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Vrai ou faux Réchauffement climatique : on a vérifié les réponses d'Emmanuel Macron aux questions des internautes

Le président de la République s'est livré, dimanche 13 novembre, à un exercice de communication rare, en répondant à des questions sur l'écologie directement posées par des internautes sur les réseaux sociaux. Franceinfo a relevé trois affirmations inexactes.

Article rédigé par Thomas Baïetto
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Capture d'écran de la vidéo où Emmanuel Macron répond aux questions des internautes sur l'écologie. (EMMANUEL MACRON / YOUTUBE)

A la veille de l'ouverture de la COP27, le sommet international sur le réchauffement climatique, Emmanuel Macron avait fait une promesse sur Twitter. "Vous avez des questions sur l'action que nous menons pour l'écologie ? Posez-les-moi. Je prendrai le temps de vous répondre", avait lancé le président de la République. Ses premières réponses à ces interpellations "plus ou moins précises et plus ou moins sympathiques", ont été mises en ligne dimanche 13 novembre dans une vidéo d'une douzaine de minutes.

Franceinfo a relevé trois affirmations inexactes du chef de l'Etat.

L'une des procédures juridiques contre l'Etat pour inaction climatique concerne bien son quinquennat

Ses propos. Le président de la République a répondu à une question sur la double condamnation de l'Etat français pour inaction climatique, dans les dossiers Grande-Synthe et Affaire du siècle. "Nous nous sommes fait condamner pour inaction climatique sur la période 2015-2018" quand "la France n'a pas été au rendez-vous des objectifs", a répliqué le président Macron, estimant que cette condamnation n'était "pas pour [sa] pomme" malgré son rôle dans le précédent quinquennat, à l'Elysée puis comme ministre de l'Economie.

La vérification. Emmanuel Macron a raison de dire que la condamnation dans le dossier Affaire du siècle repose sur la période précédant son premier quinquennat. Mais l'autre procédure, le dossier Grande-Synthe (Nord), est un peu plus complexe. Le Conseil d'Etat ne s'est pas arrêté à la période 2015-2018 pour enjoindre le gouvernement à faire des efforts supplémentaires dans la lutte contre le réchauffement climatique. "Prétendre que ce dossier concernerait une période passée est inexact, recadre pour franceinfo Corinne Lepage, avocate de la commune de Grande-Synthe (et ancienne candidate à la présidentielle de 2002). Il concerne la période présente et future, la capacité de la France à respecter ou non ses obligations pour 2030, et pour l'instant, c'est non."

En novembre 2020, dans une première décision, l'instance avait pointé un décret du 21 avril 2020 "ayant reporté après 2020 et notamment après 2023 une partie de l'effort de réduction des émissions devant être réalisé". Avec ce décret, le gouvernement avait décidé de s'autoriser à polluer un peu plus à court terme sur la période 2019-2023 (-6%) et de rattraper ce retard dans la période suivante (-12%). Une erreur pour le Conseil d'Etat, qui estimait en juillet 2021 "qu'il ressort des différents éléments transmis (...) que cet objectif de réduction de 12% ne pourra[it] être atteint si de nouvelles mesures [n'étaient] pas adoptées à court terme". La date limite pour prendre de nouvelles mesures avait été fixée au 31 mars 2022. Jugeant que rien n'avait été fait, Corinne Lepage a de nouveau saisi le Conseil d'Etat le 1er avril. Cette procédure, qui va prendre quelques mois, est toujours en cours.

La baisse des émissions de gaz à effet de serre de la France se fait à un rythme insuffisant

Ses propos. Dans la foulée de sa réponse sur l'inaction climatique, Emmanuel Macron multiplie les arguments laissant penser que la France est dans les clous de ses objectifs de réduction des émissions de gaz effet de serre, le moteur du réchauffement climatique. "On a mis les bouchées doubles, il y a une preuve, elle est simple : durant le quinquennat passé, 2017-2022, on a réduit deux fois plus vite nos émissions qu'on ne l'avait fait dans les cinq années passées. Deux fois plus vite", se félicite-t-il, avant d'ajouter : "L'objectif qui était le nôtre en 2020, qui était de baisser de 20% nos émissions, nous l'avons atteint dès 2019, c'est-à-dire avant les fermetures liées au Covid".

