Gel tardif : abricotiers, pommiers, vignes... Après l'hiver extrêmement doux, le froid menace "tous les végétaux"
Les cultivateurs dorment peu ces derniers jours. Vignerons ou arboriculteurs, ils veillent dans leurs parcelles pour tenter de les protéger du froid. Des températures négatives, avec des gelées en plaine, ont encore été relevées, mardi 23 avril, sur une vaste zone de l'Hexagone, du Massif central aux Hauts-de-France, dans l'Est et la région Centre.
La séquence de fraîcheur doit se terminer vendredi, selon les prévisions de Météo-France. En attendant, l'inquiétude est de mise. En avril 2021, les gelées avaient provoqué dans certaines zones près de 100% de pertes.
Pourtant, ces gelées n'ont "rien d'exceptionnel", observe pour franceinfo Christelle Robert, prévisionniste à Météo-France. "Nous en avons connu des bien plus fortes et plus étendues, à la même période de l'année, par le passé", ajoute-t-elle. Les "saints de glace", (les 11, 12 et 13 mai) forment un bon repère quant à la limite habituelle pour les gelées, "même si certaines ont déjà été constatées à la fin mai".
Une nature en avance
Lors de l'épisode de 2021, presque toutes les pertes étaient survenues en une seule nuit. Cette année, le risque s'avère plus grand du fait d'un cumul de nuits froides, selon l'agroclimatologue Serge Zaka. Surtout, le spécialiste rappelle que les températures particulièrement élevées de ces dernières semaines ont déboussolé l'ensemble de la végétation.
"La particularité, c'est que nous avons eu de fortes douceurs avant cet épisode de gel et que tous les végétaux, toutes les espèces, ont ouvert leurs bourgeons."
Serge Zaka, agroclimatologueà franceinfo
En France, le premier trimestre 2024 (janvier, février et mars) a été le plus chaud jamais enregistré pour cette période depuis le début des relevés, observait ainsi, début avril, Sébastien Léas, prévisionniste chez Météo-France. Le début du printemps a eu des airs estivaux, et le week-end du 13 et 14 avril, de nombreux records de chaleur ont été battus, avec la barre des 30 degrés franchie par endroits. La végétation a donc pris de l'avance sur son développement habituel.
Son stade actuel correspond normalement à ce qu'il devrait être à la moitié du mois de mai, d'après Serge Zaka. "Le pommier, qui est l'un des derniers arbres fruitiers à ouvrir ses bourgeons, est déjà en floraison", illustre-t-il. "Dans certaines régions, la vigne a plus de cinq feuilles étalées alors que d'habitude à cette période, nous avons à peine des bourgeons ouverts." Les abricotiers et les cerisiers, eux, ont dépassé la floraison. "Nous en sommes au stade 'petit fruit', que cela soit dans le nord ou dans le sud de la France", précise l'agriclimatologue.
Des hivers très doux attendus plus fréquemment
Dès lors, ces arbres sont plus vulnérables face aux basses températures. "Lorsque le bourgeon est fermé, en hiver, il peut résister jusqu'à -15°C ou -30°C", explique l'expert. Quand il est ouvert, sa résistance diminue nettement et va jusqu'à -7°C ou -8°C. Quand la fleur apparaît, le seuil de sensibilité se situe vers les -2°C. Avec le petit fruit, il ne va pas au-delà de -0,5°C. "Tous ces stades ont été passés en avril", insiste Serge Zaka.
Un tel décalage risque de se produire de plus en plus souvent en raison du réchauffement climatique engendré par les activités humaines. En effet, le cycle des saisons tend à s'altérer, avec des hivers beaucoup plus courts et moins rigoureux, des étés plus chauds et plus longs, et des intersaisons (printemps et automne) rabotés.
Le casse-tête des nouvelles cultures
Confronté à ce scénario déjà amorcé, l'arboriculteur Joris Miachon a expliqué lundi sur franceinfo qu'il comptait cultiver moins de fruits sensibles, comme l'abricot, afin de réduire le risque de pertes. "Mais pour faire quoi à la place ? On est limités", déplore le président de la coordination rurale d'Auvergne-Rhône-Alpes.
"On a des hivers qui sont de plus en plus doux, donc il faut que l'on trouve des espèces qui ont besoin de moins d'heures de froid, mais en même temps qui fleurissent tardivement. C'est compliqué", juge Joris Miachon. "Et si on trouvait cette espèce, il faudrait qu'elle ait un intérêt commercial. On ne peut pas se permettre de planter des dizaines d'hectares sans avoir un marché en face", pointe-t-il. "En arboriculture, ce sont des questions que beaucoup [de producteurs] se posent."
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