Festivités du 14-Juillet : comment les feux d'artifice sont devenus plus respectueux de l'environnement
Face à l'urgence liée au réchauffement climatique et aux crises environnementales, les rituels républicains s'adaptent. Les feux d'artifice, souvent incontournables lors des célébrations du 14-Juillet, ont évolué ces dernières années : les professionnels de la pyrotechnie proposent désormais des spectacles qui se veulent plus propres. Des prestations réclamées et mises en avant par les clients, dont les municipalités.
La ville de Bordeaux, en Gironde, dirigée par l'écologiste Pierre Hurmic depuis 2020, propose ainsi un feu d'artifice "vertueux et écoresponsable". Le spectacle se fait "sans perchlorate, sans plomb et sans retombées de plastique et d'aluminium dans la Garonne", écrit la mairie sur son site. Lors de l'appel d'offres, "on a été assez stricts", explique Léa André, conseillère municipale chargée des événements et festivités au sein de la capitale girondine.
Pollution multiple
La question de l'impact environnemental n'est peut-être pas la première qui vient à l'esprit lorsqu'on parle des feux d'artifice. Pourtant, ces derniers engendrent une pollution atmosphérique localisée autour du site de tir, en raison de la combustion des produits, détaille l'association Santé environnement Auvergne-Rhône-Alpes. Heureusement, cette forte concentration de particules nocives n'est que passagère, selon une étude menée au Canada en 2024 et relayée par le quotidien québécois La Presse.
La composition des feux d'artifice est également scrutée. La pyrotechnie utilise des métaux lourds et du perchlorate dans la poudre des bombes. Sans compter les autres métaux (non lourds), nécessaires pour obtenir les différentes couleurs : les composés de cuivre pour le bleu, le baryum pour le vert, le strontium ou le lithium pour le rouge, ou encore le titane pour le blanc. Autant de matières qui, après le spectacle, se retrouvent dans l'environnement et s'accumulent dans les sols et les eaux.
De plus, si la pyrotechnie se faisait historiquement sans plastique, ce dernier a été couramment utilisé ces dernières décennies pour des raisons de "protection" et de "conservation" des produits, explique Jérôme Desiles, directeur général de la société Stardust, spécialisée dans les spectacles pyrotechniques. Ce plastique pose problème en raison des déchets persistants qu'il engendre, et alors que la limite planétaire concernant la pollution chimique et plastique a été franchie en 2022.
Bombes en carton et papier
Face à cette pollution multiple, le virage vert a été amorcé en France il y a une "vingtaine d'années", lorsque de "grands parcs d'attraction qui font des feux d'artifice quotidiennement" ont souhaité réduire leur impact sur l'environnement sous la pression de l'opinion publique, relate David Proteau, directeur général de Ruggieri. Cette société de pyrotechnie, qui réalise les feux d'artifice pour de nombreuses villes, notamment écologistes comme Bordeaux et Lyon, a alors investi dans la recherche et le développement dans le cadre d'un "programme de quinze ans".
"Beaucoup d'argent" a été mis sur la table pour développer de nouvelles molécules, de nouvelles formules et de nouveaux mélanges permettant d'avoir des produits plus propres, précise David Proteau. Mais le jeu en vaut la chandelle. "Nous faisons une pyrotechnie qui ne dégage plus de métaux lourds dans l'atmosphère, [grâce au] nitrocellulose", un composant de base des poudres, notamment utilisé dans les canons d'artillerie comme le Caesar.
"Un feu d'artifice aujourd'hui pollue 70% moins qu'il y a dix ans. C'est colossal."
David Proteau, directeur général de Ruggieri, société de pyrotechnieà franceinfo
Pour ce qui est du contenant, le moindre recours au plastique s'est imposé assez facilement, d'après les professionnels contactés par franceinfo. Il n'a pas complètement disparu, mais la quasi-totalité des fabricants asiatiques l'ont écarté et ce sont des Européens qui l'utilisent encore. "Nous avons fait le choix du 100% carton et 90% de nos produits viennent d'Asie", commente Jérôme Desiles, soulignant que le carton utilisé présente l'avantage de se dégrader aisément dans l'environnement et qu'il peut aussi être utilisé comme combustible. Dans le même temps, le calibre des bombes a été réduit pour utiliser moins de poudre.
