EDF relance le nucléaire au Royaume-Uni
C'est désormais certain : EDF a trouvé un accord pour construire au Royaume-Uni deux EPR, le puissant réacteur nucléaire de 3ème génération. Le dossier a traîné en longueur, et l'annonce intervient avec plus d'un an de retard sur les annonces officielles de David Cameron et de Nicolas Sarkozy, en mars 2012.
S'il était attendu, l'accord entre EDF et Londres était pendant un long moment bloqué par certains verrous financiers. Il faut dire que de l'autre côté de la Manche, on s'inquiétait des déboires d'EDF lors de la construction de l'EPR de Flamanville, qui ne laissaient guère optimistes quant à sa possibilité de construire un réacteur similaire en Grande-Bretagne, en rentrant dans les délais et dans les budgets.
En coopération avec Areva et deux groupes nucléaires chinois
Le géant français de l'électricité va donc construire deux EPR sur le site nucléaire d'Hinkley Point, dans le sud-ouest de l'Angleterre. Le consortium sera piloté par EDF, mais il inclut également deux groupes nucléaires chinois, CGN et CNNC, qui détiendraient à eux deux 45% à 50% du projet, et aussi Areva, qui en détient 10%.
Initialement, c'est l'entreprise Centrica qui devait se partager les coûts avec EDF, mais l'envolée du prix de construction de l'EPR de Flamanville, ainsi que celui que construit actuellement EDF en Finlande, a fini de convaincre Centrica de se retirer, en janvier.
► ► ► A LIRE AUSSI | Malgré Flamanville, l'EPR restera un réacteur nucléaire compétitif
Finalement, EDF s'est donc retrouvée à négocier avec deux enetreprises chinoises qu'elle connaît bien. Le groupe nucléaire français collabore depuis trente ans avec CGN, et depuis 2009, ils construisent ensemble deux EPR à Taishan, en Chine.
Les derniers verrous financiers ont sauté
Dans les clous depuis longtemps, l'accord a mis longtemps à se concrétiser. La raison principale de ce blocage, ce sont quelques verrous financiers sur lesquels les deux parties avaient du mal à se mettre d'accord. Le gouvernement britannique souhaitait avoir toutes les garanties possibles, au vu de l'énormité de l'investissement (14,5 milliards de livres, soit 16,5 milliards d'euros). D'où la présence des groupes chinois.
► ► ► A LIRE AUSSI | Le coût de l'EPR augmente (encore)
Autre point de désaccord : EDF souhaitait un prix garanti de vente de l'électricité nucléaire. Plus faible que le coût souhaité par le géant du nucléaire français, Londres devrait tout de même assurer un prix garanti de l'électricité entre 89,50 et 92,5 livres par mégawatt/heure. Un accord de ce type est appelé "contract for difference " : il implique que si le prix sur le marché de gros est inférieur à ce niveau, c'est l'électricien qui touchera la différence ; s'il est supérieur, il reversera le bénéfice.
A l'heure actuelle, le prix fixé est deux fois supérieur au prix de gros actuellement pratiqué outre-Manche. Mais il semblerait que David Cameron n'ait pas vraiment eu le choix : son parc nucléaire vieillissant le pressait à faire un choix. Autre requête d'EDF : déterminer la durée de cette garantie de prix. EDF voulait que ce prix garanti dure 40 ans. Le groupe en aura finalement obtenu 35.
Un chantier d'une importance considérable
Un accord de ce type doit encore être validé par la Commission européenne. Mais ces détails très techniques n'occulteront pas l'essentiel : l'accord entre EDF et le gouvernement anglais est un évènement marquant dans le contexte actuel. Plus de deux ans après la catastrophe nucléaire de Fukushima, le nucléaire reprend donc sa marche en avant. En Grande-Bretagne, c'est le premier EPR construit depuis celui de Sizewell B en 1995.
► ► ► A LIRE AUSSI | Le Japon a-t-il vraiment tourné la page de Fukushima ?
Cet accord avec EDF vient par ailleurs renforcer l'importance du groupe français de l'autre côté de la Manche, où EDF est déjà le n°1 en terme d'énergie depuis qu'il a racheté un groupe nucléaire anglais.
L'accord est censé être gagnant pour toutes les parties : EDF, qui renforce sa position, le Royaume-Uni, premier marché nucléaire en Europe, mais aussi la Chine, où l'on construit actuellement 35 réacteurs de technologies de toutes provenances, ce qui correspond à la moitié des réacteurs bâtis dans le monde.
25.000 emplois pour la Grande-Bretagne
La France ne s'y est pas trompée, l'Elysée publiant ce matin un communiqué dans lequel elle se félicitait de l'accord avec le Royaume-Uni.
Outre-Manche, le gouvernement britannique était lui aussi ravi de la décision. "Cet accord représente 16 milliards de livres d'investissements futurs pour la Grande-Bretagne et la création de 25.000 emplois, soit d'excellentes nouvelles pour la région du Sud-ouest et pour le pays tout entier ", a souligné le premier ministre britannique David Cameron, cité dans un communiqué d'EDF.
"Pour la première fois, une centrale nucléaire dans ce pays n'aura pas été construite avec l'argent du contribuable britannique. Cela nous permettra de renforcer et sécuriser notre modèle énergétique, grâce à une source d'électricité sûre, fiable et produite sur notre territoire ", a abondé le ministre britannique de l'Energie, Ed Davey.
7% de la demande d'électricité au Royaume-Uni
De son côté, le PDG d'EDF, Henri Proglio, a souligné lors d'une téléconférence qu'il s'agissait d'un "moment clef dans l'histoire d'EDF ", dans le prolongement du rachat de l'exploitant du parc nucléaire britannique British Energy qui a fait du groupe français le 1er producteur d'électricité outre-Manche. "Cela va contribuer à définir le paysage énergétique de demain, basé sur des sources faiblement émettrices de CO2 ", a-t-il mis en avant.
Les deux EPR de Hinkley Point C devraient à eux seuls couvrir jusqu'à 7% de la demande d'électricité au Royaume-Uni. Leur construction permettra de compenser l'arrêt prévu dans les dix ans d'une série de centrales électriques au charbon et de réacteurs en fin de vie. De plus ils devraient aider Londres à remplir ses ambitieux objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.