Chine : quatre questions sur la disparition de la joueuse de tennis Peng Shuai qui accuse un ex-dirigeant de viol
La joueuse chinoise a révélé il y a quelques jours sur les réseaux sociaux chinois avoir été victime d'un viol de la part de l'ancien vice-premier ministre chinois, Zhang Gaoli.
Où est Peng Shuai ? Cette question agite le milieu du tennis et l'opinion internationale depuis que la joueuse de tennis chinoise de 35 ans a disparu. Elle n'a plus donné de nouvelles depuis ses révélations de violences sexuelles dont elle a été victime, mardi 2 novembre. Ce jour-là, elle accusait sur Weibo l'ancien vice-Premier ministre Zhang Gaoli, qui a été de 2013 à 2018 l'un des hommes politiques les plus puissants de Chine, de l'avoir forcée à avoir un rapport sexuel avec lui. Franceinfo revient sur cette affaire alors que la joueuse n'a plus donné signe de vie depuis un peu moins de trois semaines.
Qui est Peng Shuai ?
La joueuse de 35 ans est actuellement classée 192e à la WTA. Elle a grimpé jusqu'à la 14e place du classement WTA en août 2011 et a même été en tête du classement de double en février 2014. Cette année-là, elle a remporté le tournoi de double de Roland Garros. En 2018, elle avait écopé de six mois de suspension et de 10 000 dollars d'amende avec sursis pour avoir tenté d'acheter sa coéquipière de double lors du tournoi de Wimbledon. Elle avait proposé de l'argent à sa partenaire en échange d'un forfait dans le tournoi de double londonien cet été-là. Son entraîneur français de l'époque, Bertrand Perret, avait également été sanctionné durant trois mois.
Que s'est-il passé avec Zhang Gaoli ?
Un long récit a été posté sur Weibo (l'équivalent chinois de Twitter) le 4 novembre. Il n'est resté qu'une vingtaine de minutes en ligne, précise Le Monde. Peng Shuai y raconte une relation qu'elle a eue avec Zhang Gaoli, juste avant son accession au poste de vice-premier ministre et au Comité permanent du bureau politique du PCC. Aujourd'hui âgé de 75 ans, Zhang Gaoli a fait partie de ce bureau de 2013 à 2018. Il était, à ce titre, l'un des sept hommes les plus puissants du pays.
La joueuse évoque notamment un rapport sexuel dans sa chambre il y a trois ans, après une partie de tennis, sept ans après avoir déjà couché avec le dirigeant. "J'avais très peur. Cet après-midi-là, j'ai d'abord refusé. Je n'arrêtais pas de pleurer", écrit-elle. "En proie à la peur et au trouble (...) j'ai cédé et nous avons eu un rapport sexuel". Elle ajoute que l'épouse de Zhang Gaoli était au courant et "montait la garde à l'extérieur". Peng Shuai précise qu'elle est ensuite devenue la maîtresse de l'ex-dirigeant, jusqu'à une dispute la semaine dernière. Elle ajoute n'avoir aucune preuve à apporter à l'appui de ses dires. "Tu as toujours eu peur que je cache un magnétophone", écrit-elle en s'adressant à M. Zhang. "Tu démentiras certainement ou bien, tu iras jusqu'à m'attaquer".
La censure et la disparition de personnalités est-elle courante en Chine ?
Le jour de la révélation, le mot "tennis" (wangqiu) avait été banni par Weibo. Le compte officiel de la joueuse était toujours actif, mais les recherches avec son nom ne donnaient aucun résultat sur la plateforme. Une censure presque normale en Chine, selon Nicholas Bequelin, chercheur invité au Centre sur la Chine de l'université américaine de Yale (Connecticut) et ancien responsable d'Amnesty International en Asie. "Il était évident qu'elle serait mise au silence. Les révélations de Peng Shuai étaient explosives.Toutes les personnes potentiellement dangereuses pour le Parti sont visées. Les dissidents, les avocats, les journalistes, les activistes des droits humains et des droits des femmes sont régulièrement arrêtés et détenus pendant des périodes variables. Il n'y a pas d'autorité pour contrôler la durée des détentions."
Depuis les États-Unis, la militante féministe chinoise Lu Pin a estimé que les accusations de la tenniswoman avaient tous les dehors d'une affaire MeToo. "Peng Shuai est une Chinoise hors du commun qui s'est battue seule pour parvenir à des résultats de classe mondiale, a-t-elle commenté, et pourtant elle a dû faire face à ce genre de choses, ce qui est vraiment affligeant." Cette affaire intervient à quelques jours d'un important conclave du Parti communiste chinois (PCC) à Pékin avec les plus hauts dirigeants du pays et que la Chine a connu depuis 2018 une version très aseptisée du mouvement MeToo. Des accusations de harcèlement sexuel ont visé des vedettes de la chanson ou du petit écran, mais jamais jusqu'ici de responsable politique.
Quelles sont les réactions ?
Selon les données de Weibo, un message publié mardi 9 novembre sur le compte officiel de la joueuse a été vu plus de 100 000 fois, mais le contenu n'est pas précisé. On ne sait donc pas s'il s'agit du témoignage de la joueuse. Depuis ces révélations et la disparition de la joueuse, "#whereispengshuai" (où est Peng Shuai ?) est apparu sur Twitter.
Depuis, un mail envoyé à la WTA et des photos sont apparues sur internet montrant la joueuse de 35 ans. Cependant, difficile de dire si ils proviennent bien d'elle. "Oui, on a une série de trois photos qui ont été annoncées par un journaliste d'un média d'État chinois dans lesquelles Peng Shuai se prend en photo devant des peluches et avec un chat. Elle les a envoyés sur le réseau social We Chat, l'équivalent chinois de WhatsApp. Mais là, les photos ne sont pas datées. Aucun élément ne permet de montrer qu'elle va bien, ou en tout cas que ces photos sont récentes. Et donc, encore une fois, là, il y a une inquiétude.", explique Nicholas Bequelin.
De nombreuses personnalités ont interpellé la WTA et l'ambassade de Chine avant que les stars du tennis mondial ne prennent le relais, à l'image de Naomi Osaka, Serena Williams ou Novak Djokovic. Ce samedi 20 novembre, c'est le quotidien l'Équipe qui dédie sa Une à la joueuse.
. #WhereIsPengShuai pic.twitter.com/51qcyDtzLq
— NaomiOsaka大坂なおみ (@naomiosaka) November 16, 2021
Où est Peng Shuai ?
— L'ÉQUIPE (@lequipe) November 19, 2021
Voici la une de L'Équipe du 20 novembre. pic.twitter.com/vU50UXNorD
Mais les réactions ne se sont pas arrêtées au monde du sport. Aux États-Unis, Joe Biden a menacé Pékin de boycotter les Jeux Olympiques d'hiver en février prochain. En France, c'est Roxana Maracineanu, la ministre déléguée au sport qui s'est exprimée sur le sujet, arguant que la "transparence est absolument nécessaire sur les accusations d’agression sexuelle comme la situation de Peng Shuai." Preuve de l'impact mondial que ce dossier a pris, l'ONU s'est aussi fendu d'un communiqué. "Il serait important d'avoir des preuves sur le lieu où elle se trouve et de savoir si elle va bien. Et nous demandons instamment qu'une enquête soit menée en toute transparence sur ses allégations d'agression sexuelle", a déclaré une porte-parole du Haut-Commissariat aux droits de l'homme, Liz Throssell, lors d'un point de presse à Genève.
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