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Thaïlande : l'armée a décrété la loi martiale

Les militaires affirment que ce n'est pas un coup d'Etat, mais une initiative pour "restaurer la paix et l'ordre public". Il s'agit là de l'énième rebondissement d'une crise politique qui dure depuis près de huit ans.

Article rédigé par franceinfo avec AFP et Reuters
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Des soldats de l'armée thaïlandaise, le 20 mai 2014 à Bangkok (Thaïlande). (CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP)

"Ce n'est pas un coup d'Etat." L'armée thaïlandaise a décrété, mardi 20 mai, la loi martiale dans le pays, pour, dit-elle, "restaurer la paix et l'ordre public". Elle a déployé des soldats dans Bangkok, la capitale. Cette décision intervient après plusieurs mois de crise politique en Thaïlande et des manifestations anti-gouvernementales qui ont fait 28 morts.

Pourquoi la Thaïlande traverse-t-elle une crise politique ?

La Thaïlande est secouée depuis près de sept mois par des manifestations organisées par des militants opposés au gouvernement. L'élément déclencheur de leur colère est une loi d'amnistie, adoptée le 1er novembre 2013 par le Parlement, mais rejetée par le Sénat dix jours plus tard. Selon les groupes antigouvernement, cette loi est spécialement taillée pour secourir l'ancien Premier ministre, Thaksin Shinawatra. Condamné à deux ans de prison pour malversations financières, l'amnistie lui aurait permis de revenir dans le pays, alors qu'il est en exil après avoir été renversé par un coup d'Etat en 2006.

Depuis, les opposants ne cessent de manifester. Certains campent devant le siège du gouvernement. Leurs revendications se sont élargies, et ils réclament la nomination d'un Premier ministre "neutre". Selon eux, Thaksin Shinawatra continue à diriger le pays à distance, notamment à travers sa sœur, devenue Première ministre en 2011. Elle a été destituée le 7 mai, mais cela n'a pas suffi à éteindre la contestation. Au moins 28 personnes sont mortes dans les manifestations.

En réalité, ces événements ne sont que la dernière réplique d'un conflit qui dure depuis huit ans, entre les "chemises jaunes" – principalement des membres de la classe moyenne et des notables royalistes de Bangkok – et les "chemises rouges", partisans de la famille Shinawatra.

Pourquoi l'armée intervient-elle ?

Plusieurs responsables de l'armée assurent que l'instauration de la loi martiale est une initiative destinée à sortir le pays de l'impasse politique. "Le public ne doit pas paniquer et continuer à vivre sa vie normalement", a conseillé l'armée dans son intervention à la télévision. L'armée est régulièrement intervenue dans la vie politique depuis que le pays est devenu une monarchie constitutionnelle, en 1932.

Des soldats et des véhicules militaires ont été déployés dans le centre de Bangkok, notamment dans le secteur des hôtels et des chaînes de télévision. Ils ont également placé des dizaines d'hommes, des véhicules et des points de contrôle à proximité d'une manifestation des "chemises rouges", favorables au gouvernement, dans une banlieue de Bangkok. Les militaires tentent de "négocier avec les Chemises rouges pour qu'ils dispersent la manifestation".

L'armée thaïlandaise a aussi privé d'antenne dix chaînes de télévision. Les militaires jugent en effet que certaines d'entre elles sont partisanes et risquent de "déformer l'information" et "d'aggraver le conflit". L'armée "interdit à tous les médias de rapporter ou de distribuer toute information ou toute photographie nuisibles à la sécurité nationale".

Quelles sont les réactions à cette décision ?

Le gouvernement intérimaire a réuni son cabinet dans un lieu tenu secret. Mais il n'avait pas été avisé par les militaires de leur décision.

De son côté, l'ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra a déclaré que l'instauration de la loi martiale par l'armée ne constituait pas une surprise. Mais il a ajouté qu'il espérait que nul ne porterait atteinte à la démocratie.

Les Etats-Unis, qui ont coupé leurs aides à la Thaïlande après le renversement de Thaksin, ont fait savoir qu'ils suivaient la situation de près. La loi martiale décrétée doit être "temporaire" et ne doit pas saper la démocratie, a averti Washington. A Tokyo, le gouvernement japonais a fait part de ses "grandes inquiétudes" face aux événements en Thaïlande, un pays où le Japon investit massivement.

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