L'ex-président brésilien Lula bientôt en prison : "Un acte politique", selon le politologue Gabriel Estrada
L'ancien chef de l'État brésilien pourrait se retrouver derrière les barreaux après que la Cour suprême ait donné son feu vert jeudi pour son incarcération. "Un acte politique", a déclaré sur franceinfo jeudi le politologue Gabriel Estrada.
L'ex-président brésilien Lula, figure mythique de la gauche brésilienne, pourrait se retrouver prochainement en prison. La Cour suprême a rejeté jeudi sa demande d'habeas corpus lui permettant de lui éviter l'incarcération. Elle a été rejetée par six voix contre cinq, à l'issue de débats qui ont duré 11 heures.
Pour Gabriel Estrada, directeur exécutif de l’Observatoire politique de l’Amérique Latine et des Caraïbes de Sciences Po, invité de franceinfo jeudi, cette décision est "un acte politique sachant que Lula était crédité entre 35 et 40% des votes." Si Lula est "homme politique clivant", sa popularité reste forte, "40% des Brésiliens décideraient de s'abstenir", s'il n'était pas candidat. Gabriel Estrada souligne également qu'il reste "beaucoup de doutes" sur la culpabilité de Lula qui "continuera d'être débattue."
Cette décision engage-t-elle l'avenir politique de Lula et la vie politique du Brésil ?
Elle est très importante à plusieurs titres. Tout d'abord pour Lula, il s'agit d'une décision qui met fin à son souhait d'être candidat à l'élection présidentielle de 2018. S'il y a un acte juridique, il y a surtout un acte politique, sachant que Lula était crédité entre 35 et 40% des votes dans les derniers sondages. Cela dépasse la figure de l'homme politique. Les élections vont être durablement impactées par cette non-participation. Les sondages montrent que 40% des Brésiliens décideraient de s'abstenir si Lula n'était pas candidat à cette présidentielle. La question est de savoir s'il y aura d'autres candidats qui pourront participer et porter le message de la gauche au Brésil.
Lula nie et dénonce un complot. Est-ce imaginable ?
Je pense qu'il y a beaucoup de doutes quant au fond de cette affaire. Le juge a été incapable de prouver que Lula ait tiré un bénéfice économique. Il a été dans l'incapacité de trouver un lien factuel entre Lula, les malversations qui ont eu lieu au sein de l'entreprise Petrobras et [son] appartement qui est le fond de cette condamnation. Je pense qu'il y aura de la part des avocats de Lula une volonté de démontrer que ces faits imputés ne sont pas avérés.
Est-ce que le cas de Lula divise la population brésilienne ?
Lula est un homme politique clivant. C'est un homme politique adoré, voire adulé par une certaine partie de la population. Je pense aux habitants du nord-est du pays qui ont vu leur niveau de vie augmenter au cours des gouvernements de l'ancien président Lula. Il s'agit aussi d'un homme politique qui est massivement rejeté par les classes moyennes, notamment celles du sud-est. C'est notamment dans ces villes, comme São Paulo, où on a pu assister à des manifestations ces deniers jours en faveur de l'emprisonnement immédiat de l'ancien président.
Le parti des Travailleurs, la formation politique de Lula, dit que sa candidature sera tout de même défendue dans les rues et dans toutes les instances jusqu'aux dernières conséquences. Qu'est-ce que cela veut dire ?
Je pense que le parti des Travailleurs va mener une bataille politique pour transposer cette popularité à un autre candidat qui pourra être désigné par la suite pour faire en sorte que Lula puisse participer à l'élection présidentielle tout en n'étant pas présent physiquement et légalement. Mais je pense que la question juridique liée à la propre culpabilité de Lula continuera d'être débattue compte tenu de la fragilité des éléments du dossier.
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