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Biélorussie : cinq choses à savoir sur Svetlana Tikhanovskaïa, l’opposante prête à faire tomber Alexandre Loukachenko

L'épouse d'un opposant politique emprisonné s'est exilée en Lituanie à la suite de l'élection présidentielle du 9 août. Elle est considérée par les manifestants anti-Loukachenko comme la gagnante du scrutin.

Article rédigé par franceinfo
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La candidate à la présidence biélorusse Svetlana Tikhanovskaïa dans un bureau de vote à Minsk (Biélorussie), le 9 août 2020. (SERGEI GAPON / AFP)

"Je suis prête". Dans une vidéo diffusée lundi 17 août, l'opposante biélorusse Svetlana Tikhanovskaïa réitère son appel au changement politique et à l'organisation de nouvelles élections, au lendemain d'une manifestation historique contre l'actuel président Alexandre Loukachenko. Depuis plus d'une semaine, l'ancienne république d'URSS est le théâtre de rassemblements inédits et d'une forte répression politique.

Les résultats des élections présidentielles du 9 août font débat : le président Loukachenko, à la tête du pays depuis vingt-six ans, affirme avoir recueilli 80% des voix et refuse de laisser le pouvoir à l'opposante, qui dénonce le trucage du scrutin et clame sa victoire. Agée de 37 ans, cette Biélorusse exilée en Lituanie, qui se décrit comme une "femme ordinaire", incarne l'espoir nouveau qui agite les rues de Minsk.

1Elle a un profil de bizuth en politique

Cadette de vingt-huit ans du président Loukachenko, Svetlana Tikhanovskaïa est selon ses dires "une femme ordinaire, une mère, une épouse". Agée de 37 ans, cette inconnue de la politique biélorusse ne peut toutefois pas être résumée à sa condition de mère au foyer, souligne Anna Colin Lebedev, 
maîtresse de conférence à Nanterre et spécialiste de l'ex-URSS. Svetlana Tikhanovskaïa a bien mis de côté sa carrière de professeure d'anglais pour s'occuper de son fils aîné, malentendant de naissance, mais "c'est une femme qui a de la ressource, qui a eu des expériences diverses et qui a un haut niveau d'éducation", souligne Anna Colin Lebedev. "C'est une femme diplômée, brillante, ouverte à l'étranger, qui a travaillé comme traductrice d'anglais".

Jusqu'à très récemment, Svetlana Tikhanovskaïa n'était pas engagée dans la vie politique du pays, difficilement accessible du fait des méthodes dictatoriales du chef de l'Etat. Mais son mariage avec un homme populaire en Biélorussie, le blogueur Sergueï Tikhanovskaïa, lui a permis d'acquérir une notoriété : "Elle n'est pas partie de rien", note Anna Colin Lebedev, même si "son mari ne la mettait jamais en avant lors de ses streams et de ses sorties", souligne Alice Syrakvash, une opposante biélorusse pro-démocratie.

2Elle était candidate à la dernière minute

Svetlana Tikhanovskaïa ne devait pas être candidate à la présidence biélorusse. C'est son mari Sergueï, célèbre pour ses vidéos dénonçant les salaires mirobolants des politiques biélorusses, qui devait se présenter contre Alexandre Loukachenko. Mais Sergueï a été emprisonné en mai 2020, après avoir promis d'écraser "le cafard" Loukachenko lors de l'élection.

Son amour de jeunesse sous les barreaux, Svetlana "a décidé de prendre la place de son mari, car le mouvement qu'il avait commencé lui semblait juste", explique Alice Syrakvash. "J'abandonne ma vie tranquille pour (Sergueï), pour nous tous. Je suis fatiguée de tout devoir supporter, je suis fatiguée de me taire, je suis fatiguée d'avoir peur", annonçait Svetlana Tikhanovskaïa le 30 juillet à Minsk, devant des dizaines de milliers de personnes. Je n'ai pas voulu devenir une politicienne. Mais le destin a décrété que je devais me trouver en première ligne face à l'arbitraire et l'injustice".

