: Vidéo #AlertePollution : les terrasses chauffées en plein hiver, amies ou ennemies du climat ?
Alerté par certains internautes, franceinfo a tenté de connaître l'impact écologique des braseros ou des chauffages électriques allumés à l'extérieur des bars et restaurants pendant l'hiver.
L'hiver a beau revenir à Paris, cela n'empêche pas les clients des bars de boire leur café en terrasse... sans avoir l'air frigorifiés. Et pour cause : ils sont confortablement attablés à côté d'un brasero ou sous un chauffage électrique. Dans le cadre de l'enquête participative #AlertePollution, de nombreux internautes ont interpellé franceinfo sur la pollution causée par ces terrasses chauffées, qualifiées d'"aberration écologique" par certains. Ces dispositifs n'existent d'ailleurs pas que dans la capitale : toutes les grandes villes françaises en comptent. Franceinfo a enquêté sur leur impact énergétique et environnemental.
Une consommation d'énergie "considérable"
Il existe aujourd'hui deux types de chauffages en terrasse : le chauffage au gaz et le chauffage électrique. En ce qui concerne le chauffage électrique, Thierry Salomon, de l'association négaWatt, qui étudie les problématiques d'énergie et de développement durable, s'est penché sur le sujet. "J'ai calculé la consommation d'une grande terrasse avec une quinzaine de chauffages qui fonctionnent chaque jour pendant plus de 10 heures", relate-t-il. Sur toute la durée de l'hiver, le résultat obtenu est de "42 000 kilowattheures en énergie primaire".
Cela correspond à la consommation électrique de 10 à 15 ménages (par an) pour les appareils électriques domestiques, la bureautique, la télé, l'éclairage – tout ce qui n'est pas chauffage.
Thierry Salomon, de l'association négaWattà franceinfo
Soit une consommation d'énergie "considérable", selon les mots de Thierry Salomon, "à un moment où on est dans une situation de précarité énergétique". En ce qui concerne le chauffage au gaz, Jean-Marc Jancovici, fondateur du cabinet de Conseil Carbone 4, a fait le calcul en 2009 : il assure que le bilan carbone d'une terrasse équipée de quatre braseros au gaz, allumés à pleine puissance pendant huit heures, équivaut à celui d'un trajet de 350 km en voiture.
La pollution de ces terrasses chauffées est donc bien réelle, d'autant que l'on compte, rien qu'à Paris, 13 500 terrasses (ouvertes et fermées), d'après Marcel Benezet, le président des cafés, bars, brasseries au sein du syndicat GNI-Synhorcat. Selon lui, environ la moitié d'entre elles sont chauffées.
A Rennes, pas de chauffage à partir de janvier
Les détracteurs de ces braseros, au premier rang desquels les militants ou élus écologiques, réclament donc leur interdiction. C'est d'ailleurs la mesure qu'a décidée la ville de Rennes (Ille-et-Vilaine) : à partir du 1er janvier 2020, il ne sera plus autorisé de chauffer les terrasses dans un objectif écologique. Une décision qui inquiète Marcel Benezet si une telle mesure était prise dans la capitale. Selon lui, les terrasses – chauffées ou non – "font partie de l'art de vivre à la française" et l'interdiction du chauffage entraînerait un véritable manque à gagner pour les cafés et les restaurants. Il rappelle aussi que "ces terrasses chauffées sont déjà fortement taxées par la ville de Paris depuis 2011".
Des craintes nuancées par Marc Hervé, adjoint au commerce de la ville de Rennes. Pour lui, il ne devrait pas y avoir de diminution de la fréquentation des terrasses rennaises à partir de janvier. "Ce qu'on va vivre très certainement, c'est un retour dans les murs des établissements, à l'intérieur des cafés et des restaurants", développe-t-il. "Tout en sachant qu'en février, au moment où l'on débattait de cette charte terrasse, nous avions des journées à 18 °C à Rennes. Donc une terrasse, même sans chauffage, peut être exploitée."
A Paris, il y a dix ans, plusieurs élus écologistes avaient déjà tenté de faire interdire le chauffage au gaz sur les terrasses : ils affirmaient que ce chauffage polluait plus que l'électrique. Leur demande a toutefois été rejetée par le tribunal administratif, ce dernier estimant que leur argument ne tenait pas. A l'époque, même le lobby du tabac s'en était mêlé. La filiale française de British American Tobacco avait lancé une pétition pour que l'interdiction n'aboutisse pas. Car qui dit moins de terrasses chauffées, dit aussi… moins de cigarettes fumées.
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