DOCUMENT FRANCETV. Détenu au Groenland, le défenseur des baleines Paul Watson s'exprime : "Les risques que j'ai pris en valent la peine"

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Durée de la vidéo : 6 min
DOCUMENT FRANCETV. Détenu au Groenland, le défenseur des baleines Paul Watson s'exprime : "Les risques que j'ai pris en valent la peine"
DOCUMENT FRANCETV. Détenu au Groenland, le défenseur des baleines Paul Watson s'exprime : "Les risques que j'ai pris en valent la peine" DOCUMENT FRANCETV. Détenu au Groenland, le défenseur des baleines Paul Watson s'exprime : "Les risques que j'ai pris en valent la peine" (France 2)
Article rédigé par France 2 - Propos recueillis par Sandrine Feydel
France Télévisions
France 2
France Télévisions a pu interviewer le fondateur de l'ONG Sea Shepherd, placé en détention provisoire au Danemark en attendant sa possible extradition vers le Japon.

Dans sa cellule du centre pénitentiaire de Nuuk (Groenland), il attend depuis deux mois la décision du gouvernement danois sur sa possible extradition au Japon. Paul Watson, militant écologiste et fondateur de l'ONG Sea Shepherd, doit être fixé le 2 octobre sur son sort, dans une affaire liée à son combat pour la défense des baleines. Le Japon accuse le militant écologiste de 73 ans d'être coresponsable de dommages et de blessures à bord d'un navire baleinier nippon en 2010, ce qu'il dément.

Comme l'autorise la loi danoise, une équipe de France Télévisions a pu s'entretenir avec lui, dans la prison, un bâtiment gris situé à flanc de rochers. Nous le rencontrons dans une pièce étriquée, une petite chambre où d'habitude les prisonniers reçoivent leur famille, leurs enfants.

France 2 : Bientôt, vous serez peut-être libre. Mais il y a aussi un risque que vous soyez extradé au Japon. Avez-vous peur ou êtes-vous confiant ?

Paul Watson : Oh, je n'imagine pas le Danemark m'extrader au Japon. S'ils m'envoient au Japon, je mourrai au Japon, c'est un fait. Je n'aurai pas un procès équitable, et je ne survivrai pas dans leur système carcéral. Je suis une personne très détestée au Japon.

Le problème, c'est que je suis pris entre le Japon, une nation tueuse de baleines, et le Danemark, une autre nation tueuse de baleines et de dauphins. Elles partagent le même intérêt : elles tuent illégalement des cétacés. Elles ont toutes les deux intérêt à me faire taire.

Etes-vous bien traité dans la prison ?

Oui, je suis bien traité ici. Mon seul problème, c'est que je ne peux pas écrire. Ils m'ont blessé la main mi-août quand ils m'ont passé les menottes. Ils m'ont mis à l'arrière d'un fourgon de police avec mes mains menottées dans le dos sans ceinture de sécurité, j'étais balloté. Comme ils ne me laissent pas avoir un ordinateur ou une machine à écrire, c'est mon seul vrai problème. L'autre chose difficile c'est que j'ai deux petits garçons de 3 et 7 ans, ils me manquent, je n'ai le droit de leur parler que pendant dix minutes le dimanche.

Vous êtes détenu ici car vous figurez depuis des années sur la notice rouge d'Interpol, émise à la demande du Japon à cause de vos actions contre la chasse à la baleine. Selon le Japon, lors de cette campagne, des membres d'équipage ont été blessés.

Personne n'a été blessé. Ils disent que le beurre pourri qu'on leur a jeté dessus a provoqué des cloques sur leurs visages, mais il se trouve que ce n'est pas une substance toxique. En revanche, ce qui cause bien des cloques, c'est le gaz au poivre. Nous avons des vidéos d'eux tirant du gaz poivré sur notre équipage, contre le vent ; ça leur revient dans la figure, après ils se passent la main sur le visage. Ils se sont eux-mêmes aspergés de gaz au poivre !

