Brésil: décriée par la rue, Dilma Rousseff réaffirme sa légitimité
Le 16 août 2015, aux cris de «Dehors Dilma!» et «Non à la corruption!», les anti-gouvernement vêtus de vert et jaune, les couleurs du Brésil, ont une nouvelle fois exprimé leur ras-le-bol du Parti des travailleurs (PT) et de la présidente qui en est issue. Mme Rousseff, 64 ans, difficilement réélue pour quatre ans en octobre 2014 a vu sa cote de popularité dégringoler en quelques mois à 8% d'opinions favorables. Le score le plus bas enregistré par un chef d'Etat brésilien depuis le retour de la démocratie en 1985.
Aux yeux des manifestants, ulcérés par les révélations liées au tentaculaire scandale politico-financier de corruption qui a coûté plus de 2 milliards de dollars au géant pétrolier public Petrobras, et qui implique le PT, la présidente devait être suffisamment au parfum des pratiques de son parti et de ses alliés, pour choisir aujourd'hui de tirer sa révérence.
Les mouvements citoyens de droite organisateurs des manifestations ont pour la première fois reçu le soutien du président du Parti social démocrate brésilien (PSDB, centre-droit), Aecio Neves, rival malheureux de Dilma Rousseff à la présidentielle. «Assez de tant de corruption, mon parti est le Brésil!», a eu beau jeu de lancer M. Neves, en participant à la manifestation de Belo Horizonte, dans son Etat de Minas (sud-est).
De quoi serait fait l'après-Dilma ?
A l'issue de cette journée de protestation, le gouvernement a fait savoir, dans un communiqué laconique, que les manifestations «s'étaient déroulées dans le cadre démocratique». Une apparence de détachement confirmée par les propos de Dilma Rouseff elle-même: «Je ne tomberai pas, a-t-elle coutume de dire, faisant appel à son passé d'ex-guerillera torturée sous la dictature militaire, nul ne m'ôtera la légitimité du vote populaire.»
Pour l'instant, l'électorat de Mme Rousseff, certes déçu par les mesures de rigueur impopulaires qu'elle a prises à cause de la récession économique, n'ajoute pas sa voix à la contestation orchestrée par l'opposition. Peut-être par peur de l'inconnu: de quoi serait fait l'après-Dilma?
Reste alors l'impeachment, selon le terme utilisé aux Etats-Unis autant qu'au Brésil, autrement dit la destitution, comme le demandent les manifestants et la droite. Deux procédures menacent potentiellement Mme Rousseff.
D'une part, le Tribunal des comptes de l'Union doit juger prochainement si son gouvernement a enfreint la loi en 2014 en faisant payer aux banques publiques le déficit budgétaire de l'Etat. Une réponse positive pourrait éventuellement entraîner le lancement d'une procédure de destitution.
D'autre part, le Tribunal suprême électoral devra quant à lui déterminer si les comptes de campagne de la présidente ont été contaminés par de l'argent détourné de Petrobras. Cela pourrait entraîner en théorie l'annulation des élections de 2014 et la convocation d'un nouveau scrutin. Pour les juristes spécialisés, les conditions sont cependant loin d'être réunies pour entraîner la chute de Dilma Rousseff.
Selon André Perfeito, économiste en chef du consultant Gradual Investimentos à Sao Paulo, il y a une autre raison pour la présidente du Brésil de se rassurer. «Au sein du patronat et de l'élite, l'idée est que ce serait encore pire si elle sortait", dit-il, cité par l'AFP, notant qu'en cette période d'ajustement budgétaire et de licenciements, il valait mieux avoir le Parti des travailleurs au pouvoir que dans la rue avec les syndicats ...
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