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La condamnation des Khmers rouges, un «message» aux dirigeants, selon l'ONU

La Cour extraordinaire du Cambodge a confirmé en appel, le 23 novembre 2016, la prison à perpétuité pour les deux derniers chefs khmers rouges encore en vie. La peine de mort était exclue par le règlement de ce tribunal spécial financé par l'ONU. Quarante ans après le génocide, ce verdict définitif est un «message» adressé aux dirigeants du monde entier, a dit l'émissaire de l'ONU à Phnom Penh.
Article rédigé par Dominique Cettour-Rose
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
L'ex-dirigeant khmer rouge «Frère numéro deux» Nuon Chea (G) et l'ancien chef de l'Etat khmer rouge Khieu Samphan (D), dans la salle d'audience des CETC à Phnom Penh, le 23 novembre 2016. (Sok Heng NHET / ECCC / AFP)

Quelque 700 Cambodgiens étaient venus assister à la dernière audience d'un procès qui avait débuté en août 2011. En énonçant son verdict, retransmis à la télévision nationale, le président de la cour, Kong Srim, a maintenu que Nuon Chea, 90 ans, l'idéologue du régime, et Khieu Samphan, 85 ans, le chef de l'Etat de l'ex-Kampuchéa démocratique, avaient fait preuve d’un «manque complet de considération pour le sort du peuple cambodgien».

M.Srim a estimé que la prison à vie pour les deux ex-membres du premier cercle de Pol Pot était «appropriée» au vu de l'étendue «considérable» de leurs crimes. Près de deux millions de Cambodgiens, soit un quart de la population, ont été exécutés, torturés et affamés, entre 1975 et 1979, sous la dictature des Khmers rouges.

Les deux accusés ont écouté impassibles l'énoncé du verdict, le même qu'en première instance, qui les avait condamnés, le 7 août 2014, à la perpétuité pour crime contre l’humanité.

Un message de non-impunité
Ce verdict définitif est un «message aux dirigeants du monde entier». C'est ce qu' a déclaré David Scheffer, l'envoyé spécial du secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, au tribunal de Phnom Penh. L'émissaire a cité «la Corée du Nord en particulier (qui) devrait prendre note de ce qui s'est passé ici et aujourd'hui», quarante ans après les crimes khmer rouges.

Défendant la nécessité des tribunaux internationaux chargés de juger des crimes d'Etat ou de guerre, le représentant onusien a aussi évoqué pêle-mêle la Syrie, les Philippines ainsi que les chefs du groupe Etat islamique qui tuent en Syrie ou en Irak.

Verdict salué par les Etats-Unis
Les Etats-Unis ont «salué» le verdict et assuré le tribunal, jugeant les crimes de cette «page la plus sombre de l'Histoire du Cambodge», de leur soutien.

Le premier verdict définitif de cette cour spéciale remonte à 2012 avec la condamnation à la perpétuité de Douch. Kaing Guek Eav, de son vrai nom, dirigeait la prison centrale de Phnom Penh S-21, où 15.000 personnes ont été torturées avant d'être exécutées. La cour suprême du tribunal l'avait condamné en première instance, en 2010, à trente ans de prison pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité. 


Plusieurs dirigeants clés du régime génocidaire sont morts sans être jugés, y compris Pol Pot, le «Frère numéro un», décédé en 1998.

Un deuxième procès en cours
Nuon Chea «Frère numéro 2» et Khieu Samphan comparaissent également pour un procès parallèle, consacré au génocide de minorités (vietnamienne et cham), aux mariages forcés, viols et crimes perpétrés dans les camps de travail. Ce deuxième procès a débuté en 2014 et doit s'achever fin 2016, avec un verdict attendu fin 2017.

La Cour extraordinaire du Cambodge, parrainée par l’ONU, avait essuyé des critiques répétées pour sa lenteur. Dès 2009, le Premier ministre Hun Sen s'était dit opposé à d'autres procès de cadres khmers rouges, estimant que de nouvelles poursuites risqueraient de plonger le pays dans la guerre civile. Et ainsi d'éviter de compromettre certains hauts-dirigeants possiblement impliqués dans la dictature polpostiste.

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