3Elle subit les attaques du pouvoir

Pour le président vieillissant Loukachenko, la candidature de cette femme extérieure à la politique était ridicule. "Loukachenko a tout de suite dit que la constitution biélorusse n'était pas faite pour une femme" et "a eu des propos misogynes", dénonce Alice Syrakvash.

Un dédain affiché, mais qui n'a pas empêché le pouvoir d'accepter sa candidature, probablement jugée moins dangereuse que celle de son époux. "Loukachenko ne s'est pas méfié. C'est pour ça qu'il a enregistré sa candidature", suppose Anna Colin Lebedev. Il n'a pas anticipé le fait que la population puisse être plus encline à se fédérer autour d'une femme", poursuit l'enseignante-chercheuse.

Au fil de la campagne, Svetlana Tikhanovskaïa s'est pourtant transformée en menace pour le régime et la pression s'est accentuée. L'opposante a affirmé avoir reçu des menaces qui l'ont conduite à s'exiler à l'étranger avec sa fille de 5 ans et son fils de 10 ans.

4Elle a réussi à fédérer la population

"Sa candidature a été accueillie avec beaucoup de respect et d'admiration" par les Biélorusses, se souvient Alice Syrakvash. "On a senti une personne qui se battait par amour de ses proches et pour son peuple". Pour elle, cette mère de famille, étrangère à la politique, avait tous les atouts nécessaires pour susciter l'engouement de la population. "C'est une femme du peuple, les gens ont eu rapidement confiance en elle. Ils savent les risques qu'elle et sa famille encourent. Ils se sont solidarisés avec elle"

Son style direct et simple a su séduire un pan important de la population biélorusse. "Tikhanovskaïa est une excellente page blanche", explique Anna Colin Lebedev. La candidate incarne tout le contraire du président vieillissant et machiste Loukachenko. "Elle n'est pas un leader mais un très bon miroir de la société", qui se veut plus égalitaire et ouverte sur l'étranger. "Elle n'avait pas d'engagement politique donc on ne peut pas la soupçonner d'être un pion de la Russie ou de l'Europe", ajoute Alice Syrakvash. 

Svetlana Tikhanovskaïa a su s'entourer de deux alliées de taille : Maria Kolesnikova, ex-directrice de campagne de l'ancien banquier Viktor Babaryko, candidat à la présidentielle mis sous les verrous pour des accusations de fraude et de blanchiment d'argent, et Veronika Tsepkalo, épouse d'un troisième détracteur du régime, exilé en Russie. Les deux femmes lui apportent un soutien logistique de taille. Ensemble, elles sillonnent la Biélorussie et vont à la rencontre de la population.

Sur son programme, Svetlana Tikhanovskaïa est restée vague. Elle a surtout promis la libération des prisonniers politiques, un référendum constitutionnel et l'organisation de nouvelles élections libres. Elle ne veut pas régner sur le pays mais mettre fin au régime en place.

5Elle a dû s'exiler en Lituanie peu après l'élection

A la veille du scrutin, Maria Kolesnikova et la porte-parole de l'opposante, Maria Moroz, ont toutes les deux été arrêtées. Juste après le vote, Svetlana Tikhanovskaïa a quant à elle été contrainte de quitter le pays et a rejoint ses enfants exilés en Lituanie. "Les Biélorusses ont interprété son départ comme la conséquence de menaces", observe Anna Colin Lebedev. Dans un discours filmé où elle apparaissait fatiguée, Tikhanovskaïa expliquait avoir pris "seule" cette "décision très difficile". "Je pensais que cette campagne (présidentielle) m’avait endurcie et donné la force de tout supporter. Mais je suis sans doute restée la femme faible que j’étais au début", ajoutait-elle. Un discours perçu comme celui "d'une prise d'otage", commente la spécialiste de l'ex-URSS. 

"Mais le fait qu'elle soit à l'étranger ne change pas grand-chose", souligne-t-elle. "La protestation biélorusse n'a pas besoin de Tikhanovskaïa. Elle n'est pas l'idéologue, elle n'est pas le leader du mouvement, mais en revanche ils vont clamer qu'elle est la présidente", analyse-t-elle.

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