Pourquoi Barack Obama ne fait plus rêver aux Etats-Unis
Le côté cool du président américain ne fait plus recette. Pendant la campagne des élections de mi-mandat, les candidats démocrates ont pris leur distance avec le chef de l'Etat. Voici les raisons de ce désamour.
Aux Etats-Unis, les commentateurs politiques s’accordent à dire que les élections de mi-mandat s'apparentent à un référendum sur l’action du président américain. C'est particulièrement vrai cette année. "Cette campagne ne parle de rien, mais toujours d’Obama", relève ainsi un analyste du Washington Post (en anglais).
Ce climat n’augure rien de bon pour les démocrates. Six ans après son arrivée à la Maison Blanche, Barack Obama est considéré comme un élément gênant par son propre parti. Le côté cool et rafraîchissant du dirigeant qui alterne pas de danse, fist bumps (un salut à poing fermé) et traits d’humour ne fait plus recette. Le Boston Globe (en anglais) détaille comment, pendant la campagne, les candidats démocrates se sont efforcés de prendre leurs distances avec le président américain, qui souffre d’une forte impopularité depuis la mi-2013. Le chef de l'Etat a même été contraint de se faire rare pendant les meetings, envoyant en première ligne sa femme, Michelle Obama, et le couple Clinton.Voici les principales raisons pour lesquelles Barack Obama ne fait plus rêver.
Parce qu'il n'a pas su gérer les situations de crise
Ebola. Le locataire de la Maison Blanche a été vivement critiqué aux Etats-Unis pour sa gestion de l’épidémie d’Ebola, qui a fait un mort au Texas et a contaminé deux infirmières qui ont traité ce patient.
Barack Obama a tenté de faire bonne figure en étreignant l'une d'elles, Nina Pham, après sa guérison. Mais de nombreux titres de presse ont rebondi sur cet épisode pour dénoncer la faiblesse du président américain lors des situations de crise. Le locataire de la Maison Blanche est "trop cool" pour y faire face, estime le magazine The Atlantic (en anglais), tout comme Bloomberg Business Week (en anglais), qui l'a présenté décontracté, avec des lunettes de soleil et un T-shirt blanc.
Syrie. La fébrilité de Barack Obama a surtout été visible sur les dossiers internationaux. Il avait fixé une ligne rouge au régime syrien de Bachar Al-Assad : l’utilisation d’armes chimiques. Mais il s’est retrouvé pris au piège de sa propre règle après l'attaque du 21 août 2013, faisant preuve d'indécision. "Barack Obama est un président à la Jimmy Carter [chef de l'Etat de 1977 à 1981], plutôt faible en matière de politique étrangère, qui n'aime pas prendre ses responsabilités", analysait Laurence Nardon, responsable du programme Etats-Unis de l'Institut français des relations internationales (Ifri), pour francetv info, en septembre 2013.
Etat islamique. Les tergiversations de Barack Obama auraient également eu de lourdes conséquences au Moyen-Orient, engendrant un nouvel épisode particulièrement préoccupant : la montée en puissance des jihadistes de l'Etat islamique. Sur ce point, les critiques pleuvent. Et viennent également de son propre camp. Dans un entretien à l'hebdomadaire The Atlantic (en anglais), Hillary Clinton reproche ainsi à Barack Obama d'avoir laissé en Syrie un vide "rempli par les jihadistes", faute d'avoir aidé militairement l'opposition au président Bachar Al-Assad.
Ukraine. Les Etats-Unis sont sortis affaiblis de la séquence syrienne, et Vladimir Poutine, le président russe, a tiré profit de la valse-hésitation de son homologue américain. Il a réussi un retour sur la scène internationale, menant le bras de fer lors de la crise ukrainienne.
Cette incapacité de la Maison Blanche à trancher ou à réagir de façon adéquate lors des situations de crise n'est pas le simple fait de Barack Obama, mais de l'ensemble de ses équipes. Le président américain "s'est entouré, pour son deuxième mandat [depuis 2012], d'hommes et de femmes choisis davantage pour leur loyauté que pour leur qualité", estime Dominique Moïsi, conseiller spécial à l'Ifri, dans Les Echos.
