Cet article date de plus de sept ans.

Tourisme en Thaïlande: le «grand nettoyage»

Phuket la paradisiaque ou Pattaya la sulfureuse, le tourisme représente une ressource vitale pour la Thaïlande. C’est l’un des pays les plus visités au monde et le secteur représente près de 18% du PIB. Après le coup d’Etat du 22 mai 2014 qui l’a portée au pouvoir, l’armée a décidé de procéder au «grand nettoyage» de cette industrie du tourisme gangrènée par les trafics et les petits arrangements.
Article rédigé par Catherine Le Brech
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 7min

«Ramener le bonheur» en Thaïlande. Telle était la promesse faite par le Général Prayut Chan-o-Cha. Il affirmait ainsi vouloir redonner espoir à un peuple usé par des décennies de crises politiques sanglantes.

Les restrictions démocratiques sont nombreuses, mais pour les observateurs, le pays semble s’être remis en ordre de marche. Le Conseil national pour la Paix et le maintien de l’ordre (CNPO) a entrepris une vague de réformes politiques et économiques, visant surtout à clarifier les procédures administratives et légales dans un pays ou régnait une corruption endémique.

Le tourisme, durement touché par les crises politiques et les attentats des dernières années, est particulierement visé.
Depuis plus de 20 ans, il est devenu une réalité massive. Il a peu à peu défiguré les plages, transformé de typiques villages de pêcheurs en front de mer bétonnés. On ne compte plus les bars, paillotes et boutiques de souvenirs.
Phuket, la destination préférée des touristes francais, ressemblait de plus en plus à Palavas-les-Flots un 15 août.

A Surin, à Patong, il était devenu impossible de distinguer la mer au travers des forêts de parasols ou de chaises longues. Une petite mafia organisée «s’occupait» des touristes à sa manière. Interdiction, parfois même violente, de songer à poser sa serviette sur le sable à l’ombre d’un cocotier sans passer par les fourches caudines du malfrat local.

Effet paradoxal d’une armée éprise de mise en coupe réglée, les plages commencent à retrouver leur propreté.
 
De fait, un «monsieur propre» s’est attelé à la tâche. L’incorruptible Major Général Paween Pongsir, commandant en chef de la police de la région de Surat Thani, ne plaisante pas.
Dès son arrivée, le nouvel homme fort de Phuket a commencé par s’attaquer aux responsables politiques locaux, affirmant que «s’ils ne savent pas comment gouverner la province ou n’ont pas le courage de mettre fin aux activités illégales, c’est qu’ils n’ont pas les compétences requises pour faire ce métier. Ils ont détruit indirectement le bien commun de la nation, de la même manière que les mafias le détruisent. (…) Nous avons des preuves pour arrêter des personnes importantes, dont des politiciens en charge de la région depuis longtemps.»
 
En bon militaire, le Major General s’est alors empressé de passer à l’acte
A coups de bulldozer, des centaines de militaires en treillis ont pris d’assaut le bord de mer et rasé des dizaines de restaurants ou d’hôtels construits sur l’espace public sans la moindre autorisation.
Tous les titres de propriétés situées les pieds dans l’eau, acquis grâce à des dessous de table ont été annulés. La plupart du temps, il s’agissait de politiciens corrompus ou d’hommes d’affaires véreux. Tous ont été expulsés.
 
Par dizaines, les gouverneurs ou chefs de la police qui fermaient les yeux sur les petits ou gros traffics ont été et sont encore révoqués.
 
En quelques mois, le résultat est spectaculaire
Un an après la politique du «grand nettoyage» à Phuket ou sur l’ile de Samui, on peut désormais voir la mer et jouir librement de l’extrême beauté des lieux.

Cette méthode, l’armée semble aujourdhui décidée à l’appliquer à Pattaya, la petite station balnéaire à la réputation sulfureuse.
Ses 100.000 habitants accueillent toute l’année plusieurs millions de touristes, majoritairement asiatiques, mais aussi européens, américains ou venus du Moyen-Orient. Cette petite ville du Golfe de Thaïlande, à 100 km de Bangkok, est célèbre pour son industrie du sexe. Les Saunas, clubs, salons de massages, ou autres gogo-bars accueillent tous les jours à leur façon des clients locaux ou étrangers venus par centaines.
Depuis longtemps, les autorités tentent d’y mettre bon ordre, dans un pays où, rappelons-le, la prostitution est illégale.
 
L’article polémique d’un quotidien britannique semble avoir eu un effet déclencheur. Pattaya y était décrit comme «la capitale mondiale du sexe aux  27.000 prostituées». Le Premier ministre Prayut Chan-o-Cha a alors lui même pris les choses en main, affirmant vouloir «déraciner la prostitution».

Des dizaines de policiers et de militaires ont investi la ville. Des bars, des salons de messages ont été fermés
Et Kobkarn Watanavarangul, la pétulante ministre du Tourisme et des Sports, veut désormais faire de Pattaya, non plus la «capitale du sexe», mais la «capitale du sport».

«De mon point de vue, affirmait-elle le 2 mars 2017 devant la presse thaïlandaise, Pattaya a juste besoin d’être découpée en zones. Il faut une zone spécifique pour l’industrie de l’amusement, concède-t-elle. De telles zones existent dans toutes les villes du monde, et elles sont géographiquement délimitées. Mais en Thaïlande, il y a des établissements partout, au bord de la route, dans tous les quartiers. Le changement doit donc venir de la mise en place de ce  zonage.»
 
Elle affirme ainsi vouloir changer l’image de Pattaya, et celle de la province de Chonburi.
«Il y a déjà des événements mondiaux de sport qui ont lieu à Pattaya, mais les touristes étrangers ne le savent pas. Il faut le faire savoir et ils seront nombreux à venir», conclut-elle. 
 
La tâche s’annonce difficile et la transformation de Pattaya, un horizon lointain. Il faut dire que tous les ans, les touristes qui viennent en majorité profiter des établissements de nuit rapportent à la ville près de 3 milliards d’euros. Le nettoyage a commencé, certes, mais Pattaya l’obscure semble encore avoir de beaux jours devant elle même si l’armée affirme lui avoir declaré la guerre du «grand nettoyage».

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.