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Birmanie: le poids de la religion, un obstacle à la dépénalisation de l'IVG

En Birmanie, avorter est interdit par la loi, sauf en cas de danger mortel pour les femmes. Celles qui y ont recours clandestinement le font souvent au péril de leur vie. Dans un pays traditionnellement bouddhiste, tenu par la religion, l’éducation sexuelle reste un sujet tabou: le mot «vagin» n'existe même pas dans la langue birmane.
Article rédigé par Dominique Cettour-Rose
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3min
Bien que les moyens de contraception soient en vente libre, peu de femmes savent comment l'utiliser et les jeunes, notamment dans les campagnes, ont honte de s'en procurer. (ROBERTO SCHMIDT / AFP)

A Rangoun, la plus grande ville de Birmanie avec plus de 5 millions d'habitants, des dizaines de chirurgiens pratiqueraient illégalement l'avortement. Un business lucratif qui leur rapporte entre 30.000 et 100.000 kyats (20 à 75 dollars) par intervention. Ces médecins risquent de 3 à 10 ans de prison alors que les femmes, qui  encourent théoriquement des peines d'emprisonnement, ne sont pas poursuivies.

De fausses cliniques existent aussi dans lesquelles des charlatans pratiquent des avortements en utilisant des baleines de parapluies ou des tiges de bambou pour déloger le fœtus. Le Dr Ni Ni, directrice de l'IPAS – ONG internationale de défense des droits à la maternité des femmes – n'a pas oublié le cas d'une jeune fille de 14 ans qui a dû subir une ablation de l'utérus après un avortement pratiqué avec un rayon de vélo.

Une mortalité sous-estimée
Officiellement, les avortements représentent environ 10% des décès liés à la mortalité maternelle, un pourcentage en dessous de la réalité, estiment les experts en raison notamment des suites d'infections, d'hémorragies, de blessures utérines et des effets toxiques des agents censés provoquer un avortement. 

Avec 282 décès pour 100.000 grossesses, ce taux est le deuxième plus élevé d'Asie du Sud-Est après le Laos et est deux fois supérieur à la moyenne régionale.
 
L'IPAS estime à 286.000 les avortements illégaux pratiqués chaque année dans le pays. L'organisation a dépensé près de 10 millions de dollars (9,15 millions d'euros) en deux ans pour améliorer la santé des femmes mais les habitudes restent difficiles à changer.

Absence d'éducation sexuelle 
«Les femmes ne parlent pas de sexe», raconte Thiri, qui n'a toujours pas dit à son nouveau compagnon qu'elle avait avorté il y a deux ans. Cette jeune Birmane a raconté à l'AFP son angoisse quand elle a dû avaler la dernière pilule pour avorter. Elle était accompagnée d'une amie dans un hôtel de Rangoun, loin de chez elle.
Thiri s'inquiète de savoir si elle pourra «être de nouveau enceinte» après une IVG clandestine. (YE AUNG THU / AFP )

Son petit ami venait de la quitter après avoir découvert qu'elle était enceinte, car comme la majorité des hommes, il voulait épouser une femme vierge. Cependant, ils n’hésitent pas à promettre à une femme le mariage pour qu'elle consente à avoir des rapports sexuels avant.

Le poids de la religion
La religion a une place très importante dans la société birmane où l’acte sexuel est indissociable de la procréation. Certaines associations tentent d’aborder l'éducation sexuelle et les questions de genre, des sujets absents des programmes scolaires et plus généralement de cette société bouddhiste, au grand dam d'organisations extrémistes comme Ma Ba Tha.

L'ancienne junte, qui a partiellement quitté le pouvoir en 2011, ne voulait pas instaurer de contrôle des naissances redoutant un déséquilibre démographique avec l'Inde, la Chine et même la Thaïlande voisines. L'arrivée d'un gouvernement semi-civil a toutefois permis aux femmes mariées d'accéder à la contraception. Elles restent cependant «menacées si elles refusent d'avoir des relations sexuelles avec leur mari», explique Htar Htar, fondatrice du groupe des droits des femmes Akhaya Women. Et afin de rester de bonnes épouses, elles n'osent pas demander aux hommes d'utiliser des préservatifs, ajoute-elle.

Aujourd'hui, des ONG comme l'IPAS mettent à la disposition des femmes une contraception sur le long terme, en particulier dans les zones rurales où les taux de mortalité maternelle sont deux fois supérieurs à ceux des villes.

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