Parce qu'il n'a pas tenu ses promesses
Bloqué par le Congrès. Barack Obama a suscité beaucoup d’espoirs lorsqu’il est arrivé à la Maison Blanche. Non seulement aux Etats-Unis, mais également à travers le monde. Sauf qu’il a été victime de la crise économique et qu’il a rapidement perdu sa majorité à la Chambre des représentants (l'équivalent de l'Assemblée nationale).
Ainsi, il "n’a plus été en mesure de faire voter un texte, hors lois de finance, depuis 1 500 jours, un record pour un président depuis 1945", relève Slate. "Elu comme 'premier président noir' des Etats-Unis, annonçant qu'il allait 'changer le monde' ou 'ralentir la montée des océans', Obama s'est retrouvé à négocier sans fin des compromis abscons avec le Congrès", a commenté Libération en janvier 2013. Lors de la campagne présidentielle de 2012, des déçus s'étaient directement adressés à Barack Obama lors d'un débat télévisé, comme le rapportait France 2.
Discriminations raciales. La déception est également sensible sur les questions de société. Alors qu'il était attendu comme un héros de la lutte contre les discriminations raciales, les récentes émeutes de Ferguson (Missouri) et la polémique après la mort du jeune Trayvon Martin, en Floride, en février 2012, ont rappelé aux Américains que leur pays était toujours en proie à ses vieux démons. "Ne nous méprenons pas, il nous reste beaucoup à faire", a lancé Barack Obama en rendant hommage aux 50 ans du discours "I have a dream" de Martin Luther King, en août 2013.
Guantanamo et réforme de Wall Street. Cela s'ajoute à d'autres promesses non tenues et à d'autres loupés : la prison de Guantanamo n'a pas été fermée, la réforme de la santé a tourné au fiasco, la réforme financière est incomplète, et les dispositions du patriot act ont été reconduites.
Barack Obama n'a pu mener à bien tout ce qu'il avait annoncé et tout ce que les Américains attendaient de lui. Il n'empêche. Paul Krugman, prix Nobel d'Economie, vient à sa rescousse dans le magazine Rolling Stone (en anglais), et estime que le dirigeant américain est " l'un des meilleurs présidents des Etats-Unis, et peut-être celui qui a rencontré le plus de succès".
Il existe, en effet, des points positifs, comme la baisse du chômage, qui s'établit désormais à 5,9% de la population active contre 10% en 2009. Mais ces rares bonnes nouvelles passent inaperçues. "Barack Obama n’a pas le dynamisme d’un Franklin Roosevelt [président de 1933 à 1945], ce capitaine enthousiaste qui redonnait confiance dans la tempête", commentent les spécialistes Nicole Bacharan et Dominique Simonnet, auteurs des Secrets de la Maison Blanche (éd. Perrin, 2014), dans une tribune publiée dans Le Monde (article payant).
Parce qu'il est trop froid
Moins chaleureux que Clinton et Bush. Barack Obama avait séduit par son talent d’orateur et sa décontraction. Mais les années au pouvoir ont révélé un autre visage. Lors de la course à la Maison Blanche de 2012, les commentateurs avaient déjà mis en exergue le côté froid et intellectuel du 44e président américain. Ce fut le cas du blog du Figaro scrutant la présidence d'Obama. En janvier 2013, un diplomate, qui a connu George W. Bush et Bill Clinton avant Obama, a réalisé cette comparaison auprès de Libération : "Obama est de loin le plus froid et cérébral. Les entretiens avec Clinton et Bush étaient toujours beaucoup plus chaleureux. Même lorsqu'on n'était d'accord sur rien, Bush générait beaucoup d'empathie. Il avait aussi beaucoup d'humour. Avec Obama, on admire son intelligence, mais cela ne crée pas forcément un lien."
"Une approche de professeur de droit." "Après six ans, il est clair que la présidence d’Obama se caractérise largement par l’adhésion à la rigueur intellectuelle, sans regard pour les besoins émotionnels de la population", écrit Bloomberg Business Week (en anglais). Et il ressort désormais que cette froideur irrigue l'ensemble de son travail. "Obama aborde généralement les questions politiques avec une approche de professeur de droit, s'appuyant avant tout sur la logique et non sur son charisme de leader", peut-on lire dans l'extrait du livre de Leon Panetta, ancien directeur de la CIA, publié par le Washington Post (en anglais). Même analyse pour Dominique Moïsi, qui estime que Barack Obama est "trop intellectuel, peu doué pour l’empathie".
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