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Infographies Pourquoi les incendies sont aussi virulents et incontrôlables au Canada cette année

Article rédigé par Léa Prati, Paolo Philippe
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 7min
Un incendie près du lac Tatkin, dans la province de la Colombie-Britannique, le 10 juillet 2023 au Canada. (BC WILDFIRE SERVICE / ANADOLU AGENCY / AFP)
Les mégafeux qui ravagent le pays depuis juin, favorisés par un temps chaud, sec et venteux, ont brûlé 13,7 millions d'hectares, soit l'équivalent du territoire de la Grèce.

Le Canada vit un terrible été. Les mégafeux de forêt qui ravagent le pays depuis mai ont brûlé 13,7 millions d'hectares, soit l'équivalent du territoire de la Grèce. Et la saison n'est pas finie : au 17 août, 1 050 incendies, dont 671 hors de contrôle, étaient encore actifs sur le territoire canadien, selon le Centre interservices des feux de forêt du Canada (CIFFC).

Le pays est en état d'alerte maximal pour les incendies depuis 95 jours, la plus longue période jamais enregistrée. Comment l'expliquer ? L'observatoire européen Copernicus souligne que "le changement climatique augmente le risque d'une saison des incendies plus longue". Il rappelle également que "les températures autour de l'Arctique augmentent plus rapidement que la moyenne mondiale, ce qui pourrait contribuer à une inflammabilité accrue et potentiellement à une plus grande activité des incendies".

Depuis le début de l'année 2023, 5 758 départs d'incendies ont été recensés par le CIFFC. Parmi eux, 82% sont éteints et 12% sont toujours hors de contrôle. Comme le montre la carte ci-dessus, le plus gros brasier de la saison se situe dans la province du Québec, sur le territoire de la Jamésie. Il a, à lui seul, brûlé 1,2 million d'hectares de forêt et de végétation.

Parce que les conditions climatiques sont plus favorables

Les mégafeux ont brûlé 13,7 millions d'hectares de forêt et de végétation depuis le mois de mai. C'est presque deux fois plus que le précédent record absolu, établi en 1995 avec 7,1 millions d'hectares incendiés.

Dans le détail, le nombre d'hectares brûlés en 2023 équivaut à la superficie totale détruite par des incendies au Canada entre 2017 et 2022. A titre de comparaison, le pays avait vu 4,3 millions d'hectares partir en fumée en 2021, un été pourtant déjà marqué par des feux dévastateurs.

Pour Jean-Baptiste Filippi, chercheur au CNRS à l’université de Corse, l’ampleur de ces incendies s’explique par leur précocité. "D'habitude, la pleine saison se situe en août, mais cette année, ça a commencé en juin", explique ce spécialiste des incendies. Maxence Martin, professeur en écologie forestière à l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, observe également que la saison des feux tend à s'allonger, "avec les fortes chaleurs et les hivers plus courts", conséquence directe du réchauffement climatique causé par les activités humaines.

"Il y a eu un enchaînement de conditions exceptionnelles [en 2023]. Un hiver avec peu de neige, un printemps sec et venteux et des orages violents. Cela a créé un contexte plus favorable aux feux de forêt."

Maxence Martin, professeur en écologie forestière

à franceinfo

Jean-Baptiste Filippi rappelle toutefois que ces feux sont un phénomène habituel au Canada. La majorité des forêts canadiennes sont des forêts boréales, peuplées essentiellement de conifères très inflammables. "Les incendies font partie de ces forêts boréales, qui les intègrent à leurs écosystèmes", note le chercheur. Pour Maxence Martin, cette année 2023 sera peut-être "une année normale dans cinquante ans pour les forêts boréales" canadiennes. 

Ces milliers d'incendies ont des conséquences désastreuses sur la qualité de l'air et sur l'environnement. Ils ont produit à eux seuls l'équivalent de plus d'un milliard de tonnes de dioxyde de carbone, ce qui correspond aux émissions annuelles du Japon, cinquième plus gros pollueur mondial.

Parce que des zones habituellement épargnées sont touchées

Nouvelle-Ecosse, Québec... Des provinces habituellement épargnées ont été très touchées. Quelque 5,2 millions d'hectares ont brûlé en 2023 dans la province du Québec, soit une surface incendiée 26 fois supérieure à la moyenne sur dix ans. La Nouvelle-Ecosse, une province située à l'extrémité est du Canada, est une région qui brûle rarement. Pourtant, en 2023, 24 819 hectares y sont partis en fumée, soit 33 fois plus que la moyenne sur dix ans.

Pour le chercheur en écologie forestière Maxence Martin, les incendies qui ont touché ces régions soulignent le caractère "exceptionnel" de 2023. Il prévient néanmoins qu'il est difficile de tirer des conclusions "sur une année". Selon lui, il n'est pas dit que ces régions seront aussi touchées chaque année, "même si les feux vont forcément y augmenter".

A l'inverse des provinces situées à l'est du Canada, les régions de l'Ouest sont davantage habituées aux incendies. Parmi elles, la province de l'Alberta a connu des feux "sans précédent", selon la Première ministre de la province, Danielle Smith. Plus de 1,8 million d'hectares y ont brûlé en 2023, soit huit fois plus que la moyenne sur dix ans.

Parce que la surface brûlée par incendie est inédite

Même si la saison des feux de forêt n'est pas terminée, le nombre d'incendies en 2023 est pour l'instant inférieur à la moyenne sur vingt ans, mais leur taille est bien plus importante, selon les données du CIFFC. Quelque 5 758 incendies ont ainsi été recensés sur le territoire canadien depuis le 1er janvier.

C'est moins que la moyenne, qui s'élève à 6 019 feux de forêt par an depuis 1983. Le spécialiste Maxence Martin juge par exemple que l'interdiction pour les habitants de se rendre en forêt au Québec peut être une explication à la baisse du nombre de départs de feu, dont "la majorité est provoquée par les humains".

Mais il explique qu'il faut malgré tout séparer les feux d'origine humaine, nombreux mais peu destructeurs en nombre d'hectares brûlés, et les incendies "liés aux conditions naturelles" comme la foudre, dont l'intensité brûle de grandes surfaces. Il ajoute que le Canada est un pays immense et que de nombreuses forêts sont situées à des centaines de kilomètres de toute présence humaine. "Si la foudre frappe loin, que le feu démarre dans une zone isolée, on peut rapidement perdre le contrôle de ces incendies. Et plus on a de feux, plus on risque de se retrouver avec des feux qui se rejoignent, rappelle-t-il. Et il y a des feux qu'on laisse aller, car on n'a aucune chance" de les éteindre.

Le gouvernement estime de son côté que les incendies seront de plus en plus violents à l'avenir : "Dans la majorité des régions, la superficie annuelle brûlée devrait être deux fois plus élevée d'ici la fin du XXIe siècle et le nombre de grands feux une fois et demie plus élevé."

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