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Elections législatives en Australie: Malcolm Turnbull a raté son coup de poker
Les élections anticipées du 2 juillet 2016 ouvrent une nouvelle période de crise politique en Australie. Aucun des grands partis n’a obtenu de majorité, une situation qui rend le pays ingouvernable. Tenu pour responsable, le Premier ministre est sous le feu des critiques.
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Le Premier ministre australien pariait sur les élections fédérales anticipées du 2 juillet pour conforter sa majorité parlementaire. L’opération a tourné en sa défaveur puisque, quelques jours après le scrutin, aucun des deux partis traditionnels – le Parti libéral du Premier ministre et le Parti travailliste – n’a obtenu la majorité des 76 sièges du Sénat et des 150 de la Chambre des représentants. Pour le moment, ni Malcolm Turnbull ni son rival de gauche Bill Shorten ne peuvent former de gouvernement, chacun ayant récupéré respectivement 72 et 67 députés. Le comptage des votes est encore en cours, mais la coalition gouvernementale, forte de 90 députés avant les élections, a d'ores et déjà perdu le pari de grossir ses rangs..
80% des votes transmis en Australie. Très serré, mais ce qui est sûr c'est que le pari de #Turnbull a complètement foiré. #ausvotes
— The Aussie (@BackoTheDoc) 5 juillet 2016
La confusion comme spécialité
«J’assume l’entière responsabilité de notre campagne», a déclaré le Premier ministre, qui a écarté les appels à la démission, à gauche comme dans son propre parti. La députée libérale et ancienne ministre Bronwyn Bishop regrette que les élections n’aient pas eu lieu plus tôt dans l'année, «lorsque le Premier ministre était populaire». Profitant de la situation, le travailliste Bill Shorten a fustigé la manœuvre du chef de l’exécutif lors d’une déclaration publique le 5 juillet: Malcolm Turnbull «doit mettre en avant la nation, pas lui-même. Tout le monde sait que les libéraux traversent une crise, mais il ne doit pas demander aux Australiens d’aller aux urnes pour résoudre son problème.»
Cette confusion politique, l’Australie en a récemment fait sa spécialité. Depuis 2010, aucun Premier ministre n’est arrivé au terme de ses trois ans de mandat. «Lorsque les actions du chef de gouvernement le rendent impopulaire, il est courant que les membres de son parti se réunissent pour changer de leader, explique David Camroux, professeur associé au Centre de recherches internationales (CERI). Ils lui trouvent alors un remplaçant plus consensuel afin de remporter les élections suivantes.»
C’est justement de cette façon que Malcolm Turnbull a écarté son prédécesseur et collègue Tony Abbott, en septembre 2015. Afin de s’éviter le même sort et réaffirmer son emprise sur les libéraux, l’homme d’affaires de 61 ans a dissout les deux chambres du Parlement en mai. «Turnbull s’était présenté comme un modéré lorsqu’il a pris la place d'Abbott, connu pour ses sorties populistes et climatosceptiques, poursuit David Camroux. Néanmoins, il a poursuivi la même politique que son prédécesseur, et a déçu bon nombre d’Australiens». Preuve en est de sa promesse de légaliser le mariage homosexuel en Australie, abandonnée afin de ne pas froisser les libéraux les plus conservateurs.
Une percée des partis indépendants
Alors que Turnbull a orienté sa campagne sur la baisse des impôts pour les entreprises et la stabilité économique, son concurrent travailliste a, quant à lui, privilégié le service public, dans l’éducation et la santé. Peu populaire au début de la campagne, Bill Shorten «a été très efficace», au point d’être au coude-à-coude avec le Premier ministre sortant. Président des travaillistes depuis 2013, l’avocat de Melbourne est proche des principaux syndicats australiens.
S’il critique les pirouettes de son rival, Bill Shorten a lui aussi retourné sa veste lorsqu’il travaillait pour le Premier ministre travailliste Kevin Rudd. En 2010, il a préféré soutenir la candidature de la vice-présidente Julia Gillard pour détrôner le chef de la gauche australienne. «Aujourd’hui, les différences entre travaillistes et libéraux sont devenues minimes, observe David Chamroux. Le débat ne se fait plus sur les programmes, mais sur les personnes qui se présentent.»
Si les deux partis n’ont pas encore été départagés, les Australiens leur ont accordé moins de confiance qu’à l’accoutumée. Plus d’un quart des électeurs a préféré donner une chance à un parti indépendant, contre 20% en 2013. Pauline Hanson, fondatrice du parti xénophobe One Nation, a ainsi gagné un siège au Sénat. En cas d’absence de majorité, c’est avec ces petits partis que les grands devront traiter afin de gouverner le pays.
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