L'ONG Générations futures dénonce la présence de perturbateurs endocriniens suspectés dans nos lacs et rivières
L'organisation engagée contre les pesticides de synthèse publie un nouveau rapport sur les substances présentes dans les eaux de surface. Franceinfo revient sur les principaux enseignements de cette étude.
Nos lacs et rivières sont-ils gorgés de polluants ? L'ONG Générations futures dénonce, dans un rapport publié mardi 16 avril, "l'existence d'importants cocktails de pesticides perturbateurs endocriniens suspectés" dans les eaux de surface de nombreux départements français. Pour parvenir à cette conclusion, l'ONG – engagée contre les pesticides de synthèse – s'est appuyée sur la base de données officielle Naïades, qui regroupe les analyses réalisées par les agences de l'eau, les offices de l'eau et l'Agence française pour la biodiversité. "Nous avons essayé de rendre lisible des données complètement inutilisables en l'état", explique à franceinfo François Veillerette, directeur de l'ONG. Voici les principaux enseignements de cette étude, dont les résultats sont à prendre avec précaution.
Quels sont les résultats de cette étude ?
• En moyenne, 41 "perturbateurs endocriniens suspectés" ont été identifiés dans chaque département. En matière de pollution environnementale, un premier point crucial est le nombre de molécules recherchées : on ne repère en effet que la pollution que l'on cherche à mesurer, et les analyses ne sont pas les mêmes partout sur le territoire. Selon le relevé de Générations futures, 232 "substances actives de pesticides ou de métabolites perturbateurs endocriniens suspectés" différents sont recherchés dans au moins un département français. Et les résultats montrent de fortes disparités régionales : 90 substances sont retrouvées dans les eaux du Calvados, contre seulement 4 pour la Corse du Sud.
• Le glyphosate, l'atrazine-déséthyl et le métolachlore arrivent en tête. Parmi ces substances, trois se détachent : le controversé glyphosate, mesuré dans 37 départements ; l'atrazine-déséthyl, retrouvée dans 30 départements et le métolachlore, détecté dans 15 départements. Ces deux herbicides sont pourtant interdits dans l'Union européenne : la première depuis 2003 pour ses effets sur le fœtus, la seconde depuis 1991. "Cela montre que les erreurs du passé, nous pouvons les payer encore un bon moment parce que les produits persistent", commente François Veillerette.
Quelles sont ses limites ?
• Les données sont incomplètes, ce qui complique les comparaisons. Dans son rapport, Générations futures déplore la mauvaise qualité des données de Naïade. L'ONG a commencé à travailler fin 2018 sur ces données et a dû remonter jusqu'à 2015 pour trouver une année complète. "Les années suivantes (2016-2018) étaient inutilisables, car ne disposant pas des données du bassin Loire-Bretagne", regrette Générations futures. Même complètes, les données diffèrent d'un département à l'autre. "Le nombre de molécules recherchées n'est pas le même et il y a des différences de seuil d'analyse. Il faut donc faire les comparaisons avec prudence", précise François Veillerette.
• Générations futures ne précise pas la concentration des résidus retrouvés. On sait seulement que la substance a dépassé la mesure de quantification, la valeur à partir de laquelle les scientifiques la détectent avec certitude. Pour être présent parmi les pesticides signalés, il suffit donc qu'au cours de l'année 2015, la substance ait été repérée une seule fois dans l'une des stations de mesure du département. Un relevé qui n'est donc pas forcément représentatif de la situation. "Nous avons du mal à trouver une façon fidèle de retranscrire l'information, justifie François Veillerette. Parfois, nous avons un pic dans une station d'analyse. Faut-il faire une moyenne alors que ça peut donner une impression fausse ?"
• L'ONG s'appuie sur une base de données de perturbateurs "potentiels". Outre Naïade, l'étude est fondée sur la base de données de Tedx, l'organisation créée par la scientifique Theo Colborn à l'origine de la découverte des phénomènes de perturbation endocrinienne. Cette liste regroupe 1 482 molécules ou familles de molécules qui ne sont pas forcément considérées comme des perturbateurs endocriniens avérés par les autorités, ni seulement celles pour lesquels un consensus scientifique existe. Le seul critère est l'existence d'au moins une étude universitaire publiée dans une revue scientifique ayant montré un effet de perturbation endocrinienne. "Nous n'avons pas encore de classification officielle au niveau européen, justifie François Veillerette. Si on se limite aux perturbateurs endocriniens certains, on va louper de nombreuses substances, il faut regarder plus large. Il y a tellement de trous dans la raquette..."
Faut-il s'en inquiéter ?
Dans son étude, Générations futures se garde bien de tirer des conclusions sur l'impact pour la santé humaine, contrairement à sa précédente étude, contestée, sur les perturbateurs endocriniens dans l'alimentation. Les eaux de surface – lacs, rivières et autres plans d'eaux – sont en effet distinctes des eaux distribuées que vous retrouvez dans votre robinet. C'est d'avantage pour les animaux qu'il faut s'inquiéter. "Ces produits peuvent avoir des effets sur les écosystèmes, même à des doses très faibles (...) Ces données montrent que la chimie agricole menace la biodiversité aquatique, expose François Veillerette, pour qui "ces résultats sont également à interpréter comme l'indicateur d'une contamination importante de l'environnement dans lequel vivent les humains".
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