Présidentielle au Chili : trois questions sur l'élection de dimanche, dominée par les extrêmes
Au terme d'une campagne pour le moins houleuse, les Chiliens élisent dimanche leur nouveau président et doivent choisir entre deux candidats que tout oppose.
Difficile de faire plus polarisé. L'élection présidentielle au Chili, dont le second tour a lieu dimanche 19 décembre, voit s'affronter deux candidats diamétralement opposés : Gabriel Boric, décrit comme "à gauche de la gauche", et José Antonio Kast, son rival d'extrême droite, arrivé en tête au premier tour. Franceinfo revient sur la campagne mouvementée qui a donné lieu à ce scrutin inédit pour le Chili.
1Qui sont les deux candidats en lice pour le second tour ?
Des sept candidats présents au premier tour, le ténor de l'extrême droite chilienne, José Antonio Kast, a réalisé le meilleur score avec 27,95% des voix, juste devant le député de gauche radicale Gabriel Boric, qui a capté 25,71% des suffrages. Un résultat historique pour le Chili, car depuis la fin de la dictature Pinochet et le retour de la démocratie en 1990, le pays était exclusivement dirigé par des partis modérés de centre-droit et de centre-gauche.
Du côté de l'extrême droite, José Antonio Kast est un avocat et ancien député âgé de 55 ans, qui est à la tête d'une coalition populiste composée du Parti républicain et du Parti chrétien conservateur. Farouche opposant au droit à l'avortement et au mariage homosexuel (qui sera autorisé au Chili à partir de mars 2022), il défend une économie ultralibérale et s'est dit nostalgique de la dictature du général Augusto Pinochet, responsable de plus de 3 000 morts et d'innombrables actes de torture entre 1973 et 1990. "Nous allons retrouver la paix, l'ordre, le progrès et la liberté", avait-il déclaré le soir du premier tour.
A l'autre extrémité de l'échiquier politique, Gabriel Boric est un militant de la gauche radicale très actif lors des manifestations étudiantes qui avaient secoué le Chili en 2011, avant de soutenir l'immense vague de contestation sociale qui avait eu lieu fin 2019. A 35 ans, il est député sans étiquette mais est soutenu par une large coalition de gauche, qui comprend notamment des communistes, des écologistes et des figures de centre gauche. En 2020, il a été un acteur clé dans l'organisation de la rédaction d'une nouvelle Constitution afin de remplacer le texte actuel, inchangé depuis la dictature. Gabriel Boric promet davantage de droits pour les travailleurs et défend un programme majoritairement social-démocrate.
2Comment s'est déroulée la campagne électorale ?
Les débats de ces derniers mois ont porté sur des sujets extrêmement clivants : avortement, droits des femmes, des indigènes et des homosexuels, mémoire de la dictature, corruption de la classe politique... Des thématiques abordées à la fois sur les plateaux de télévision mais aussi par les parlementaires chiliens, puisque le droit à l'avortement et le mariage homosexuel ont récemment fait l'objet de propositions de loi – et d'âpres oppositions.
Mais les passes d'armes ont parfois été plus virulentes, surtout du côté de José Antonio Kast, qui a multiplié les attaques personnelles contre Gabriel Boric, allant jusqu'à répandre des fausses informations. Comme l'a relevé France 24, le candidat de gauche a récemment dû publier les résultats d'un test de dépistage de drogue, négatif, après que son rival l'a implicitement accusé d'usage de stupéfiants. Le camp du candidat de gauche, excédé par les accusations infondées, a plusieurs fois dénoncé une "campagne sale" de la part de José Antonio Kast. Le premier tour a souffert d'une forte abstention (environ 53%), un niveau toutefois équivalent à celui de l'élection de 2017.
3Dans quel contexte cette élection a-t-elle lieu ?
Le président sortant, le milliardaire Sebastian Pinera, qui est cité dans les Pandora Papers, s'apprête à laisser les rênes d'un pays exsangue. Après plusieurs années de contestation populaire et de réformes qui n'aboutissent que difficilement, le Chili est en proie à d'importantes divisions politiques. Les séquelles des affrontements d'octobre 2019, entre forces de l'ordre et manifestants contestant une hausse du prix du ticket de métro, sont encore douloureuses. Malgré une série de mesures sociales, les autorités craignent de nouvelles vagues de manifestations, comme celle qui avait réuni 1,2 million de personnes à Santiago le 25 octobre 2019.
Dans ce pays riche en cuivre, mais parmi les plus inégalitaires du monde, selon l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la contestation populaire concernant l'accès à l'éducation et aux services publics est loin d'être retombée. Et quel que soit le candidat choisi dimanche par les électeurs, rassembler un Chili aussi divisé s'avèrera être une tâche extrêmement délicate.
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