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Enquête: MSC Croisières pointée du doigt par des associations environnementales

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MSC
Article rédigé par L'Oeil du 20 heures
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C’est la première compagnie de croisières en Europe. MSC Croisières et ses navires géants embarquent chaque jour des milliers de passagers venus profiter de l’incomparable vue sur mer, des multiples piscines, discothèques ou patinoires flottantes. Des paquebots dont la pollution inquiète les habitants des ports. MSC assure pourtant vouloir atteindre le zéro émission, ce dont doutent certaines associations environnementales.

Toulon, depuis plus de trente ans, est le terrain de jeu de Guillaume Picard. Longtemps, la rade a été le port d’attache de cet ancien officier de la marine marchande. Aujourd’hui, il traque dans ces eaux les navires de croisière qui accostent sur la côte d’Azur. "On va attendre le MSC Magnifica, prévient celui qui est engagé au sein du collectif Stop Croisières Toulon. On va rentrer avec lui parce qu’il va aller plus vite que nous." La cible du jour, c’est ce navire de la compagnie MSC Croisières qui arrive d’Espagne. 294 mètres de long, 95 128 tonnes de déplacement. Et des cheminées qui crachent sombre, à l’arrivée au port. "Le navire fume noire. Il est en train d’arroser toute la ville avec ses gaz d’échappement ", conclut Guillaume Picard devant le panache foncé qui sort des immenses cheminées du MSC Magnifica. Pointée du doigt pour ses rejets de polluants, la compagnie italo-suisse a été visée par plusieurs actions de collectifs anti-croisières comme à Marseille à la mi-juin. Les opposants s’appuient notamment sur une étude européenne publiée il y a quelques semaines (ndlr : « Le retour de la croisière », Transport et Environnement, 2023). Selon le document, en 2022, les navires de MSC Croisières ont émis 3358 tonnes d’un gaz toxique, le dioxyde de soufre. En un an, 19 bateaux en ont rejeté autant que 276 millions de voitures roulant en Europe. Selon l’auteure de l’étude, c’est entre autres la faute du fioul maritime peu raffiné, utilisé par chaque navire. "En fonction de là où se trouve le bateau, il va utiliser un carburant entre 100 et 500 fois plus chargé en soufre que celui utilisé dans nos voitures ", précise Constance Dijkstra de l’organisation Transport et Environnement. Elle évoque aussi les risques possibles pour la santé : "on parle de morts prématurées, d’asthme, de certains types de cancers,… "

19 navires rejettent autant de dioxyde de soufre que 276 millions de voitures roulant en Europe

Contactée, la compagnie de croisières n’a pas souhaité commenter les résultats de l’étude. "Il nous est très difficile d’infirmer ou d’affirmer quoi que ce soit parce que nous n’avons pas accès à la méthodologie de l’étude. En tant que marque possédant le plus grand nombre de navires en opération en Europe, nous reconnaissons depuis longtemps l’importance de réduire les émissions ", fait remarquer MSC Croisières. Depuis l’an dernier, la compagnie fait naviguer des navires au gaz naturel liquéfié. Un combustible dénoncé par de nombreuses associations mais que MSC estime moins polluant que le fioul maritime. En outre, la compagnie n’hésite pas à mettre en avant son engagement environnemental avec d’impressionnants projets. Il y a Ocean Cay, par exemple, une île des Caraïbes où MSC a restauré des plages artificielles et même reconstitué des barrières de corail. Avec ces spots publicitaires, le croisiériste explique aussi à ses clients qu’il fait des efforts pour l’environnement. Il leur fait même une promesse. “Les croisières peuvent-elles atteindre le zéro émission ? On pense que oui”, assure la voix off de la publicité. Nous avons montré ces images à Alain Karsenty, économiste spécialiste des questions énergétiques au CIRAD (ndlr: Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement). Pour le chercheur, tout cela est avant tout de la communication. "Cela fait de belles images et là, on est dans ce qui s'apparente à du greenwashing. Le but nest pas de diminuer les émissions mais de montrer aux clients qu'ils peuvent effacer leur péché climatique", précise l'économiste. Malgré les critiques, MSC Croisières assure vouloir atteindre le zéro-émission à l’horizon 2050. Elle reconnaît néanmoins qu’elle ne dispose pas encore des technologies et des carburants qui lui permettront d’atteindre cet objectif.

Parmi nos sources:

Etude "Le retour de la croisière", Transport et Environnement, 2023.

Nouvelles connaissances scientifiques sur la qualité de l'air et l'activité maritime. Atmosud, 2023.

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