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"J’ai vu des endroits brûler pendant plusieurs jours sans que personne ne réagisse" : à Porto Velho, l'amertume devant les incendies en Amazonie

À Porto Velho, la capitale de l’État de Rondonia, les habitants assistent, démunis, à la destruction de l'Amazonie. Sous la pression internationale et celle de son opinion publique, le président brésilien a autorisé l'intervention de l'armée. 

Article rédigé par franceinfo - Matthieu Mondoloni, Eric Audra <br> Édité par Pauline Pennanec'h
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Temps de lecture : 3min
Un homme au bord du Rio Madeira,&nbsp;le fleuve de&nbsp;Porto Velho, la capitale du Rondonia (Brésil). (MATTHIEU MONDOLONI / FRANCEINFO)

Quand on est au bord du rio Madeira, l’imposant fleuve qui jouxte Porto Velho, la capitale de l'Etat de Rondonia, il est presque impossible de distinguer l’autre rive. Assis sur sa moto, garée près de l’embarcadère, Carlos Henrique regarde l’imposante chape de fumée des feux de l'Amazonie qui stagne au-dessus de l’eau. "Le niveau du fleuve est très bas, dit-il, et puis toute cette fumée qui arrive... C’est tellement sec. C’est vraiment une année difficile."

Au bord du fleuve Rio Madeira,&nbsp;à Porto Velho&nbsp;(Brésil), il est presque impossible de distinguer l’autre rive à cause de la fumée. (MATTHIEU MONDOLONI / FRANCEINFO)

Le Rondonia, près de la frontière avec la Bolivie, est l'une des régions les plus touchées par les incendies qui ravagent l'Amazonie, et qui s'étendent sur neuf Etats brésiliens. C'est de Porto Velho, sa capitale, qu'opèrent depuis dimanche 25 août les bombardiers d'eau, deux avions C-130 Hercules larguant les premières dizaines de milliers de litres d'eau au-dessus de la forêt tropicale.

Carlos-Henrique et sa fille&nbsp;Ana-Lucie,&nbsp;au bord du Rio Madeira, le fleuve de Porto Velho (Brésil). (MATTHIEU MONDOLONI / FRANCEINFO)

Derrière Carlos Henrique, on voit à peine le visage de sa fille, Ana Lucie, caché sous un casque de moto rose trop grand pour l’adolescente de 13 ans. "C’est compliqué de respirer avec cette fumée, pas seulement pour les enfants, pour les adultes aussi." Ici, on est pourtant habitué, en saison sèche, à ces incendies et à leurs conséquences, mais là, c’est du jamais vu, racontent de nombreux habitants.

"On n'est pas assez réactifs"

Réunis sur une place de Porto Velho, ils sont une centaine à manifester leur soutien à l’Amazonie. Des familles, beaucoup de jeunes, dont Sophia, 20 ans, étudiante en droit. Avec des camarades, elle accroche une banderole rouge et jaune sur laquelle est écrit "Grands propriétaires terriens, ennemis de l’Amazonie". Leur complice, c’est le gouvernement de Jair Bolsonaro : "J’ai vu des endroits brûler pendant plusieurs jours sans que personne ne réagisse. On n’est pas assez réactifs."

Je sais qu’il y a un manque de moyens et de personnels, mais là, le gouvernement fait des déclarations honteuses et désastreuses… Il ne répond que sous la pression.

Sophia

à franceinfo

C'est justement sous la pression de la communauté internationale que le président brésilien Jair Bolsonaro a décidé de déployer des renforts militaires pour lutter contre le feu. Des avions et des hommes, membres des Forces nationales accueillis par le chef des pompiers de la ville, le colonel Gregorio. "Leur mission sera de combattre au plus près les incendies, par voie terrestre dans les endroits les plus touchées", explique-t-il. "Mais nous sommes entourés par d’autres régions qui brûlent. Elles doivent elles-aussi aussi s’engager sinon on va subir ce fléau jusqu’à la fin de la saison sèche", affirme le colonel.

Les membres de la Force nationale sont accueillis par les pompiers de la ville de Porto Velho (Brésil). (MATTHIEU MONDOLONI / FRANCEINFO)

Pour l’instant, six autres États du Brésil ont accepté l’aide militaire du gouvernement, mais cette aide est jugée insuffisante par certains. Dans le Rondonia, trente hommes seulement sont arrivés en renfort pour lutter contre les quelque 500 feux qui se sont déclarés ces dernières 48 heures.

Reportage de Matthieu Mondoloni à Porto Velho

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