Attaque à Tunis : un nouveau test pour la jeune démocratie tunisienne
L'attentat perpétré au musée du Bardo, revendiqué par l'organisation Etat islamique, éprouve à nouveau la délicate transition démocratique.
Quatre ans après la révolution, le printemps 2015 devait être celui du retour à la normale. Enfin, la Tunisie allait pouvoir profiter de ces années d'efforts laborieux mais payants. Fin 2014, le pays était parvenu à organiser des élections démocratiques et un gouvernement avait été formé. Restait à se mettre à pied d'œuvre. Mais, subitement, mercredi 18 mars, l'attaque du musée du Bardo replonge la Tunisie face à son plus grand démon : l'islamisme radical. La démocratie y survivra-t-elle ?
Quatre ans d'épreuves
"Le plus dur est derrière nous, mais il reste des sacrifices à faire", nous confiait le Premier ministre tunisien, Mehdi Jomaa, quelques jours avant le premier tour de la présidentielle. Il sait de quoi il parle. Son gouvernement de technocrates a été constitué pour sortir le pays d'une grave crise politique. Et parvenir aux élections n'a pas été une partie de plaisir.
Après la chute de Ben Ali, les islamistes persécutés sous son régime ont fait leur réapparition. D'un côté, Ennahdha, organisation islamiste proche des Frères musulmans et prête à jouer le jeu des élections. De l'autre, salafistes et radicaux parfois adeptes de la violence politique.
En septembre 2012, des centaines de manifestants prennent d'assaut l'ambassade américaine. L'année suivante, en février et juillet, deux responsables politiques de gauche, Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi, sont assassinés. A chaque fois, les radicaux exploitent et suscitent l'instabilité. Ils sont à deux doigts de plonger le pays dans le chaos. Le mécontentement est immense. Au-delà des salafistes, la colère se tourne vers les islamistes d'Ennahdha au pouvoir. Ils sont accusés de laisser faire les plus radicaux, mais aussi de mal gérer les affaires du pays.
La situation est si tendue que la Constituante doit fermer ses portes pendant un temps pour permettre un large dialogue national sous l'égide de la société civile. Et, là où les Frères musulmans égyptiens précipitent leur perte en refusant de faire des concessions, Ennahdha fait preuve de modération. Les islamistes confient les rênes du pouvoir à un gouvernement de technocrates, le temps d'organiser des élections transparentes. Le pays surmonte cette épreuve et se tire d'un très mauvais pas.
Un parti au pouvoir en pleine crise
A l'approche des législatives et de la présidentielle, fin 2014, Ennahdha n'est plus favori. Nidaa Tounès et son leader, le vieux Béji Caïd Essebsi (88 ans) ont le vent en poupe. Le parti est une formation hétéroclite comptant aussi bien des patrons que des syndicalistes, des politiques de droite et de gauche, et même des caciques du régime Ben Ali. Il rassemble surtout autour de son rejet des islamistes, en promettant le retour de la sécurité.
Béji Caïd Essebsi et Nidaa Tounès raflent la mise aux deux élections, malgré les avertissements d'Ennahdha. Seulement, le pouvoir, qui a vite usé Ennahdha, érode aussi Nidaa Tounès. Le parti est victime de ses faiblesses : un chef âgé et des membres aux convictions peu compatibles. Béji Caïd Essebsi parvenu au palais de la présidence à Carthage, il faut un nouveau dirigeant pour le parti.
Une guerre des chefs éclate. Juste après être arrivé aux affaires, le parti n'arrive pas à se choisir un nouveau bureau politique à la date prévue. Le président tout juste élu est vieux. Qui deviendra chef de son parti prendra une sérieuse option pour l'avenir. Le député Khemaïes Ksila lance une fronde contre le comité fondateur du parti en déclarant que "Nidaa Tounès vit une véritable crise, le cacher aux gens n'est plus acceptable".
En face, on accuse les frondeurs de manœuvrer pour mettre en selle le fils de Béji Caïd Essebsi. "Il s'agit d'une campagne pour faire hériter Hafedh Caïd Essebsi [du parti]. Nous avons dit non à l'hérédité, non au retour de l'ancien régime, non au fait que des gens disant 'mon père est Untel, je suis de telle famille' nous contrôlent. La révolution s'est faite contre ces pratiques", s'alarme Lazhar Akremi, porte-parole du parti, en référence au népotisme du régime déchu.
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