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A Sivens, la Zad sur le qui-vive avant la décision sur le barrage

Le conseil général du Tarn doit choisir vendredi 6 mars le projet alternatif qui remplacera le barrage controversé. Les quelques dizaines de zadistes encore sur les lieux s'attendent à une expulsion imminente.

Article rédigé par Ilan Caro
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Sur la Zad de Sivens (Tarn), le 5 mars 2015. (ILAN CARO / FRANCETV INFO)

Pour y accéder, il faut passer passer trois obstacles. Les agriculteurs, qui ont mis en place des barrages filtrants empêchant tout ravitaillement à destination de la zone à défendre (Zad). Les gendarmes, postés pour empêcher les agriculteurs d'aller se frotter aux occupants. Les zadistes et leurs barricades, enfin, qui protègent les abords du Tescou, cette petite rivière sur laquelle le conseil général du Tarn a prévu de construire le barrage de Sivens.

Les zadistes ont construit des barricades pour protéger les accès de la zone à défendre. (ILAN CARO / FRANCETV INFO)
 

Ce jeudi 5 mars, les zadistes sont à cran. La veille, plusieurs agriculteurs, fermes partisans du projet, ont réussi à s'introduire dans la Zad. Le but : intimider et vandaliser. "Ici, c'était notre lieu de vie commune", se lamente un militant anti-barrage devant un barnum éventré. Des vitres ont été cassées sur quelques-unes des cabanes qui parsèment le terrain. L'une d'elles aurait subi un début d'incendie, "alors que des chiots se trouvaient à l'intérieur", raconte-t-on.

Un zadiste constate les dégâts après l'intrusion d'agriculteurs pro-barrage sur la zone à défendre. (ILAN CARO / FRANCETV INFO)

Les quelques dizaines de zadistes encore sur les lieux s'attendent à une expulsion imminente. Car vendredi, le conseil général du Tarn doit choisir quel projet alternatif sera mené après l'abandon du barrage initial. Deux options sont sur la table : un réservoir réduit de moitié environ (soit 750 000 m3), ou un ensemble de quatre retenues plus petites. "Ils nous laisseront peut-être tranquilles ce week-end, mais lundi à 6 heures du matin, les gendarmes vont venir nous déloger", anticipe un militant.

"Si on se fait virer, on reviendra"

Cette ambiance de fin de partie ne décourage pas tout le monde. Sur un flanc de colline, deux jeunes hommes s'affairent à monter une nouvelle habitation de bois. Expulsion ou pas. "Même si on se fait virer, on reviendra", assurent les zadistes, quelle que soit la solution retenue par le conseil général. Ce choix n'intéresse de toute façon pas grand monde. Comme à Notre-Dame-des-Landes, où certains sont aussi passés, les zadistes viennent des quatre coins de la France.

Ici, on lutte certes contre "un GP2I, grand projet inutile et imposé", mais plus largement contre "l'agriculture intensive" et "la société capitaliste". Bien au-delà du lopin de terre défendu, les zadistes veulent promouvoir "une nouvelle forme de société" se voient "jeter les bases d'un monde dans lequel on souhaiterait vivre. C'est une expérience sociale", confie l'un d'eux.

Soudain, les talkie-walkie crépitent. "Des 'pro' ont pénétré sur la Zad !" Les "pro", ce sont les agriculteurs "pro-barrage". Pas question pour les zadistes de subir les mêmes déconvenues que la veille. Le camp, jusqu'alors très calme, est en effervescence. On s'arme de bâtons, on se couvre de casques de chantier, on improvise des boucliers avec des couvercles de poubelle ou des panneaux de signalisation routière. "En face aussi ils sont armés, il faut bien que l'on se défende", se justifie un jeune homme, à peine majeur, impatient d'en découdre.

Dans les talkie-walkie, "on entend les gendarmes !"

Fausse alerte : la quinzaine de personnes repérées ne sont pas des "pro", mais "des copains", qui ont réussi à passer outre les barrages en se faufilant à travers la forêt. Il n'empêche : tout le monde monte la garde, jumelles sur les yeux. Surtout que depuis quelques minutes une rumeur insistante parcourt la Zad : les "GM" (gendarmes mobiles) auraient donné dix minutes aux zadistes pour évacuer les lieux. Certains en profitent pour sauver quelques effets personnels, rapidement mis à l'abri dans des véhicules. D'autres préfèrent se préparer à la bataille qui s'annonce. Pendant ce temps, un jeune homme, infirmier de formation, prépare des kits médicaux en cas d'attaque. "Masques et sérum physio contre les lacrymo, compresses et sparadrap pour soigner les plaies", détaille-t-il.

Mais l'information est elle aussi vite démentie. "Ecoutez le canal numéro 1, on entend les GM !", lance une jeune femme qui n'en croit pas ses oreilles. Dans les talkie-walkie, on peut en effet écouter les gendarmes exposer leur stratégie : "On montre la force, mais on ne bouge pas !" La tension baisse d'un cran. Sous le soleil rasant de la fin d'après-midi, un bœuf musical prend le relais, pendant que certains scrutent toujours, au loin, les mouvements de possibles intrus.

A l'extérieur, les "pro", parfois armés de bâtons, sont désormais au contact avec les gendarmes, qui les empêchent de passer. Le face-à-face reste cependant pacifique. Ces agriculteurs, dont beaucoup sont venus du Tarn-et-Garonne, plus en aval, sont excédés par cette Zad.

A l'extérieur de la Zad, les gendarmes mobiles s'interposent devant les agriculteurs pro-barrage. (ILAN CARO / FRANCETV INFO)

"Ce projet de barrage est vital pour que les agriculteurs puissent avoir de l'eau lorsqu'il y a une sécheresse", explique René, adhérent à la FNSEA. "Et qu'on ne vienne pas nous dire que le projet était surdimensionné. 1,5 million de mètres cubes, c'est une mare à canards !", s'esclaffe un autre. "De toute façon, ce n'est pas une poignée d'assistés qui vont nous imposer leur loi. Si on recule ici, il n'y aura plus aucun projet de barrage nulle part."

Les agriculteurs bloquent les accès à la Zad. (ILAN CARO / FRANCETV INFO)

Vendredi, la guerre des nerfs devrait se poursuivre, mais cette fois à Albi, où pro et anti barrages ont annoncé la tenue de manifestations devant le conseil général. La décision que les élus prendront a de grandes chances de ne satisfaire aucun des deux camps.

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