Réchauffement climatique : trois choses à retenir du bilan de Copernicus sur l'année 2023, la plus chaude jamais enregistrée dans le monde

Article rédigé par Marie-Adélaïde Scigacz
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
Observation de la fonte des icebergs dans le cadre de la septième expédition scientifique nationale en Antarctique, le 15 février 2023 sur l'île Horseshoe. (SEBNEM COSKUN / ANADOLU AGENCY via AFP)
L'Observatoire Copernicus a publié mardi son rapport annuel dressant le bilan de l'année climatique écoulée, dans lequel il confirme les conclusions d'un précédent bilan qui, le 6 décembre déjà, assurait que 2023 était l'année la plus chaude jamais enregistrée.

En 2023, "les records climatiques sont tombés comme des dominos". Dans un rapport publié mardi 9 janvier, le service européen Copernicus sur le changement climatique confirme que l'année 2023 est la plus chaude jamais enregistrée, avec une moyenne des températures établie à 14,98°C à l'échelle globale. L'année qui vient de s'écouler détrône ainsi 2016 (14,81°C). "Les températures enregistrées en 2023 dépassent probablement celles de n'importe quelle période depuis au moins 100 000 ans," selon la directrice adjointe du service Copernicus sur le changement climatique, Samantha Burgess, citée dans un communiqué. 

Dans un précédent bilan publié le 6 décembre, Copernicus assurait déjà que 2023 serait l'année la plus chaude jamais enregistrée. Les données de décembre n'ont fait que confirmer la tendance : le dernier mois de l'année a été le mois de décembre le plus chaud jamais enregistré au niveau mondial, avec une température moyenne de 13,51°C, soit 1,78°C au-dessus du niveau 1850-1900 pour le mois. Voici les principaux enseignements de ce rapport.

Le monde aux portes de la limite de +1,5°C de l'accord de Paris

Signé en 2015 à l'issue de la COP21, le seuil de l'accord de Paris vise à maintenir "l'augmentation de la température moyenne mondiale bien en dessous de 2°C au-dessus des niveaux préindustriels" et à poursuivre les efforts "pour limiter l'augmentation de la température à 1,5°C au-dessus des niveaux préindustriels". Or, comparée à l'ère préindustrielle, la température moyenne globale de 2023 représente une hausse de 1,48°C.

Dès le début du mois de juin, le seuil symbolique de 1,5°C a été dépassé pendant plusieurs jours, souligne Copernicus qui pointe "un des premiers signes témoignant du caractère exceptionnel de cette année 2023". "Même si ce n'était pas la première fois que ce seuil d'anomalie journalière était dépassé, jamais cela ne s'était produit si tôt dans l'année", poursuit l'institut, ajoutant qu'"il est probable qu'une période de 12 mois se terminant en janvier ou février 2024 dépassera de 1,5°C le niveau préindustriel". Cependant "cela ne signifie pas que la limite fixée par l'accord de Paris a été dépassée", poursuit Copernicus.  

Augmentation de la température de l'air à la surface du globe (1) par rapport à la moyenne de 1850-1900, sur la base de plusieurs ensembles de données sur la température mondiale présentées sous forme de moyennes quinquennales depuis 1850 (à gauche) et de moyennes annuelles depuis 1967 (à droite). (C3S/ECMWF)

Lors d'un autre bilan de cette année hors norme, pendant la COP28 organisée à Dubaï en décembre, Chris Hewitt, directeur de la branche climat de l'Organisation météorologique mondiale (OMM) insistait déjà sur ce point : le seuil de 1,5°C établi dans l'accord de Paris fait référence à "un réchauffement sur des décennies, sur une période d'au moins vingt ans" et non pas, comme au cours de l'année écoulée, "des jours ou des semaines isolés." "Même si nous franchissons le seuil de +1,5°C, cela ne concernerait, pour l'instant, qu'une seule année. Cela ne suffit pas pour dire que la limite décrite dans l'accord de Paris a été franchie", concluait le scientifique. 

Selon Copernicus, les anomalies de température journalière globale supérieures à 1,5 °C "sont devenues régulières, au point que près de 50% des jours de l'année 2023 dépassaient de 1,5°C le niveau de 1850-1900." De même, l'année 2023 est aussi la première année pendant laquelle chaque jour a dépassé d'un degré les niveaux de 1850-1900. Enfin, deux jours de novembre ont été, pour la première fois, plus chauds de 2°C. 

