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Le quotidien en Tunisie, entre manifestations, pénurie et chômage

La Tunisie fête les deux ans de sa révolution dans un climat de violence, après l'assassinat de l'opposant Chokri Belaïd. Malgré les restrictions courantes et la corruption, les partisans de la démocratie veulent garder espoir.

Article rédigé par Clément Parrot
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Un jeune diplômé tunisien au chômage réclame la démission du gouvernement lors d'une manifestation à Tunis (Tunisie), le 29 septembre 2012. (FETHI BELAID / AFP)

De nouvelles violences ont éclaté en Tunisie, mercredi 6 février, après l'assassinat de l'opposant politique Chokri Belaïd. Dans un contexte de difficultés économiques et de crise politique, certains observateurs évoquent une "deuxième révolution". Deux ans après celle de "jasmin", qui a débuté avec l'immolation du jeune Mohamed Bouazizi, nombre de Tunisiens s'exaspèrent d'une situation qui semble figée. Francetv info s'intéresse aux difficultés quotidiennes qui rongent la société tunisienne.

Les difficultés économiques : chômage et hausse des prix

Deux ans après le renversement du régime de Ben Ali, le taux de chômage a atteint 17% en Tunisie et la croissance reste insuffisante pour le résorber (de l'ordre de 3% en 2012). Les manifestations se multiplient pour exiger du nouveau gouvernement une relance de l'économie et des créations d'emplois. Pour la journaliste Emna Ben Jemaa, contactée par francetv info, le gouvernement semble à court de solution : "Il n'existe pas de programme pour encourager les jeunes a créer leur projet." 

Un homme brandit une pancarte destinée au gouvernement sur laquelle est écrit "dégage", lors d'une manifestation à Tunis (Tunisie) le 14 janvier 2013. Deux ans après la "révolution de jasmin", les Tunisiens font toujours face à un fort taux de chômage.  (AMINE LANDOULSI / AP / SIPA)

Pour Lilia Blaise, journaliste franco-tunisienne jointe par francetv info, le problème n'est pas tant le chômage mais la hausse du coût de la vie. Emna Ben Jemaa va dans le même sens : "Tout est plus cher et beaucoup de ménages ont du mal à joindre les deux bouts."

Les pénuries récurrentes

Les problèmes d'approvisionnement perdurent, comme lors des premiers jours qui ont suivi la "révolution de jasmin". "Il y a effectivement des pénuries en viande, en lait, en essence", confirme Lilia Blaise.

Emna Ben Jemaa décrit un phénomène qui se produit occasionnellement. Elle l'explique par le mauvais fonctionnement de la chaîne économique dû aux manifestations, et par la crise libyenne. "La production n'a pas suivi l'évolution de la demande occasionnée par l'arrivée de réfugiés [plus de 300 000]". Du coup, la contrebande s'étend. Par ailleurs, le sentiment de panique face aux rumeurs de pénuries aggrave le problème.

Le fléau de la corruption

La corruption s'est imposée dans le quotidien. "On m'avait demandé de récupérer un document administratif à la douane. Le type sort, remplit le formulaire et me demande 20 dinars. Ne comprenant rien, je donne et il part sans me donner de reçus..." raconte Emna Ben Jemaa, dénonçant un système devenu un mode de fonctionnement pour certains secteurs.

Une enquête récente place la douane en tête des administrations les plus touchées, suivie par la police et la justice. Conséquence, 22% des entreprises se déclarent contraintes de recourir à des pratiques de corruption.

La violence politique

Les affrontements de ces deux derniers jours s'inscrivent dans un contexte de violence. En décembre dernier, des islamistes tunisiens ont répandu des téléviseurs sur une plage à Sousse. Ils souhaitaient ainsi dénoncer les médias "corrompus", comme le raconte France 24. Sur Twitter, un étudiant a publié une photo de la plage : 

 
Plus grave, en moins d'un an, les salafistes ont profané, saccagé et brûlé dix-sept mausolées, comme le raconte Jeune Afrique. L'objectif serait d'enlever aux Tunisiens leurs repères cultuels et culturels pour les ramener "à l'islam des origines".

Si la menace salafiste semble réelle en Tunisie, il reste des motifs d'espoir pour les partisans de la démocratie. "La solidarité demeure, les gens descendent toujours dans la rue pour défendre leurs causes", s'exclame Lilia Blaise. Ainsi, Slate Afrique rapporte un "Kiss in" organisé à Tunis le 12 janvier. Ces embrassades sont destinées à montrer une solidarité avec un couple de Tunisiens condamné à deux mois de prison pour un baiser dans la rue.

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