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#AlertePollution "Aujourd'hui, des zones Natura 2000 sont en panne" : pourquoi des dizaines de sites, pourtant protégés, n'échappent pas à la pollution

Article rédigé par Camille Adaoust
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 7min
Une habitante du Châtelard (Savoie) signale le déversement, dans une zone classée Natura 2000, de remblai de chantiers. (CAMILLE ADAOUST / FRANCEINFO)

Près de trente personnes ont signalé, sur notre plateforme #AlertePollution, des zones appartenant à ce réseau dénaturées et souillées, partout en France.

#AlertePollution

Rivières ou sols contaminés, déchets industriels abandonnés… Vous vivez à proximité d’un site pollué ?

"Vous entrez dans un site protégé Natura 2000 !" Lors d'une balade en forêt ou au bord d'une rivière, vous avez peut-être déjà remarqué ce type de panneaux, indiquant une zone classée. Mis en place en 1992, "il s'agit du plus vaste réseau de sites protégés au monde", se félicite le ministère de la Transition écologique et solidaire. Une fierté qui n'est pas partagée par tous. Décharges sauvages, pesticides, écoulements polluants... Sur notre plateforme #AlertePollution, près d'une trentaine de riverains ont signalé plusieurs sites Natura 2000 délaissés ou pollués, partout dans l'hexagone. 

Ce réseau européen était pourtant considéré, au moment de sa création, comme un pas de géant par les protecteurs de l'environnement. "On sortait d'une logique de protection en timbre-poste, avec des arrêtés et des parcs nationaux, pour créer un maillage plus important prenant en compte les logiques de connexion entre les milieux – humides, marins, forestiers, montagnards, etc", explique à franceinfo Jean-David Abel, vice-président de France Nature Environnement (FNE). Son objectif ? "Assurer la survie à long terme des espèces et des habitats particulièrement menacés", détaille le ministère sur son site.

En près de trente ans, le réseau Natura 2000 a peu à peu couvert 13% de la surface terrestre métropolitaine, soit sept millions d'hectares, et compte désormais 1 776 sites, dont 212 marins. Chacun est géré localement par divers acteurs : associations, élus, agriculteurs, forestiers, chasseurs, pêcheurs, propriétaires terriens, usagers ou experts. Ces derniers s'accordent de manière autonome sur les mesures à prendre ou à éviter pour conserver la zone, et non la protéger de manière stricte, comme peuvent le permettre d'autres dispositifs plus contraignants mais moins étendus, à l'instar des réserves naturelles ou des parcs nationaux. Aucune sanction n'est prévue, donc. Résultat : "On a des bons exemples, mais aussi des zones Natura 2000 qui aujourd'hui sont en panne", déplore Jean-David Abel. 

Gravats et verre dans les zones protégées

"L'état des sites n'est pas homogène", poursuit le vice-président de FNE. Si certains d'entre eux sont dotés d'un comité de pilotage (Copil) actif et de documents d'objectifs (Docob) fouillés, d'autres ne bénéficient pas d'une véritable volonté locale. "L'animateur d'un site a un rôle très important", précise à franceinfo Laurent Poncet, directeur adjoint du Service du patrimoine naturel (SPN) au Muséum national d'histoire naturelle. C'est la personne sur le terrain qui veille à l'entretien de la zone et à l'aboutissement des projets d'amélioration.

L'outil Natura 2000 est fortement dépendant de cette personne et de l'adhésion qu'il va recueillir de la part des différents acteurs. Selon, ça se passe plus ou moins bien.

