous parlons du panafricanisme, qu'est-ce qui lie les Africains entre eux ? Une journée servira désormais de passerelle entre tous nos peuples, les Africains qui sont sur le continent et les Afro-descendants qui ont besoin aujourd’hui d’avoir un pont avec le continent mère.
Nous sommes très fiers d’être le premier continent au monde à se doter d’un tel outil de promotion pour le vivre-ensemble, le pardon, la cohésion sociale et la paix entre les peuples. C’est pourquoi, nous avons associé à cette journée un prix, le prix Kekeli-JMCA. Kekeli signifie lumière en éwé, langue parlée notamment au Togo et au Ghana.
Par ailleurs, l’idée d’une journée pour permettre à l’humanité de rendre hommage à l’endroit où tout a commencé pour elle ne peut souffrir d’aucune contestation. Cette journée est une agora pour les peuples africains et le reste de l’humanité. Ce n’est pas une journée d’exclusion, bien au contraire. L’Unesco l’a très bien compris.
Que se passera-t-il pour cette première édtion de la JMCA sous l'égide de l'Unesco ?
On me demande souvent ce qu’il faut faire le 24 janvier… Je retourne souvent la question aux gens : que faites-vous le 1er janvier ? Une date qui est devenue au fil des siècles une date universelle. Le 24 janvier le deviendra aussi.
Il n’y a pas de règle. Chacun décide de célébrer son 1er janvier comme bon lui semble. Idem pour la JMCA. Dans un futur proche, un comité international pour la mobilisation de la JMCA pourra lancer des thématiques. Mais nous n’en sommes pas encore là. Pour l’instant, à chacun de célébrer sa journée comme il le souhaite.
Au Cameroun, par exemple, les organisateurs de la JMCA ont proposé que les élèves, les étudiants et les enseignants soient en tenue traditionnelle. Ils proposent également que les gens aillent à leurs différents lieux de travail en tenue traditionnelle. Ils suggèrent aussi que les chefs traditionnels aillent à la rencontre des élèves et des étudiants. Pour ma part, je serai à Abidjan (la capitale économique ivoirienne, NDLR). Un certain nombre de manifestations sont prévues. En France, dans la ville de Sevran, la journée sera l’occasion de s’intéresser aux inventeurs africains. Une soirée est organisée à l’Unesco par la délégation de la République démocratique du Congo (RDC)…
Le 24 janvier sera aussi l’occasion d’encourager les Etats de l’Union africaine à ratifier cette Charte de la renaissance culturelle africaine ?
Dans cette Charte, il y a tout pour redonner de l’espoir aux peuples africains. En 2012, six pays l’avaient ratifié. Aujourd’hui, c’est un peu plus du double. Nous ne sommes pas pressés. Mais encore une fois, notre priorité va au-delà de cette charte comme je vous l'expliquais. Nous souhaitons que cette date du 24 janvier permette à toutes les filles et tous les fils d'Afrique d'être en communion.
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