Tunisie : les dessous de la démission du Premier ministre Habib Essid
Béji Caïd Essebsi, alias BCE, doit maintenant engager des consultations dans un délai de 10 jours pour charger la «personnalité la plus apte» de former un nouveau cabinet. Laquelle personnalité aura 30 jours pour former une équipe.
Les jours du gouvernement, critiqué de toutes parts pour son «inefficacité», étaient comptés depuis que le chef de l'Etat s'est prononcé le 2 juin en faveur d'un cabinet d'union nationale. BCE avait ensuite engagé des pourparlers sur les priorités du futur gouvernement avec les partis politiques. Mais aussi avec le syndicat UGTT et Utica (patronat).
En public, aucun nom ne se détache pour l'instant pour succéder à Habib Essid, un indépendant de 67 ans à qui les députés ont réservé une «standing ovation»... juste avant de le congédier.
Le résultat du vote au Parlement était connu d'avance. Les partis de la coalition au pouvoir, mais aussi de l'opposition, avaient annoncé qu'ils ne renouvelleraient pas leur confiance à l'équipe sortante.
Intégrité et faiblesse ?
Tout en saluant l'«intégrité» du chef du gouvernement sortant, de nombreux députés ont brossé un sombre tableau de son bilan. Ils ont notamment critiqué la faiblesse de la lutte contre la corruption et le chômage. «La situation économique est évidemment le premier des reproches qui lui est fait. Mais il y aussi le fait que les réformes promises n’ont pas été mises en œuvre», a expliqué à Géopolis un observateur à Tunis, sous couvert d'anonymat.
Habib Essid s'est fermement défendu, mettant en avant les progrès réalisés sur le plan sécuritaire notamment. Si la Tunisie a été frappée depuis 18 mois par des attentats djihadistes sanglants, elle a vécu en 2016 son premier ramadan sans attaque depuis 2012. «Le gouvernement a fait son devoir dans plusieurs domaines (...) mais il y a des domaines dans lesquels on ne peut arriver à des résultats concrets en un an et demi», a argué le Premier ministre, ancien haut fonctionnaire de l’époque Ben Ali.
Le chef du gouvernement a aussi tenu à placer les partis devant leurs responsabilités. Il a rappelé à certains qu'ils avaient cherché à privilégier leurs intérêts plutôt que les compétences pour des nominations à des postes à responsabilité. «De son côté, il a cherché à nommer des personnes compétentes qui n’avaient pas d’attaches politiques», commente l’observateur tunisois.
Il est souvent reproché à Habib Essid, longtemps effacé, de manquer de charisme. «Il communique très mal», constate notre interlocuteur tunisois. Qui ajoute : «Il se disait qu’il avait été choisi pour ne pas faire d’ombre au président».
Hafedh, fils de son père
Néanmoins, ces dernières semaines, il a pris de l'assurance face aux «pressions» qu'il dit avoir subies pour l'obliger à démissionner. Sous le couvert de l'anonymat, ses proches ont attribué ces pressions au camp du fils du chef de l'Etat, Hafedh Caïd Essebsi, qui dirige le Nidaa Tounès. Ce parti, fondé par le président, a remporté les législatives de 2014 avant d'imploser et de perdre la première place au Parlement au profit des islamistes d'Ennahda.
D'une manière générale, le fils Essebsi est très présent dans la politique tunisienne. C’est d’ailleurs lui qui a pris le contrôle de Nidaa Tounès. Cette omniprésence agace. Sur Facebook, on commence à voir fleurir (à l’adresse du président Béji Caïd Essebsi) des slogans du genre : «Ton fils, tu te le gardes !»
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