Birmanie : la colère monte
Les appels incessants de la communauté internationale restent lettre morte. L'Onu a de nouveau plaidé pour l'instauration d'un pont aérien vers la Birmanie afin d'éviter ainsi une "deuxième catastrophe", mais la junte continue à faire la sourde oreille pour garder la haute main sur la distribution de l'aide étrangère au profit des sinistrés du cyclone Nargis. "Jusqu'à présent, la nation n'a pas besoin de travailleurs humanitaires spécialisés", a assuré le vice-amiral Soe Thein, haut responsable militaire cité par un journal gouvernemental. Les besoins de centaines de milliers de survivants "ont été satisfaits, dans une certaine mesure", a-t-il ajouté, sans broncher.
L'ONU, l'UE, les Etats-Unis et bon nombre de pays occidentaux sont loin d'être du même avis. Et sur place, la parole d'une population habituellement muselée commence à se libérer... timidement. Surveillée depuis près d'un demi-siècle par des juntes autoritaires, asphyxiée par une armée de plus de 400.000 hommes, traumatisée par un système de surveillance rodé, où chacun se méfie de voisins potentiellement à la solde du régime, la population a appris à s'autocensurer. Pourtant depuis quelques jours, des voix sélèvent. De Rangoun, la principale ville du pays elle-même sévèrement frappée par le cyclone, jusqu'à la région du delta de Irrawaddy (sud-ouest), bonzes, femmes au foyer, agriculteurs, personnes âgées, tous se pressent pour venir parler aux étrangers qui passent et leur dire leur colère. Selon un analyste birman réfugié en Thaïlande, des troubles similaires à ceux intervenus en septembre dernier après l'augmentation massive des prix des carburants, pourraient de nouveau éclater. "La colère est plus forte que leur peur maintenant", assure-t-il.
Selon le bilan officiel provisoire, 34.273 personnes ont été tuées par Nargis - parmi lesquelles 40% seraient des enfants selon l'ONG Save The Children - et 27.836 sont portées disparues. Des diplomates citent des estimations supérieures à 100.000 morts et il faudra des semaines pour évaluer l'ampleur de la tragédie. D'autant que des épidémies de dengue et de paludisme sont à prévoir, prévient l'Organisation mondiale de la santé, au moment où des pluies s'abattent sur la région. Les besoins humanitaires restent colossaux pour des survivants désespérés et coupés du monde, qui ont soif et faim, dans des zones du delta de l'Irrawaddy où flottent des corps en décomposition.
Anne Jocteur Monrozier, avec agences
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.