Climat : quatre questions sur les audiences "historiques" devant la Cour internationale de justice
Le procès s'annonce historique. Après la conclusion d'un accord sur le climat négocié lors de la COP29 en Azerbaïdjan, la Cour internationale de justice (CIJ) entame lundi 2 décembre à La Haye (Pays-Bas) des audiences dont l'objectif est de définir des obligations juridiques afin de faire face au changement climatique. "L'avenir de la planète est en jeu", a affirmé un représentant du Vanuatu, lors de l'ouverture de la séance.
Quelque 98 Etats et 12 organisations internationales viendront plaider au palais de la Paix, qui abrite la plus haute instance judiciaire des Nations unies (ONU). Les militants de la cause climatique espèrent que l'avis des juges permettra de poser un cadre juridique restrictif pour lutter contre les conséquences du changement climatique. Franceinfo revient en quatre questions sur un sujet défendu au premier chef par les Etats insulaires du Pacifique.
1 Quel est l'objectif de ce procès ?
Quelles obligations juridiques les Etats ont-ils en matière de protection du climat ? Et quelles poursuites les Etats pollueurs peuvent-ils encourir ? Voilà les deux questions auxquelles doivent répondre les 15 juges de la Cour internationale de justice. En 2023, l'Assemblée générale des Nations unies avait adopté une résolution dans laquelle elle soumettait ces deux problématiques aux juges.
La première doit permettre de faire évoluer le droit international en matière de protection climatique dans le droit international. La deuxième doit permettre de définir une ligne à suivre sur les responsabilités des Etats pour les dommages causés aux petits pays, plus vulnérables aux conséquences du dérèglement climatique.
2 Que doivent trancher les juges ?
Pour Ralph Regenvanu, envoyé spécial du Vanuatu sur le changement climatique, à l'initiative de ces audiences, il s'agit à terme de transformer des promesses politiques en obligations juridiques. Les juges de la CIJ ne trancheront pas directement sur des litiges précis. Mais ils se prononceront sur les obligations des Etats concernant le réchauffement climatique, en fonction des traités issus du droit international actuellement en vigueur.
De quoi permettre la mise en place de nouvelles précisions concernant les réparations applicables en cas de condamnation d'un gouvernement ou encore d'une multinationale par un tribunal, faute d'action notamment. Ralph Regenvanu espère notamment que l'avis des juges soit considéré comme "une boussole morale permettant aux Etats membres de l'ONU de s'acquitter de leurs obligations en matière de changement climatique", rapporte Le Monde.
Pour Joie Chowdhury, juriste au Centre pour le droit international de l'environnement, interrogé par l'AFP, la Cour internationale de justice fournira notamment "un schéma juridique" général sur lequel "des questions plus spécifiques pourront être décidées", estime-t-elle.
"L'une des questions vraiment importantes est de déterminer quel comportement est illégal."
Joie Chowdhury, juristecitée par l'AFP
Selon Ralph Regenvanu, "l'issue de ces procédures aura des répercussions sur plusieurs générations (...) et l'avenir de notre planète". Et le représentant vanuatais d'ajouter : "Il s'agit peut-être de l'affaire la plus importante de l'histoire de l'humanité."
3 Qui sera présent lors de ces auditions ?
Avocats, Etats, organisations internationales... Plus d'une centaine d'acteurs sont attendus et bénéficieront d'un temps de parole égal lors de leurs auditions. Parmi eux, certains des plus grands pollueurs au monde, dont les trois principaux émetteurs de gaz à effet de serre – la Chine, les Etats-Unis et l'Inde – s'exprimeront. L'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) tels que l'Arabie saoudite ou les pays du Golfe devrait aussi répondre aux questions. Quant à la France, elle s'oppose à une judiciarisation de la question climatique, rappelle Le Monde.
Les Etats en première ligne face à la crise climatique, comme les pays insulaires du Pacifique, défendront eux un avis leur permettant de peser davantage dans les négociations internationales et de bénéficier d'une base juridique solide pour trancher les contentieux climatiques auprès de la Cour internationale de justice. Margaretha Wewerinke-Singh, avocate principale de Vanuatu et du Melanesian Spearhead Group, a déclaré que certains Etats avaient violé le droit international par leurs actes et leurs omissions, rapporte le Guardian.
4 Quand la cour rendra-t-elle son avis ?
Si l'audience se déroule du 2 au 19 décembre, l'avis des juges pourrait prendre plus de temps. Sans donner de date précise, le verdict devrait être rendu dans le courant de l'année prochaine, selon Joie Chowdhury. D'autres, moins optimistes, estiment que l'organe judiciaire principal de l'ONU pourrait prendre des mois, voire des années, avant de rendre son avis. Des avocats impliqués dans l'affaire, interrogés par le New York Times, attendent de leur côté une sentence prononcée l'été prochain.
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