Le Baloutchistan, la province laissée-pour-compte du Pakistan
Le «grand Baloutchistan» s’étend sur trois pays : l’Iran, l’Afghanistan et le Pakistan. Au Pakistan, cette région montagneuse, désertique, couvre près de la moitié du territoire et ne compte que une dizaine de millions d’habitants (Baloutches, Pachtounes, Hazaras, Pendjabi), sur les 180 millions recensés dans le pays.
Les Baloutches, essentiellement des tribus nomades venues, à l’origine, des bords de la mer Caspienne, en Iran subissent des discriminations sociales, politiques et économiques. Une partie d'entre eux soutient peu ou prou les mouvements sécessionnistes ou autonomistes qui écument cette zone de grande instabilité où le pouvoir central d’Islamabad est remis en question. Ainsi, le mouvement de l’Armée de libération du Baloutchistan a repris les armes depuis une dizaine d’années et revendique plus d’autonomie politique, tout en prônant une meilleure redistribution des richesses.
Un sous-sol très riche
Les Baloutches ont en effet le sentiment d’être spoliés de leurs biens. La région constitue en effet la réserve énergétique du Pakistan (gisement gazier de Sui, le plus important du pays), alors même que seuls quatre de ses districts sur vingt-six ont accès au gaz. Le sous-sol renferme quelque 20% des ressources souterraines du pays (charbon, uranium, zinc, fer, cuivre, gaz, hydrocarbures…).
Alors que l'économie du Pakistan se concentre sur les rives de l’Indus, les déserts baloutches, où des essais nucléaires ont été menés dès 1998, manquent, eux, cruellement d’eau. Des déserts également traversés par les oléoducs et les gazoducs en provenance d'Asie centrale, notamment du Turkménistan.
Si les ressources sont une source permanente de tensions, la politique d’Islamabad basée sur la force plutôt que sur le compromis renforce le sentiment d’appartenance de la population à un groupe réprimé. Les Baloutches se disent colonisés par les Pendjabis (ethnie dominante au Pakistan).
A l’époque où Pervez Musharraf était président (1999-2008), la présence militaire avait d’ailleurs été renforcée à proximité des sites miniers et puits d’hydrocarbures.
Trafics d'armes et de drogue
En 2005, le rapport d’une commission parlementaire pakistanaise annonçait un taux de 47% de Baloutches vivant sous le seuil de pauvreté. Selon ce document, le taux d’alphabétisation de la population est 50% plus que celle de la moyenne nationale.
Cela dit, l’insécurité récurrente a contribué a contrario au sous-développement de la région. Chaque année depuis les années 70, cette insécurité a coûté 1% de croissance par rapport aux autres provinces du pays, selon la Banque mondiale.
La province est également minée par des attentats de groupes islamistes armés talibans contre la minorité musulmane chiite. Le tout sur fond de trafics en tout genre.
La région est ainsi une voie de transit pour la drogue afghane qui se joue des frontières (poreuses) entre l’Iran, l’Afghanistan et le Pakistan et bénéficie de la corruption généralisée. Elle arrive généralement sur la côte baloutche du Makran d’où elle part par bateau vers l’étranger.
Une façade maritime stratégique
Cette fenêtre sur l’océan Indien, via la mer d’Arabie, est incontournable pour sortir légalement ou illégalement du pays les biens en partance pour l'Occident ou la Chine.
En outre, la façade maritime possède deux bases militaires dans les ports en eau profonde d’Ormara et de Gwadar. Ce dernier, le plus à l’ouest, est aussi le plus éloigné du dérangeant voisin indien, qui avait organisé en 1999 le blocus du port de Karachi (à l’est).
Le Baloutchistan compte donc de nombreux atouts en dépit de son insécurité endémique. Pékin ne s’y est pas trompé en rachetant les installations du port de Gwadar, pour créer un nouveau corridor économique entre le sud-ouest du Pakistan et l'ouest de la Chine.
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