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Les journalistes indépendants risquent gros au Honduras

Adonis Felipe Bueso vient d’être assassiné dans le nord-est du Honduras. Il a subi le même sort qu’une vingtaine de ses collègues. Être reporter dans ce pays c’est risquer sa vie ou adhérer à la ligne du gouvernement. Deux journalistes honduriens témoignent.
Article rédigé par Florencia Valdés Andino
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
"On ne tue pas la vérité en tuant des journalistes", scandaient des reporters le 25 mai 2012.. (AFP)

Le meurtre d’Adonis Felipe Bueso, le 8 juillet 2012, n’a guerre mobilisé les autorités. Comme lui, les journalistes qui exercent dans les coins reculés de ce petit pays sont très vulnérables et leur disparition ne donne pas lieu à des enquêtes policières poussées.

Mais pour Alfredo Villatoro ce n'a pas été le cas. Il avait été kidnappé. La police a retrouvé son corps au bout d’une semaine. L’assassinat du chef des informations de la radio publique nationale (HRN), en mai 2012, avait été largement médiatisé au-delà des frontières honduriennes provoquant une profonde émotion dans le pays.

Quelques jours après ses obsèques, ses collègues ont protesté la bouche bâillonnée contre la violence dont ils sont victimes. A la suite des manifestations, dans la capitale, plusieurs d’entre eux ont dit être l’objet d’intimidations et de menaces de mort. « Nous allons vous brûler à l’acide, salopes ! » C’est le message que Dina Meza et autres deux consœurs ont reçu dans leur téléphones portables à plusieurs reprises.

Les reporters ont battu le pavé pour exiger que les coupables du meurte d'Alfredo Villatoro soient punis. Tele sur TV 25 mai 2012.

Ticket direct pour la morgue

Alfredo Villatoro a été une victime parmi la vingtaine de ses confrères qui ont été exécutés pendant la présidence de Porfirio Lobo. Le chef d’Etat a pourtant réagi énergiquement à l’affaire, pression populaire oblige. Un dispositif exceptionnel a été déployé : dix suspects arrêtés et inculpés. La cause du meurtre n’a pas encore été élucidée.

Les reporters encombrants sont les proies de choix des autorités politiques répressives, de la police corrompue, des caciques locaux et des chefs des mafias. Un mot plus haut que l’autre peut être un ticket direct pour la morgue. Luz Marina Paz, connue pour ses prises de position très virulentes contre le gouvernement en place, a été tuée en 2011. Selon la version officielle de la police, la journaliste refusait de payer une « taxe de guerre » aux gangs locaux.  

« Je n’ai pas peur »

Les reporters indépendants se rendent dans leurs rédactions la peur au ventre. Ceux qui choisissent d’être plus dociles mènent une vie beaucoup plus sereine. Danilo Izaguirre est un des journalistes les plus reconnus de ce pays de 8 millions d’habitants. A presque 60 ans, il a passé plus de la moitié de sa vie devant un micro. Il est une des figures emblématiques de la radio publique nationale HRN.  

Avec 35 ans de journalisme à son actif, Danilo Izaguirre le dit avec fierté : «Je n’ai pas de gardes-du-corps, je travaille jusqu’à tard la nuit et je prends ma voiture. Je n’ai pas peur parce que je fais toujours mon travail avec sincérité. Mais dans ce métier, il faut être prudent. Il faut faire attention à ce qu’on raconte. Si vous saviez ce que certains journalistes osent dire. Ils vont même jusqu’à insulter des gens. A ce moment-là, il est normal que certaines personnes ne soient pas contentes».

Sans vraiment le dire et en se cachant derrière des formules ampoulées, Danilo Izaguirre admet s’autocensurer. Il s’offusque tout de même quand ce mot est prononcé.

Conflits d'intérêt

«La violence a explosé surtout lorsque Manuel Zelaya, l'ancien président, était au pouvoir », affirme-t-il.  Ce qui est inexact. Sur les 24 journalistes tués au cours de la décennie, 20 ont été exécutés depuis le coup d’Etat en 2009. Certains payent au prix fort leur soutien à l’ancien chef d’Etat et leurs prises de position. 

Ce que ce présentateur se garde bien de dire c’est qu’il convoite une place au Parlement sous les couleurs du pouvoir en place. Pour lui il n’y a pas de conflit d’intérêt «il faut juste ne pas déborder ».

Les journalistes qui dénoncent les violations des droits de l'homme sont les plus vulnérables. Al Jazeera mai 2010.

Changer de métier ou se faire tuer

«Pendant le coup d’Etat, j’ai soutenu Manuel Zelaya. J’étais contre la façon dont il a été chassé du pouvoir. Depuis, j’ai été mis au placard, j’ai eu beaucoup du mal à retrouver du travail. Ma fille a pâti de ma prise de position. Elle était devenue persona non grata même si elle n’est pas journaliste. Elle a retrouvé un emploi mais pas dans son domaine. Les choses vont mieux pour moi aujourd'hui mais ce n'est pas le cas de tout le monde", raconte ce journaliste qui préfère garder l'anonymat.

Il poursuit : «C’est très dur pour les journalistes qui s’opposent au gouvernement. Au mieux ils sont mis à l'écart et font un autre métier, au pire ils se font tuer.  C'est très dangereux de critiquer la classe politique.»

Selon l'ONU, le Honduras fait partie des pays les plus dangereux au monde avec 82 homicides pour 100 000 habitants. En 2010, Reporters sans frontières l'a classé, avec le Mexique, comme un des pays les plus risqués pour les journalistes du continent sud-américain.

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