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Le réveil de l'ours russe n'inquiète pas que l'Ukraine

Les péripéties de la crise ukrainienne sont l’un des avatars du réveil de la Russie. Laquelle semble chercher à rétablir une influence perdue depuis la chute de l’URSS et la sécession de nombreuses ex-républiques soviétiques. D’où des tensions avec plusieurs de ses voisins, comme la Moldavie et la Biélorussie, dans le cadre d’une concurrence avec l’UE.
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Le président russe Vladimir Poutine, entouré de drapeaux russes, à Novo-Ogarevo, près de Moscou (4-12-2013). (AFP - Ria Novosti - Michael Klimentyev)

Deux décennies après la chute de son empire, la Russie cherche toujours sa place dans le monde, exactement comme la Grande-Bretagne après la Seconde guerre mondiale (et la perte de son empire colonial), analyse dans le Washington Post le journaliste et analyste politique russe Fedor Loukianov.

C’est dans ce contexte qu’est née la crise avec l’Ukraine. «Depuis la chute de l’URSS (en 1991, NDLR), la Russie a du mal à faire le deuil de la perte de l’Ukraine, l’un des fleurons de l’empire soviétique», souligne Emmanuelle Armandon, directrice des études à l’Institut national des langues et civilisations orientales (INALCO), citée par Le Point. «Pour beaucoup (de Russes, NDLR), l’Ukraine est le berceau de l’Etat russe, et Kiev, la mère de toutes les villes russes. Le pays n’est pas alors considéré comme une nation indépendante, mais plutôt comme une composante de la nation russe», ajoute-t-elle. A Moscou, les officiels disent toutefois respecter les «choix souverains» de Kiev. A une exception près : «Si l’on nous disait que l’Ukraine allait rejoindre l’OTAN, dans ce cas, nous nous y opposerions»…
 

Le président biélorusse, Aleksandr Loukachenko, à Minsk le 13 octobre 2013. (AFP - Ria Novosti - Michael Klimentyev)

Mais le voisin ukrainien n’est pas la seule ancienne république soviétique à être l’objet d’attentions suivies de l'ex-«grand frère». C’est peu ou prou le cas de toutes les composantes du défunt Empire soviétique.

Union douanière
Moscou a ainsi créé en 2009, avec le Kazakhstan et la Biélorussie, une union douanière «permettant d’introduire un même tarif douanier sur le territoire des trois pays». Pour le président Vladimir Poutine, cette structure doit être la fondation d’une future union économique eurasienne qui disposerait de son propre exécutif et d’une monnaie commune. En quelque sorte le pendant à l’Est de l’Union européenne…

Avec la Biélorussie (Belarus), très proche historiquement et culturellement de la Russie, et membre fondateur de cette structure, les relations ne sont pas au beau fixe. Alors qu’en 2011, Vladimir Poutine se disait favorable à une fusion des deux pays. En août 2013, la partie russe a annoncé qu’elle allait réduire ses exportations de pétrole vers Minsk, dans le cadre d’une «guerre de la potasse» opposant une entreprise russe à un partenaire biélorusse.

Malgré ce problème avec un membre fondateur, le Kremlin cherche à attirer d’autres pays au sein de cette Union. Il a ainsi fait miroiter les avantages d’une adhésion à l’Ukraine, dont le cœur balance entre l’Est et l’Ouest. Adhésion incompatible avec une association avec l’UE.

A Erevan aussi, on proteste contre l'Union douanière et la Russie


Euronews, 3-12-2013

En septembre 2013, l’Arménie a décidé d’intégrer l’Union chère à Vladimir Poutine après avoir obtenu une ristourne considérable sur ses livraisons de gaz russe. Tout en renonçant à signer un traité de libre-échange avec l’Union européenne.

