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Cannabis à usage thérapeutique: des avancées sous contrôle

La République tchèque vient de voter en faveur de l'usage thérapeutique du cannabis. Pourtant, les pays qui l'acceptent sont une minorité. En France, un patient myopathe qui cultivait de la marijuana pour apaiser ses douleurs a été condamné le 13 mars 2013.
Article rédigé par Jean-Claude Rongeras
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Une employée d'un laboratoire pèse du cannabis à usage médical à Safed, au nord d'Israël, le 1er novembre 2012. (AFP/MENAHEM KAHANA)

Le 1er avril, la République tchèque a légalisé la consommation du cannabis pour réduire l’impact de certaines maladies graves, notamment le cancer, la maladie de Parkinson, la sclérose en plaques. Dans ce pays, l’un des plus libéraux en la matière, la marijuana est accessible sur ordonnance. Ailleurs, la plupart des demandes des malades pour appliquer cette thérapeutique sont rejetées.
 
Les pays européens où ce traitement est possible sont peu nombeux : Allemagne (en 2009), Pays-Bas, Espagne, Royaume-Uni, Italie (décret du 23 janvier 2013) et en Finlande.
Partout, la pratique médicale est très encadrée. Aux Pays-Bas, la distribution du cannabis médical en pharmacie a lieu sous l’autorité du ministère de la Santé; outre-Pyrénées elle se fait dans des Cannabis Social Clubs. Nombre d'autres Etats, dont la France, ont adopté une attitude prohibitionniste, interdisant non-seulement l’usage mais aussi l’importation et la culture de la marijuana.
 
Les débats 
Dans l'Hexagone, une partie du corps médical, comme le Pr Michel Reynaud, chef du département de psychiatrie et d'addictologie à l'hôpital Paul Brousse (Villejuif) estime que des études de bon niveau «ont montré que les traitements à base de cannabinoïdes pouvaient avoir un effet intéressant dans plusieurs situations».

D’autres praticiens sont partagés. Ils mettent en garde contre le fait de fumer du cannabis, tout en reconnaissant, tel le Pr.Pier Vincenzo Piazza, directeur à l’Inserm, les propriétés intéressantes des cannabinoïdes analgésiques, anti-inflammatoires, stimulateurs d’appétit.
 
D’autres sont très hostiles à l’usage médical du cannabis. «C’est un moyen déguisé pour arriver à la dépénalisation», s’insurge Jean Costentin, professeur de pharmacologie au CHU de Rouen.

Pour sa part, le médecin et ex-député luxembourgeois Jean Colombera pointe les différences entre les drogues utilisées dans la pharmacopée. Il met l’accent sur le fait que certaines maladies sont traitées «par cortisone, morphiniques et autres médicaments opioïdes, calmants, antidépresseurs, somnifères, médicaments qui ont une liste d'effets secondaires ahurissants», alors qu’elles pourraient bénéficier d’un traitement au cannabis, mieux toléré par l'organisme. «Certaines drogues sont légales, d’autres sont illégales. Le tout est arbitraire et capricieux.» Le médecin est l'objet de poursuites judiciaires par les autorités luxembourgeoises et a été perquisitionné le 6 octobre 2012 pour avoir prescrit du cannabis à usage médical. 
 
Le 13 mars, le tribunal correctionnel de Besançon a, lui, condamné à 300 euros d’amende un myopathe, qui réclamait l'autorisation de fumer du cannabis pour des raisons thérapeutiques et en cultivait chez sa sœur. 


Médicaments contenant du cannabis: accès trés limité
En ce qui concerne les médicaments contenant du cannabis, les autorités françaises ne permettent que l’usage du Marindol, mais ce remède est difficilement accessible, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) ne délivrant qu’une centaine de «prescriptions» par an. Selon handicap.fr, la prohibition du cannabis, qui a été retirée de la pharmacopée en 1953, n'a pas bougé d'un iota. Et de nombreuses personnes atteintes de maladies chroniques ou évolutives bravent la loi pour se procurer du hashich. 
 
Une déclaration de la ministre de la Santé, Marisol Touraine, a relancé l'espoir d'un assouplissement de la position des autorités françaises. Elle s'est dite favorable à un réexamen de la loi interdisant les médicaments contenant des dérivés du cannabis. Une modification d’un article du code de la Santé publique pourrait permettre l’utilisation du Sativex, un spray contenant deux constituants du cannabis le THC (tétra hydro cannabinol) et le cannabidiol (CBD). Ce  médicament est autorisé au Canada comme traitement  analgésique dans certaine pathologies.

Pourtant, Rue 89 pointe un manque d'intérêt des pouvoirs publics et le peu d'entrain des scientifiques français à participer aux congès internationaux . Pour le docteur Mchel Reynaud, «le problème est celui de la représentation que le grand public se fait des dangers du cannabis» .  

Face à l'inertie rencontrée, une association, l’Union francophone pour les cannabinoïdes en médecine, promeut et diffuse des informations relatives à l'usage des cannabinoïdes.
  
Malgré tout, certains hommes politiques s’emparent de ce sujet. Le député PS, ancien ministre de l'Intérieur, Daniel Vaillant, a ainsi créé sur le thème un groupe de travail avec des socialistes à l’Assemblée.

Les traitements à l'étranger
lls ont démarré en Allemagne en 2009, grâce notamment à l'action de l'Association internationale pour le cannabis médical basée dans ce pays.

Aux Pays-Bas, les patients peuvent trouver des produits au cannabis (garantis sans métaux lourds, ni pesticides) dans les pharmacies. Ils exportent ces produits dans d'autres pays européens. En Israël, où 6.000 patients sont autorisé à consommer du cannabis thérapeutique, des scientifiques viennent de mettre au point  une variété de marijuana sans effet euphorisant, ni addiction. 

Amérique du nord: une certaine tolérance 
En ce qui concerne le reste du monde, les traitements aux cannabinoïdes pour certains malades sont permis sous conditon en Australie, au Canada et aux Etats-Unis. Dans ce dernier pays, 18 Etats ont rendu légal le cannabis thérapeutique (le premier fut la Californie en 1996). Et une dizaine d'autres préparaient, en 2013, des référendums sur le sujet. L'Etat fédéral permet ces pratiques tout en organisant de véritables raids contre les dispensaires qui ne repectent pas les lois locales.
 
Au Canada, les autorités ont l’œil sur ces méthodes thérapeutiques et les dérives qu’elles peuvent engendrer. Ainsi, la ministre de la Santé du Canada a indiqué qu’Ottawa allait changer les modalités d’accès à la marijuana à des fins médicales. En effet, le nombre de participants au Programme d’accès à la marijuana de Santé Canada est passé de 500 personnes en 2002 à plus de 26.000 en 2012…

Champ de cannabis en France (AFP/BIOSPHOTO/CLAUDIUS THIRIET)

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