Laurent Poncet, directeur adjoint du Service du patrimoine naturel au Muséum national d'histoire naturelle

à franceinfo

Plutôt moins à Val-des-Marais, dans la Marne, où Pascal Bénéton et son association se battent contre l'assèchement des marais de Saint-Gond. Proposé au classement Natura 2000 dès 1999, le marais a vu son niveau "abaissé d'un mètre en quelques décennies", déplore SOS Marais de Saint-Gond sur Facebook. Malgré l'alerte donnée par l'Inventaire national du patrimoine naturel (INPN), la situation avance difficilement face aux oppositions des agriculteurs. "Cette zone humide a été sacrifiée sur l'autel de l'agriculture intensive et cela a continué malgré son classement tardif en zone Natura 2000 en 2009", dénonce Pascal Bénéton. 

Les sites classés Natura 2000 peuvent également souffrir d'un manque de suivi. De nombreux riverains qui ont contacté franceinfo sur #AlertePollution décrivent ainsi des décharges sauvages souillant parfois ces paysages naturels classés. A Leucate (Aude), une habitante énumère les "gravats, morceaux de verre, de métal, plastique" qui polluent le Complexe lagunaire de Salses-Leucate. "Déchetterie à ciel ouvert, avec des gravats divers. Elle date d'il y a plus de trente ans, on peut d'ailleurs y voir une machine à laver avec un arbre qui pousse à l'intérieur", décrit de son côté une habitante de Francillon-sur-Roubion (Drôme), à propos de la Grotte à chauves-souris de Baume Sourde.

A Francillon-sur-Roubion (Drôme), une habitance signale des déchets dans une zone Natura 2000. (DR)

"Y a-t-il, sur le terrain, des polices de l'environnement pour éviter les pollutions et les déchets dans ces zones protégées ? La réponse est globalement 'non'. C'est un problème que l'on rencontre très, très souvent", rapporte Jean-David Abel. Le vice-président de FNE réclame ainsi un vrai suivi sur le terrain. "C'est comme pour le Code de la route, si personne ne sanctionne derrière, personne ne respecte."

L'absence d'une politique globale de protection

Le responsable associatif pointe du doigt l'absence d'une volonté politique globale. "Elus et préfectures ne priorisent pas le suivi et la protection environnementale." Dans les signalements reçus, Thomas, habitant de Landunvez (Finistère) se plaint ainsi d'une "ferme de porcs déversant directement des matières fécales dans la mer, sur la zone Natura 2000" de la Côte des légendes. Un élevage qui a pourtant failli être agrandi ces dernières années, signale France 3. En 2016, "le préfet, Jean-Luc Videlaine, avait autorisé une extension malgré les conclusions défavorables du commissaire enquêteur", une décision annulée depuis par le tribunal administratif.

Plus au nord, dans les Hauts-de-France, François s'agace de voir un "projet des Voies navigables de France qui veut stocker des sédiments dragués de l'Escaut et pollués en métaux lourds" au sein du site classé des Pelouses métallicoles de Mortagne du Nord. Malgré cette protection, le préfet a pris un arrêté, fin août, pour préparer les terrains à la réalisation du projet. "Un camouflet inacceptable pour les élus [locaux], qui vont déposer un recours auprès du tribunal administratif", rapporte La Voix du Nord.

L'Etat connaît la situation. Il n'a plus qu'à mesurer l'étendue des dégâts et le non-respect du droit pour ensuite porter une politique ambitieuse.

Jean-David Abel, vice-président de France Nature Environnement

à franceinfo

Globalement, ces pollutions font du réseau Natura 2000 en France des zones en péril. Tous les six ans, Laurent Poncet participe à la rédaction d'une évaluation sur leur état. Le dernier rapport date de 2019 et dresse un bilan alarmant : "L'état d'un tiers des espèces et habitats est considéré en détérioration", peut-on lire. "Le réseau Natura 2000 fonctionne en soi, mais les pressions – agriculture intensive, urbanisation... – qui sont exercées sont plus fortes que ce qu'il ne peut apporter", déplore Laurent Poncet. "Ça pèse sur tous les habitats, pas que sur ces zones-là. Et s'il n'y avait pas Natura 2000, la situation serait peut-être encore pire."

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