Les pressions de Moscou semblent avoir eu raison du rapprochement avec l'UE. «Il est clair que si nous dépendons de la Russie militairement, économiquement et politiquement (...), il est impossible de rejoindre une autre zone économique», a expliqué à l’AFP Tatoul Hakobian, un analyste à la Fondation Civilitas, basée à Erevan. L'Arménie est notamment très dépendante de son grand voisin pour ses approvisionnements en armement. Des approvisionnements qu’elle considère comme vitaux pour maintenir l'équilibre face à l'Azerbaïdjan voisin, riche de son pétrole, sur la question du Nagorny-Karabakh, région séparatiste d'Azerbaïdjan peuplée majoritairement d'Arméniens. Une manifestation contre l’adhésion à l’Union douanière et la visite de Vladimir Poutine a réuni entre 500 et 1000 personnes le 2 décembre à Erevan.

Troupes russes
Selon le président de la Commission de Bruxelles, José Manuel Barroso, le Kremlin cherche aussi à empêcher la Géorgie et la Moldavie de signer des accords d’association et de libre échange avec l’UE. Des accords qui n’en ont pas moins été paraphés lors du sommet de Vilnius en novembre 2013 entre la Russie et l’UE.

Militaires russes en Géorgie le 14 août 2008. (AFP - Stefan Korshak)

En 2008, la Géorgie avait été en guerre contre la Russie à propos de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie. Laquelle Russie lui avait alors infligé une cuisante défaite. Et aujourd’hui des milliers de soldats russes stationnent toujours en Ossétie du Sud, à 70 km de Tbilissi, la capitale géorgienne. Dans ce contexte, le nouveau président géorgien, Guiorgui Margvelachvili, est partisan d’une relation plus apaisée avec Moscou. De son côté, le Premier ministre Bidzina Ivanichvili, qui a quitté le pouvoir fin novembre 2013, n’excluait pas en septembre de rejoindre l’Union douanière…
 
«J’espère que vous ne gèlerez pas»
Vis-à-vis de la Moldavie, les pressions de Moscou sont très claires «Les fournitures d'énergie sont importantes pour la préparation de l'hiver. J'espère que vous ne gèlerez pas», a lancé, un brin cynique, le vice-Premier ministre russe Dmitry Rogozine lors d’un déplacement en septembre dans la capitale Chisinau. Une manière ironique de rappeler que le pays, très endetté à l’égard de Moscou, dépend en totalité du «grand frère» pour ses approvisionnements en gaz… Dmitry Rogozine a également expliqué que la Moldavie pourrait perdre son contrôle sur la région séparatiste de Transnistrie, région majoritairement russophone dont les dirigeants sont très liés au Kremlin.

Avec la Biélorussie (Belarus), très proche historiquement et culturellement de la Russie, les relations ne sont plus au beau fixe. Alors qu’en 2011, Vladimir Poutine se disait favorable à une fusion des deux pays. En août 2013, la partie russe a annoncé qu’elle allait réduire ses exportations de pétrole vers Minsk, dans le cadre d’une «guerre de la potasse» opposant une entreprise russe à un partenaire biélorusse.
 
Une statue, très soviétique, à Tachkent (Ouzbékistan), en souvenir du tremblement de terre de tremblement de terre qui a rasé la ville. (AFP - Photononstop)

Le régime de Vladimir Poutine a également étendu son influence en Asie centrale, auprès des cinq ex-Républiques du Kazakhstan, du Kirghizstan, d’Ouzbékistan, du Tadjikistan et de Turkménistan, riches en hydrocarbures. «Au niveau bilatéral, Moscou a recouvré son statut de premier partenaire stratégique et militaire. (…) Les relations culturelles entre les deux espaces, marquées par le statut d’ex-colonisateur de la Russie, dont les valeurs culturelles et la langue restent largement répandues, sont aujourd’hui renforcées par le flux des migrations de travail en provenance d’Asie centrale», selon une étude du CERI-Sciences Po.

La Russie entend conserver sa part de gâteau pour les richesses minières et énergétiques et «surveiller ce qu’elle considère comme sa ‘‘sphère d’intérêt’’». Mais elle doit aujourd’hui compter avec la montée en puissance de la Chine. Laquelle «s’est invitée dans le ‘‘Grand Jeu’’ centre-asiatique qui opposait jusque-là principalement Moscou et Washington»
 

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