Ces bombes puantes ont été envoyées dans des bouteilles en verre ; elles ont pu occasionner des blessures.

Entre 2005 et 2012, je pense que nous avons jeté environ un millier de bouteilles. Personne n'a jamais été blessé, et il n'y a aucune preuve que quelqu'un ait été blessé cette fois-ci. Ils n'ont d'ailleurs pas déclaré avoir été coupés par du verre.

"Ma politique depuis 50 ans est ce que j'appelle la non-violence agressive."

Paul Watson

à France 2

Autres accusations figurant sur la notice d'Interpol : l'abordage de bateau et l'entrave d'activités commerciales par la force. Que répondez-vous ? 

Déjà, je n'étais même pas là ! Peter Bethune est l'homme qui est monté sur le bateau japonais. Je m'y étais opposé : il y a des preuves filmées. La seule chose que Peter a faite, c'est de monter à bord, frapper à la porte, et donner une lettre au capitaine du navire. Peter Bethune voulait lui présenter la facture de son bateau, celui que les Japonais avaient détruit !

Et ils disent que j'ai empêché leurs activités commerciales ? Ils disaient que c'était de la recherche, ils disaient que c'était de la science, ils admettaient, enfin ils prétendaient, que ce n'était pas pour le commerce. Comment est-ce que j'ai pu empêcher leurs activités commerciales si ce n'était pas commercial ? 

Mais n'est-ce pas ce que vous faites depuis des années : les empêcher de pêcher ?

Oui, mais vous oubliez une chose : ce que faisait le Japon était vraiment illégal, en violation du moratoire de 1986 de la Commission baleinière internationale sur la chasse commerciale à la baleine. En 2014, la Cour internationale de Justice de La Haye a statué que cette  chasse à la baleine était illégale.

Le Japon dit que ce n'est pas illégal. 

Ils peuvent dire ce qu'ils veulent. Je suis sûr que tous les criminels disent que ce qu'ils font n'est pas illégal, mais la commission baleinière internationale, elle, l'a dit très clairement.

Ils n'en font plus partie, n'est-ce pas ? 

Peu importe ! C'est la seule autorité mondialement reconnue en matière de réglementation des baleines et de la chasse à la baleine. C'est une fausse raison, ce n'est pas parce que vous décidez de ne plus suivre les règles que vous vous retrouvez au-dessus de la loi. Nous ne pouvons pas permettre au Japon d'éliminer les espèces menacées, nous ne pouvons tout simplement pas l'autoriser.

Est-ce pour cela que vous étiez au Groenland ?

Oui l'objectif était de poursuivre à nouveau les baleiniers japonais. Ils ont construit un nouveau navire appelé le Kangei Maru. On a peur que ce navire aille dans l'océan Austral ou dans le Pacifique Nord.

Savez-vous ce qu'il s'est passé avec ce bateau ?

Je sais qu'ils tuent des rorquals communs. C'est pourquoi nous faisons ce que nous faisons parce que les gouvernements du monde ne font rien pour faire respecter le droit international de la conservation.

"A quoi servent les traités, les règlements et les lois s'ils ne sont que sur papier et que personne ne les applique ?"

Paul Watson

à France 2

Vous pourriez être extradé au Japon. Si c'est le cas, pensez-vous toujours que tout ce vous avez fait en valait la peine ?

J'en suis fier, je n'ai aucun regret. J'ai pris des risques incroyables durant tout ce temps, et je prends toujours ces risques. Je pense qu'ils en valent la peine car si nous ne pouvons pas protéger les baleines, les dauphins, nous ne pourrons pas protéger la vie sauvage dans l'océan et l'océan n'y survivra pas. Si l'océan meurt, nous mourrons avec lui. Nous ne pouvons pas vivre sur cette planète avec un océan mort, c'est aussi simple que cela.

Parmi nos sources : 

Sea Shepherd France

L'Institut japonais de recherche sur les cétacés
The Institute of Cetacean Research (ICR) 

Liste non exhaustive.

Regardez l'intégralité de l'interview dans la vidéo ci-dessus.

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