"La pollution tue de plus en plus de personnes, notamment la pollution intérieure"
Selon l'OMS, 7 millions de personnes sont mortes dans le monde à cause de la pollution de l'air en 2012. Comment expliquer ce chiffre ? Entretien avec la directrice du département Santé publique et environnement de l'OMS.
La pollution de l'air a tué sept millions de personnes en 2012, selon une étude de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), publiée mardi 25 mars. Cette étude mondiale indique que 3,7 millions de personnes sont mortes à cause de la pollution extérieure, et 4,3 millions à cause de la pollution de l'air dans leur foyer. Un million de décès sont liés aux deux facteurs et sont donc comptabilisés dans les deux catégories.
Derrière ces chiffres se cachent des réalités diverses, en termes de populations concernées et d'aires géographiques. Le Dr Maria Neira, directrice du département Santé publique et environnement à l'OMS, les décrypte pour francetv info.
Francetv info : La mortalité liée à la pollution est-elle en augmentation ?
Maria Neira : Pas partout et pas de la même manière. Si l'on compare, en Europe, la situation actuelle avec les dernières décennies, on constate une diminution énorme de la pollution. Il y a trente ou quarante ans, la production industrielle était encore à l'intérieur de la ville, ce qui polluait énormément l'air. La tendance est à l'amélioration, même s'il reste encore beaucoup à faire. Dans d'autres régions du monde, comme en Asie ou en Afrique, la pollution tue de plus en plus de personnes, notamment la pollution intérieure.
La pollution intérieure est moins redoutée que la pollution atmosphérique, alors qu'elle tue autant, voire plus, selon l'OMS. A quoi est-elle due ?
Elle touche surtout les pays en développement. En Asie, en Afrique et en Amérique du Sud, trois milliards de personnes cuisinent encore comme à la préhistoire. On brûle ce que l'on a à disposition, du bois, du charbon, voire des excréments secs. C'est extrêmement nocif pour la santé. En Europe, cette pollution intérieure existe aussi, mais sous une autre forme : elle touche surtout les gens qui fument.
En Europe, 280 000 personnes meurent à cause de la pollution atmosphérique dans les Etats riches, contre 200 000 dans les Etats pauvres. Comment expliquer cet écart ?
Cet écart dépend de la distribution de la population entre les zones urbaines et les zones rurales, et de leur niveau de concentration. Dans les pays européens à revenus moins importants, la population s'étire davantage dans les zones rurales que dans les zones urbaines. Elle est donc moins exposée aux risques pour la santé. En ville, les voitures privées polluent, tout comme l'énergie utilisée pour réchauffer ou refroidir certaines habitations. Plus les gens ont des ressources, plus ils consomment et plus ils polluent.
La France est-elle le pays le plus pollué d'Europe ?
L'étude de l'OMS ne permet pas encore de savoir, pays par pays, où la mortalité liée à la pollution de l'air est la plus importante. On devrait fournir des statistiques détaillées dans quelques mois, même si l'on peut affirmer sans trop de risques que la France sera à peu près au même niveau que ses voisins européens. Mais au-delà de la mortalité, il faut aussi considérer la morbidité, c'est-à-dire le nombre de maladies non mortelles. Ce niveau-là sera sans doute important.
La pollution atmosphérique est-elle de nature différente dans les pays riches et les pays pauvres ?
La pollution de l'air extérieur est de même nature. Elle est surtout constituée de particules fines en suspension, comme ce fut le cas à Paris ce mois-ci. Dans de nombreux pays pauvres ou émergents, comme en Chine et en Inde, la pollution atmosphérique est aussi très importante, les personnes et les entreprises utilisent beaucoup de combustibles solides, très polluants et aux effets très négatifs sur notre santé. Ce qui change, c'est seulement la concentration de la pollution.
Comment voyez-vous l'avenir en matière de pollution de l'air ? L'Europe est-elle sur la bonne voie ?
L'Europe bénéficie quand même d'une législation très forte. On a beaucoup avancé dans les trois ou quatre dernières décennies. Maintenant, notre défi est lié plutôt à l'amélioration des transports et à la construction de bâtiments "intelligents", ainsi qu'à notre mode de vie global. Promouvoir une vie plus active, moins sédentaire, avec une alimentation saine et l'utilisation du vélo ou de transports en commun, sera nécessaire pour faire baisser la pollution. Et pour cela, il faut des politiques publiques volontaristes, avec la capacité de collecter des données plus précises. Les politiques doivent mieux planifier la façon dont une ville doit grandir et mieux intégrer la composante "santé" à ces mesures. En bref, l'Europe doit continuer de progresser, sinon elle reviendra inévitablement en arrière.
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