Afghanistan. Des chirurgiens esthétiques au pays de la burqa
Une clinique ouverte récemment à Kaboul propose aux femmes des opérations du nez ou la pose d'implants mammaires.
ASIE-PACIFIQUE – Vous désirez une liposuccion, un nez refait ou une poitrine plantureuse ? Consultez le Dr Hamkar à Kaboul (Afghanistan). Même si elles vivent encore souvent cachées sous leur burqa, les Afghanes recourent de plus en plus à la chirurgie esthétique, signe d'une relative évolution des mœurs. Dans la clinique Hamkar, deux médecins réalisent ce genre d'interventions, souvent sous anesthésie locale, environ deux fois par semaine. Le reste du temps, ils pratiquent la chirurgie de reconstruction.
"J'ai toujours été jalouse de voir le nez plus long et plus gros de mes sœurs et d'autres femmes. Le mien était petit et plat." Agée de 18 ans, Shaïda a pris son problème à bras le corps. Récemment opérée à la clinique Hamkar, l'une des rares du genre à Kaboul, elle arbore désormais le profil de ses rêves. Faute de silicone, trop chère et difficile à trouver, on a prélevé à Shaïda un bout de cartilage d'une côte, qui a été modelé à la forme voulue avant d'être implanté dans son nez. L'opération lui a coûté environ 300 dollars (230 euros), une somme supérieure au salaire mensuel de nombreux Afghans.
Requête du mari
Dans une société machiste où les jeunes filles peuvent être défigurées à l'acide si elles vont à l'école, opérer dans un but purement esthétique était impensable, surtout pour des patients féminins, lorsque les talibans étaient au pouvoir. Sous leur règne, de 1996 à la fin 2001, les femmes ne pouvaient travailler, étudier, ou sortir de chez elles non accompagnées. Inenvisageable aussi à cause des services médicaux défaillants, mal équipés et trop peu nombreux. Une décennie de présence internationale a légèrement modifié la donne, rendant les services de santé, de qualité toutefois très variable, accessibles à 80% de la population, selon l'ONU.
Les cliniques privées ont fleuri au rythme des changements sociétaux. Une minorité d'Afghans enrichie par l'aide internationale voyage, s'imprégnant au passage des modes en vigueur dans les pays visités. Les autres, notamment la nouvelle classe moyenne, suivent désormais assidûment des séries télévisées turques, américaines, colombiennes et les films indiens, dont les acteurs et actrices, dont les décolletés sont brouillés par la censure pour ces dernières, arborent des visages parfois refaits.
Minorités discriminées
Formé en Russie et en Chine, le docteur Aminullah Hamkar a pratiqué sa première modification mammaire en Afghanistan sur requête du mari de sa patiente. Celle-ci, une jeune femme de 18 ans mariée très jeune dans l'est du pays, avait probablement vu sa poitrine altérée par plusieurs grossesses et allaitements. "En voyageant à Dubaï, une ville plus ouverte, son mari a dû voir des femmes aux plus jolies formes. De retour chez lui, il n'aimait plus celles de son épouse. Il a accepté de lui faire consulter un chirurgien plastique", raconte le médecin de 53 ans.
"Pour de nombreuses personnes, la perception de la vie et du sexe change souvent au retour d'une visite d'un pays moins conservateur", poursuit-il. En Afghanistan, opérer une poitrine pour des raisons esthétiques relève encore de l'exception. Le médecin dit surtout pratiquer la rhinoplastie (modification de nez), généralement pour des patients hazaras, une ethnie minoritaire d'aspect mongole, discriminée dans le passé et qui cherche à avoir des nez semblables à ceux d'ethnies plus importantes, comme les pachtounes ou les tadjikes.
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