Egypte : un président pas encore connu, mais déjà sans pouvoirs
Le candidat des Frères musulmans et l'ancien général et Premier ministre de Moubarak s'opposent sur les résultats alors que l'armée a déjà affaibli les pouvoirs du futur président.
Qui a gagné la présidentielle égyptienne ? Le candidat des Frères musulmans, Mohammed Morsi, et celui des militaires, Ahmad Chafiq, s'opposent, lundi 17 juin, sur le résultat de ce scrutin. Une chose est sûre : le futur président disposera d'une marge de manœuvre très réduite face à la junte aux commandes du pays depuis la chute d'Hosni Moubarak, qui s'est attribuée de vastes pouvoirs peu après la fermeture des bureaux de vote.
Désormais privés d'une Assemblée où ils disposaient de près de la moitié des sièges, les Frères musulmans redoutent un "coup d'Etat" des militaires.
• La confusion règne : les deux camps crient victoire
C'est le candidat des Frères musulmans, Mohammed Morsi, qui a dégainé le premier en revendiquant lundi matin la victoire à l'élection présidentielle. Ses proches ont ensuite annoncé que Mohammed Morsi avait obtenu 52% des voix contre 48% pour Ahmad Chafiq. Depuis son QG, le candidat islamiste a promis de "servir tous les Egyptiens" quelles que soient leurs obédiences politiques ou religieuses.
Mais le camp d'Ahmad Chafiq, un général à la retraite et ancien Premier ministre de Moubarak considéré comme le candidat de l'armée, a immédiatement répliqué. "Nous rejetons totalement" cette victoire, a déclaré à la presse un responsable de la campagne d'Ahmad Chafiq. "Nous sommes étonnés par ce comportement bizarre qui revient à détourner le résultat de l'élection", a-t-il ajouté. Un autre responsable de la campagne a affirmé qu'Ahmad Chafiq avait recueilli 51,6% des voix, selon des résultats partiels en provenance des bureaux de vote.
Les résultats officiels doivent être annoncés jeudi par la Commission électorale, le temps d'examiner les plaintes. Le général Chafik a déjà contesté les résultats du vote des Egyptiens de l’étranger et dénoncé des irrégularités en Arabie Saoudite, indique RFI.
• Les pouvoirs du président amoindris
En attendant les résultats officiels, le bras de fer s'intensifie entre les Frères musulmans et l'armée, au pouvoir depuis la chute de Moubarak en février 2011. Samedi, la chambre des députés a été officiellement dissoute par le Conseil suprême des forces armées (CSFA), en application d'un arrêt de la Haute cour constitutionnelle selon lequel un vice juridique dans la loi électorale rendait sa composition actuelle "illégale". Les Frères musulmans, ultra-majoritaires dans cette assemblée, ont alors dénoncé un "coup d'Etat".
Et dimanche, peu de temps après la fermeture des bureaux de vote, le CSFA a annoncé une déclaration constitutionnelle complémentaire qui a notamment pour but de limiter "étroitement les prérogatives du futur président", explique Le Figaro.fr. Avant même d'être incarnée, la présidence égyptienne semble déjà affaiblie. "L'armée remet le pouvoir à l'armée", ironisait le quotidien indépendant Al-Masri al-Youm, en allusion à la promesse du CSFA de remettre les rênes du pays au premier président égyptien librement élu."Un président sans pouvoirs", titrait un autre journal indépendant, Al-Chorouq. Et les Frères musulmans ont fustigé "la volonté du Conseil militaire de s'emparer de tous les pouvoirs".
• Un flou institutionnel
Quels pouvoirs effectifs pour le futur président ? Car, autre conséquence de la dissolution de l'Assemblée : l'armée dispose désormais du pouvoir législatif en attendant l'élection d'une nouvelle chambre. Les militaires maitrisent aussi les finances publiques. Et l'armée a la haute main sur la composition du comité chargé de rédiger la nouvelle constitution. Elle disposera d'un droit de veto sur ce texte, ajoute Le Figaro.fr.
Sur le plan sécuritaire, l'armée a retrouvé le droit d'arrêter des civils, une mesure vivement dénoncée par des organisations de défense des droits civiques qui l'assimilent à une forme de "loi martiale". Plusieurs analystes estiment que cette mesure et la dissolution de la chambre des députés permettront à l'armée de rester maîtresse du jeu quelle que soit l'issue de la présidentielle.
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