Mort de Rémi Fraisse : "On a le sentiment que c'est la raison d'Etat qui parle", estime l'avocat de la famille
Le parquet de Toulouse a requis vendredi un non-lieu dans l'enquête sur la mort de Rémi Fraisse à Sivens. Pour Arié Alimi, l'avocat de la famille, "c'est la raison d'Etat qui parle", au détriment d'une "victime innocente".
Le parquet de Toulouse a requis, vendredi 23 juin, un non-lieu dans l'enquête sur la mort de Rémi Fraisse, tué par une grenade offensive tirée par un gendarme en octobre 2014 sur le chantier du barrage de Sivens (Tarn). Arié Alimi, avocat de la famille du jeune homme, affirme, samedi, sur franceinfo, avoir le sentiment "que c'est la raison d'Etat qui parle", au détriment d'une "victime innocente."
franceinfo : Comment avez-vous réagi à ces réquisitions du parquet, qui étaient plutôt attendues, étant donné que personne n'est poursuivi dans ce dossier ?
Arié Alimi : Pas beaucoup d'étonnement, effectivement, puisque le parquet s'est toujours fait le porte-parole de l'Etat et de la raison d'Etat. C'est une affaire qui oppose l'institution militaire, l'Etat, à une victime innocente. Je remarque simplement que le parquet reconnaît enfin que Rémi Fraisse est une victime pacifique qui n'a participé à aucune violence. C'est indiqué dans ses réquisitions. De ce fait, je m'interroge sur la possibilité, aujourd'hui - puisque c'est ainsi que le parquet l'indique - de permettre à tout gendarme ou tout fonctionnaire de police de tuer une victime innocente, dans des circonstances où il y aurait des violences extérieures. C'est un peu ce que le parquet nous dit aujourd'hui, puisqu'il n'y aura pas d'infraction pénale.
Qu'espérez-vous maintenant ? Que les juges d'instruction aillent à l'encontre des réquisitions du parquet ?
On a cet espoir puisque ce n'est pas le parquet qui prend la décision de renvoyer ou non les personnes qui seraient impliquées. Maintenant, vu le traitement judiciaire réservé à cette affaire depuis le début, l'espoir est très faible. Depuis le début, les juges d'instruction ont tout simplement refusé la reconstitution de la scène. Cela n'arrive jamais dans ce type de dossier. Il y a eu, de la part des gendarmes qui ont enquêté, des pressions sur le témoin qui ont assisté à la scène. On a eu un rejet pratiquement systématique de toutes les demandes d'actes réalisées par la famille. Enfin, on a eu même une forme de mépris véritable de la chambre de l'instruction qui n'a jamais organisé une audience pour juger des actes des juges d'instruction. Donc on a le sentiment dans cette affaire que c'est la raison d'Etat qui parle et on n'a que peu d'espoir quant à la décision des juges d'instruction.
Pensez-vous que la justice protège les gendarmes dans ce dossier ?
Cela a toujours été le cas dans les dossiers où il y a un gendarme ou un fonctionnaire de police en face de quelqu'un de la société civile. Il y a systématiquement l'institution qui se protège. Il ne faut pas oublier que le procureur de la République est celui qui supervise les gendarmes. Comment voulez-vous qu'un procureur, qui reçoit d'ailleurs les instructions du ministère de la Justice ou de l'Etat, aille à l'encontre de fonctionnaires de la gendarmerie qui sont sous ses ordres ? À mon sens, il y a un vrai problème structurel.
Comment a réagi la famille de Rémi Fraisse après ces réquisitions ?
Encore une fois, sans beaucoup d'étonnement. Ce n'est pas la première fois que nous avons des refus et des oppositions systématiques. Cette enquête n'a pas été menée comme toutes les autres enquêtes. Il faut vraiment le dire : tout ce qui se passe dans une autre enquête traditionnelle n'a pas été réalisé dans l'enquête concernant le dossier de Rémi Fraisse.
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