Tout le monde n'y voit que du feu
A Bordeaux, des restes de bombes se retrouvent dans la Garonne mais cela ne pose pas de problème majeur de pollution, assure Léa André, conseillère municipale. Même constat à Ambert, ville de 6 700 habitants du Puy-de-Dôme, où les feux d'artifice sont écoresponsables depuis 2021. Si les déchets de bombes biodégradables qui tombent dans le plan d'eau du site de tir se détériorent naturellement, l'entreprise en charge du spectacle assure le nettoyage au sol "pour ne pas saturer les services municipaux", explique la mairie (divers droite).
Dans tous les cas, pour ce qui est du spectacle en lui-même, le changement est imperceptible. Les projectiles, qui utilisent moins de poudre, ne s'élèvent pas aussi haut qu'auparavant. Responsables et administrés n'y voient toutefois que du feu. "Côté public, nous n'avons pas eu de retours. Nous, on ne voit pas la différence", concède la mairie de Bordeaux à franceinfo.
"La mairie est entièrement satisfaite et elle a de bons retours des habitants."
Mairie d'Ambert (Puy-de-Dôme)à franceinfo
A Redon (Ille-et-Vilaine), le feu d'artifice du 14-Juillet est écoresponsable depuis 2021. Il a été modifié pour donner une place plus importante à l'eau, qui entoure cette ville au cœur d'une zone Natura 2000, label qui entend encourager "la prise de conscience collective des enjeux écologiques". La mairie parle désormais d'un spectacle "pyro-aquatique", associant feux d'artifice et jets d'eau.
Malgré ces changements, Soazig Ruiz, chargée de la culture dans une équipe municipale menée par un maire divers droite, affirme ne pas avoir ressenti de différences dans l'intérêt pyrotechnique du spectacle. Interrogée sur d'éventuelles remarques des Redonnais, elle assure que rien n'a été signalé aux services de la mairie.
Des "tirs progressifs" pour prévenir les oiseaux
La dimension écoresponsable ne porte pas que sur la pollution et les déchets. Une attention est également portée à la faune, notamment aux oiseaux. A Toulouse (Haute-Garonne), des dizaines d'étourneaux sont morts, "pris au piège et complètement effrayés", lors du feu d'artifice du 14 juillet 2019, rapportait alors La Dépêche du Midi.
"Plusieurs études confirment que les feux d’artifice ont des impacts traumatisants sur la faune sauvage, plus particulièrement les oiseaux (abandon des couvées, stress, mortalité)", écrit La Ligue de protection des oiseaux LPO, qui a formulé des recommandations (PDF) à destination des collectivités et des professionnels du secteur. "Ces impacts seront variables selon le site de tir (plus important sur des sites naturels), la période (printemps et été) et la fréquence des tirs", précise-t-elle. Mais le plus critique reste le choix du lieu du feu d'artifice, qui ne doit pas se trouver à proximité de nids, souligne la LPO auprès de franceinfo.
Au-delà de la localisation, les minutes qui précèdent le spectacle comptent. La mairie de Bordeaux évoque des tirs "progressifs" pour avertir les oiseaux. "J'annonce le début du spectacle avec 11 coups de canons. Avec un premier coup de canon accompagné d'un éclair dans le ciel, détaille David Proteau, directeur général de Ruggieri. Puis un autre coup dix secondes après, puis un neuf secondes après."
"L'oiseau a le temps de partir. Il n'est pas tout de suite pris dans un bouquet de lumière intense et de bruit. Nous procédons comme pour l'apparition d'un orage."
David Proteauà franceinfo
Pour lui, il ne serait pas choquant qu'une démarche de ce type devienne obligatoire car "elle ne coûte rien et préserve la faune". De plus en plus de collectivités semblent prêtes à passer ce cap. L'engouement pour la démarche écoresponsable des feux d'artifice est croissant, confirme Jérôme Desiles, patron de Stardust. "Les critères d'écologie apparaissent de plus en plus dans les appels d'offres, et cela peut compter pour un tiers de la note", souligne-t-il, relevant que les demandes proviennent de tous les bords politiques.
Les villes contactées par franceinfo, qui ont déjà basculé, comptent bien poursuivre dans cette voie. "Aucune marche arrière n'est envisageable, c'est absolument hors de question", affirme la mairie de Redon. Même son de cloche à Bordeaux, qui vient de renouveler sa confiance à son prestataire, après trois ans de feux d'artifice plus "verts".
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