Augmentation quotidienne de la température de l'air à la surface du globe par rapport à la moyenne de 1850-1900, pour 2023. Le graphique met en évidence les augmentations de température dans trois fourchettes : 1-1,5°C (orange), 1,5-2°C (rouge), et plus de 2°C (cramoisi). (C3S/ECMWF)

Des températures record dans les océans 

Les températures de surface de l'océan ont aussi affiché des niveaux "sans précédent". Elles "ont été un facteur déterminant des températures atmosphériques inhabituelles observées tout au long de l'année 2023", continue Copernicus. Pour la période comprise entre avril et décembre, ces températures ont été les plus élevées pour cette période de l'année dans l'ensemble des données ERA5, l'outil utilisé par l'Observatoire et qui permet de remonter jusqu'a 1940. S'il cite le rôle de l'oscillation australe El Niño (ENSO) dans ce réchauffement des océans, "le passage à El Niño n'explique pas à lui seul toute l'augmentation des températures de surface des océans à l'échelle mondiale en 2023", insiste Copernicus. "Car les [températures de surface] élevées en dehors du Pacifique équatorial [où le courant El Niño se manifeste] ont contribué de manière significative à l'établissement de records (...) à l'échelle mondiale."

Au pôle Nord comme au pôle Sud, la fonte des glaces a ainsi également atteint en 2023 des niveaux inquiétants. Mais c'est au Sud que les effets du climat sur la glace de mer ont franchi un seuil inédit. Dans l'Antarctique, "elle a atteint des minimums record pour la période correspondante de l'année, pendant huit mois", explique Copernicus.

L'étendue de la surface de la glace de mer en Antarctique, en 2023, présentée dans un rapport publié le 9 janvier 2024 par l'obervatoire européen Copernicus. (C3S/ECMWF)

"Les étendues quotidiennes et mensuelles ont atteint des minima historiques en février 2023", selon Copernicus. 

Des émissions de gaz à effet de serre record 

Toujours selon les observations de Copernicus, les concentrations de gaz à effet de serre ont atteint en 2023 les niveaux les plus élevés enregistrés dans l'atmosphère. Les gaz à effet de serre, pour l'essentiel issus des activités humaines, sont la principale cause du réchauffement climatique. Or, les concentrations atmosphériques de dioxyde de carbone et de méthane ont atteint respectivement 419 ppm, autrement dit partie par million (2,4 ppm de plus qu'en 2022) et 1902 ppb (11 ppb de plus qu'en 2022). 

De mauvais résultats obtenus en dépit des engagements pris à travers le monde depuis l'accord de Paris, en 2021, pour réduire drastiquement l'usage du charbon, du pétrole et du gaz, dont la combustion à des fins industrielles, énergétiques, agricoles etc. En décembre 2023, les énergies fossiles dans leur ensemble ont ainsi été mentionnées pour la première fois dans le texte final de la COP28, lequel a invité les pays à "transitionner hors des énergies fossiles dans les systèmes énergétiques, d'une manière juste, ordonnée et équitable, en accélérant l'action dans cette décennie cruciale, afin d'atteindre la neutralité carbone en 2050 conformément aux préconisations scientifiques". Or, en cette année 2023, "le taux d'augmentation du dioxyde de carbone était similaire à celui observé ces dernières années", selon Copernicus.

La concentration de CO2 dans l'atmosphèren depuis 2005, présentée dans un rapport publié le 9 janvier 2024 par l'obervatoire Copernicus. (C3S/ECMWF)

L'observatoire ajoute que "les émissions mondiales de carbone liées aux incendies de forêt estimées pour 2023 ont augmenté de 30% par rapport à 2022, principalement en raison de la persistance des incendies de forêt au Canada."

Sur une note plus positive, "le taux d'augmentation du méthane est resté élevé mais a été plus faible qu'au cours des trois dernières années." Connu du grand public pour être notamment émis lors de la digestion des bovins, le méthane (CH4) est un levier important dans la lutte contre le réchauffement climatique, du moins à court terme. Et pour cause, il a un pouvoir réchauffant sur vingt ans 84 fois supérieur au dioxyde de carbone (CO2).


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