Trois choses à savoir sur ces plantes aux noms jugés racistes qui vont bientôt être rebaptisées
Plus de 550 botanistes du monde entier sont réunis, depuis le 21 juillet, et jusqu'au 27, pour le 20e Congrès international de botanique, qui se déroule à Madrid, en Espagne. Quelques jours avant, le 18 juillet, les scientifiques ont voté, lors d'une session dédiée à la taxonomie des plantes, d'en renommer plus de 200, à partir de 2026, qui ont des noms offensants, racistes ou encore sexistes.
Cette information a suscité de nombreuses réactions, notamment sur les réseaux sociaux. Afin de mieux comprendre, franceinfo s'est penchée sur ces plantes qui font, bien malgré elles, polémique.
1 Des noms parfois "insultants"
Ce qui a été décidé lors de ce vote, c'est, dans un premier temps, "qu'il y aurait, à l'avenir, une évaluation de tous les nouveaux noms pour, éventuellement, rejeter ceux qui pourraient être sexistes, racistes ou insultants", explique Marc-André Selosse, biologiste et ancien président de la Société botanique de France.
Les botanistes réunis ont surtout convenu de renommer plus de 200 plantes, algues et champignons déjà existants. Et notamment, toutes les espèces portant le nom ou suffixe "Caffra". Un nom "offensant" et "plutôt raciste", "en anglais", reconnaît le scientifique, qui était donné "par les Arabes aux habitants du sud de l'Afrique". Un mot lié à celui de "cafard", qui a la même étymologie, précise Marc-André Selosse, qui précise le mot a évolué de "différentes façons" : "En français, cela veut aussi dire 'qui vient d'Afrique du Sud'". Il existe d'ailleurs une Plaine des Cafres, à la Réunion, souligne Marc-André Selosse.
Lors du congrès, il a été décidé de renommer toutes les plantes possédant ce nom, avec le terme "Affra", qui signifie "originaire d'Afrique". Il a aussi été question des noms de plantes qui se réfèrent à des botanistes au passé esclavagiste, comme l'Hibbertia, qui évoque George Hibbert, membre du lobby pro-esclavagiste de Grande-Bretagne.
2 De la description, de l'admiration pour nommer les plantes
Pour nommer les plantes, les botanistes ont le champ libre, rappelle par ailleurs Marc-André Selosse. Cela passe par la description, tout d'abord : "Quand je découvre une plante, je dois lui donner un nom, qui est composé de deux parties, explique-t-il. Le genre, qui est le groupe auquel elle appartient, puis un nom d'espèce, qui la différencie au sein de ce genre." Marc-André Selosse prend l'exemple de la pâquerette, Bellis perennis, que l'on pourrait traduire par "belle" et "qui dure dans le temps".
Un scientifique peut aussi très bien donner à sa plante "le nom de quelqu'un qu'il aime bien, un petit ami, un grand biologiste ou un grand scientifique". Il existe par exemple une rose au nom de Line Renaud, ou encore un nénuphar nommé en hommage à la reine Victoria, la Victoria amazonica.
Mais cela peut aussi être pour se moquer, souligne Marc-André Selosse, qui prend un exemple, non pas en botanique, mais en zoologie. Le nom scientifique du crapaud commun, Bufo bufo, donné par le naturaliste suédois Carl von Linné, fait référence au nom de Georges-Louis Leclerc de Buffon, "un biologiste qu'il n'aimait pas".
3 Un besoin de "stabilité"
Changer le nom des plantes qui ont une histoire problématique, "ça paraît une bonne idée", reconnaît Marc-André Selosse. Mais il alerte sur les conséquences que cela pourrait avoir : "Chaque fois qu'on change les noms, cela devient plus compliqué de travailler une idée", assure le biologiste. L'intérêt d'avoir des noms latins, selon Marc-André Selosse, "c'est que tous les botanistes du monde puissent aller chercher les textes de toutes les époques qui en parlent". Il faut donc "de la stabilité", dans la dénomination des plantes.
Le nom d'une plante est une "pure étiquette", assure le biologiste : "Ce qui est important, c'est que ces noms soient uniques, et restent les mêmes, pour que tous les scientifiques puissent tout le temps se référer à cela".
Pour le spécialiste, il faut éviter, à l'avenir, de donner des noms racistes ou sexistes aux plantes désormais, mais pour lui, il faut "accepter que l'histoire est l'Histoire". Il prend comme exemple les zoologues, qui ont décidé de ne pas changer les noms des animaux, "Ces noms représentent notre histoire, et s'il y a des choses hideuses dans notre histoire, il vaut mieux qu'on en ait encore les traces pour pouvoir les montrer", estime le scientifique. Et de conclure : "Ce n'est pas en réécrivant l'histoire qu'on est capable de garder les témoignages de ce dont elle est faite et éventuellement des choses qu'il faudrait éviter de refaire."
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