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Brésil: des quotas pour les candidats noirs aux concours de la magistrature

Le Brésil va réserver 20% de ses recrutements sur concours aux Noirs et aux Métis dans la magistrature. Une résolution a été approuvée par le Conseil de justice du Brésil (CNJ), le 9 juin 2015, un an après l’adoption de la loi controversée dite «des quotas» dans le service public. L'obligation de quotas avait déjà été instaurée, en 2012, dans les universités par la Cour suprême.
Article rédigé par Dominique Cettour-Rose
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Des militants du mouvement noir Educafro manifestent devant le Palais du Planalto, à Brasilia, exigent des quotas pour les descendants d'Africains dans les concours publics brésiliens, le 27 juin 2012. (LUIS CLEBER/AE/AE)

Une étude datant de 2014 révèle que seulement 1,4 % des 18.600 juges brésiliens sont noirs ou métis dans un pays ou 50% des 200 millions d’habitants sont d’origine africaine. Cette situation devrait s'éméliorer avec la nouvelle disposition validée par le CNJ. Son président, Ricardo Lewandowski, veut y croire: «C’est la première fois qu’un des pouvoirs de la République réserve un quota pour des citoyens représentant plus de 50% de la population, qui n’ont pas accès aux postes de pouvoir dans ce pays.» 

«C’est un pas historique, car nous contribuons à la pacification et à l’intégration de ce pays et, d’une certaine manière, nous réparons une erreur historique envers les “afro-descendants”», a ajouté M.Lewandowski, également président de la Cour suprême du Brésil et successeur de Joaquim Barbosa, premier magistrat noir à avoir occupé cette fonction. 

Joaquim Barbosa, premier magistrat noir à avoir occupé le poste de président de la Cour suprême brésilienne. (ANDRE DUSEK / ESTADAO CONTEUDO / AGÊNCIA ESTADO)

En 2014, la loi dite des quotas, qui réserve de facto 20% des places aux Noirs et Métis dans les concours de l’administration publique, était apparue comme un pas supplémentaire des autorités en vue d'une meilleure représentation de la population brésilienne au sein de son administration. Cette loi limite l'application des quotas à dix ans et ne concerne que les fondations et entreprises publiques fédérales, ainsi que des sociétés d'économie mixte contrôlées par l'Etat comme Pétrobras, géant pétrolier qui emploie 86.000 personnes, les banques Caixa Economica Federal et Banco Do Brasil, et La Poste.

La présidente brésilenne Dilma Roussef avait déjà signé, en 2012, une loi réservant 50% des places des universités fédérales gratuites aux étudiants issus d’écoles publiques avec une priorité donnée aux étudiants noirs, métis et indiens. Elle entendait ainsi «répondre à un double défi: démocratiser l'accès à l'université et ensuite maintenir un haut niveau d'enseignement». Car les familles aisées envoient leurs enfants dans des écoles privées où le niveau est souvent meilleur. 

Malgré ce coup de pouce de Dilma Roussef, les inégalités ont persisté entre l'élite blanche et la population afro-brésilienne. Selon des chiffres datant de 2013, fournis par le ministère de l’Education et repris par Jeune Afrique, la proportion des Noirs dans les universités est passée en dix ans de 1,8% à 8,8%. 

Approche raciale controversée
M.Barbosa, nommé magistrat à la Cour suprême en 2003 par Luiz Inácio Lula da Silva, n'a cessé de déploré que «le système éducatif brésilien crée des mécanismes d’expulsion» au sein de la population. Selon une étude de 2007, les citoyens de couleur n'occupaient que 3,5% des postes d'encadrement. A peine 10% des places d'étudiants à l'université. Moins de 5% au Parlement. Et 3% dans le judiciaire. 

Pour bénéficier des quotas, les candidats doivent s'autodéclarer «noirs» ou «métis» au moment de leur inscription. Mais cette approche de la question raciale ne fait pas l'unanimité. Les antiquotas redoutent, avec une telle obligation, un risque d'un nivellement par le bas de la qualité de l'enseignement et soulignent la difficulté de se définir comme «un Noir». Une étude de l’Institut brésilien de Géographie et de Statistiques, datant de 2005, montre qu’à peine 6,5% des Brésiliens, qui connaissent mal leur histoire, se reconnaissent comme étant noirs.

Décrit comme le pays du «racisme cordial», le Brésil est le premier pays esclavagiste d'Amérique et également la dernière nation du continent à avoir décrété l'abolition de l'esclavage, le 13 mai 1888.

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