La vérification. Sur la trajectoire de la France, le dernier rapport du Haut Conseil pour le climat, instance indépendante créée par le président de la République en 2018, est très clair : "La réponse de la France au réchauffement climatique progresse, mais reste insuffisante." Sur l'accélération de la réduction des émissions vantée par Emmanuel Macron, le HCC relève que "le rythme de réduction estimé sur la période 2019-2021 (-1,9% par an) est proche du rythme observé sur la décennie 2010-2019 (-1,7 % par an)". Pour le moment, la France est bien dans les clous du budget carbone qu'elle s'est fixé pour la période 2019-2023, mais c'est "principalement dû aux effets de la pandémie de Covid-19, ainsi qu'au relèvement du plafond d'émissions du deuxième budget carbone lors de la révision de la SNBC2".

Surtout, le Haut Conseil rappelle que la France va devoir revoir ses objectifs à la hausse. L'Union européenne a adopté un objectif plus ambitieux de réduction pour 2030, passant de -40% à -55%. Comme tous les Etats membres, la France va devoir revoir ses objectifs à la hausse. "Ceci implique un doublement du rythme annuel de réduction des émissions pour atteindre environ -16 Mt d'équivalent CO2 (-4,7%) en moyenne sur la période 2022-2030, ce qui doit être comparé aux réductions annuelles observées de -8,1 Mt éqCO2 (-1,7%)", avertit le HCC.

Les mesures de la Convention citoyenne pour le climat ont été largement édulcorées

Ses propos. Parmi les questions sélectionnées, celle du blogueur Bon Pote demandant à Emmanuel Macron quand il compte "respecter [sa] parole" et "appliquer les mesures proposées par la Convention citoyenne pour le climat". "On a dit oui à 146 propositions [sur 150] et on avance", lui répond Emmanuel Macron, en citant quelques mesures comme l'interdiction de certains vols intérieurs ou le moratoire sur la création de zones commerciales en périphérie des villes.

La vérification. Au départ, le président de la République avait promis de soumettre "sans filtre" les propositions de la Convention au Parlement ou à référendum. A l'arrivée, les 150 citoyens tirés au sort avaient jugé très durement la manière dont le gouvernement avait repris leur travail : 2,5 sur 10. En analysant la loi Climat et résilience, principal vecteur de ce travail, franceinfo avait constaté que 22% des 46 mesures reprises l'avaient été sans modification. Les autres étaient tronquées ou édulcorées, avec une réduction de leur périmètre ou un allongement des délais.

L'interdiction de certains vols intérieurs citée par Emmanuel Macron est une bonne illustration de ce constat. Les participants à la Convention proposaient d'interdire les trajets réalisables en moins de quatre heures de train, le curseur a été rabaissé à 2h30 par le gouvernement. Cela "concerne huit liaisons qui ne représentaient en 2019 que 10% du trafic de passagers aérien métropolitain", constatait le Haut Conseil pour le climat. En septembre 2022, le site Reporterre remarquait que cette interdiction n'était toujours pas entrée en vigueur, bloquée au niveau européen.

Le moratoire sur les zones commerciales dont parle le président de la République est, lui aussi, une version amoindrie d'une mesure proposée par la Convention citoyenne, celle d'"interdire toute artificialisation des terres tant que des réhabilitations ou friches commerciales, artisanales ou industrielles sont possibles dans l'enveloppe urbaine existante". Comme l'explique Actu-Environnement, les entrepôts logistiques et les surfaces de moins de 10 000 m² ne sont pas concernées. "80% des projets de surfaces commerciales se trouvent en dessous, la moyenne des surfaces commerciales étant de 2 000 m²", critiquait à l'époque le Réseau Action Climat.

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