Réchauffement climatique : "Ce qui est surprenant, c'est que les gens soient toujours dans le déni ou surpris", déplore un glaciologue
Les températures très chaudes en altitude recensées ces derniers jours ne sont pas une surprise, rappelle Patrick Wagnon sur franceinfo mercredi 19 juillet. Pour le glaciologue, guide de haute montagne et directeur de recherches à l’Institut de recherche pour le développement (IRD), "ce qui est surprenant, c'est que les gens soient toujours dans le déni ou surpris", alors qu'on "va voir, nous-mêmes, à l'échelle d'une génération, les glaciers disparaitre dans les Alpes".
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Pour la première fois mardi 18 juillet à Verdun (Ariège) à 550 mètres d'altitude, le thermomètre a affiché 40,6 °C. À Serralongue (Pyrénées-Orientales) : 40,4 °C à 700 mètres d'altitude. Records de chaleur enregistrés aussi par Météo France à l'Alpe d'Huez (Isère, 1 860 m) avec 29,5 °C, Renno (Corse-du-Sud, 755 m) avec 38,3 °C, Avrieux (Savoie, 1 104 m) avec 36 °C.
franceinfo : ces fortes chaleurs enregistrées en altitude sont-elles ponctuelles ou représentent une tendance notable depuis un moment ?
Patrick Wagnon : C'est une tendance notable depuis un moment. Je pense qu'il ne faut pas être surpris. Les scientifiques ont suffisamment alerté. On a la chance finalement d'avoir un été 2023 qui est relativement frais par rapport à celui de 2022. Mais il faut s'apercevoir que c'est la norme maintenant qui commence à s'imposer et ce sont les conséquences de nos activités et des émissions de gaz à effet de serre. C'est quelque chose qui est totalement indéniable.
Le GIEC a prévenu du réchauffement climatique. Est-ce que son ampleur, le rythme de ce réchauffement a de quoi vous surprendre ?
Non, on n'est pas surpris. Vraiment, on alerte depuis un bon moment. Ce qui est surprenant, c'est finalement le déni ou le fait que les gens soient surpris. C'est-à-dire que la norme change et il y a une accélération extrêmement importante de ce réchauffement, qui est sensible à la fois en plaine et bien sûr aussi en montagne. Je travaille sur les glaciers et les glaciers montrent une décroissance, une perte de volume qui est extrême et qui est amplifiée quasiment d'année en année.
"On s'achemine vers une disparition des glaciers à ce rythme-là. On va voir, nous-mêmes, à l'échelle d'une génération, les glaciers disparaître dans les Alpes"
Patrick Wagnonà franceinfo
On en aura bientôt fini des neiges éternelles en France ?
Si on prend l'exemple de 2022 qui était un été extrême, c'est à peu près 4 à 8% de l'ensemble du volume des glaciers des Alpes françaises, même suisses, qui a disparu en un été. Donc oui, on s'achemine vers une disparition des glaciers à ce rythme-là. C'est quelques décennies seulement et on va voir, nous-mêmes, à l'échelle d'une génération, les glaciers disparaître dans les Alpes. Donc effectivement, il faut prendre conscience de ça et ne plus être surpris.
Quelles sont les conséquences et qu'il faut craindre de la disparition de ces glaciers ?
Sans le soutien des débits par les eaux de fonte des glaciers, les étés vont être de plus en plus secs, avec un appauvrissement en eau, alors que c'est la période où l'agriculture en a le plus besoin. Ensuite, il y a des grosses variabilités selon si l'on est situé dans le climat méditerranéen ou plutôt au nord des Alpes.
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Et nos montagnes deviennent plus dangereuses avec cette fonte des glaces ?
Effectivement, avec le réchauffement, il y a une dégradation du permafrost, c'est toute la partie du sol gelé qui permet justement une stabilité des versants. Actuellement, on s'aperçoit qu'il y a une déstabilisation de certains versants. C'est quelque chose de naturel. Globalement, les montagnes sont soumises à l'érosion, mais il y a une accélération et des éboulements qui sont de plus en plus fréquents. Les gens qui sont actuellement en montagne le vivent au quotidien.
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