Perturbateurs endocriniens : ce qu'il faut retenir après la décision de l'UE sur une définition de ces substances chimiques
Les représentants des Etats membres de l'Union européenne se sont mis d'accord, mardi, sur une définition des perturbateurs endocriniens, accusés d'être néfastes pour la santé.
Les représentants des Etats membres de l'Union européenne se sont finalement mis d'accord, mardi 4 juillet, sur une définition des perturbateurs endocriniens. Ces substances chimiques présentes dans notre environnement (pesticides, cosmétiques, matières plastiques, etc.), sont accusées de dérégler notre système hormonal et de provoquer de graves maladies.
C'est la septième fois que les pays de l'UE étaient amenés à se prononcer sur le texte proposé par la Commission européenne, mais contesté par les ONG environnementales et de nombreux scientifiques. Si la Suède et le Danemark se sont prononcés contre le texte, la France, qui s'était montrée très critique envers la proposition initiale de la Commission, a voté en sa faveur.
Franceinfo fait le point sur cette décision et ses conséquences.
Qu'ont décidé les Etats membres de l'UE ?
Le texte donne une définition légale aux perturbateurs endocriniens contenus dans les produits phytopharmaceutiques (pesticides). Il a été adopté lors d'une réunion du Comité permanent de la chaîne alimentaire et de la santé animale, après une proposition initiale de la Commission européenne en juin 2016.
L'identification des perturbateurs endocriniens pour "les humains et les animaux" devra être faite "en tenant compte de toutes les preuves scientifiques pertinentes, dont les études sur les animaux, in vitro ou in silico [basées sur des modèles informatiques], et en utilisant une approche basée sur les preuves", indique ce texte.
En clair, il faudra démontrer un lien de causalité entre une substance chimique et des effets néfastes pour que celle-ci soit retirée du marché. Mais à la différence des premières versions, le texte voté mardi intègre les perturbateurs "présumés", et plus seulement "avérés". La charge de preuves à apporter pour considérer une substance comme un perturbateur endocrinien est donc moindre que prévue.
Le ministre français de la Transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, a par ailleurs annoncé sur franceinfo avoir obtenu de Bruxelles "50 millions d'euros" pour "financer la recherche indépendante" sur les perturbateurs endocriniens.
En revanche, une dérogation sur certains pesticides, introduite en décembre 2016 et défendue par l'Allemagne, fait partie du texte final. Ces produits, conçus pour anéantir les insectes et les plantes "nuisibles" aux cultures en agissant sur leur système hormonal, seront donc toujours autorisés à la vente.
Qu'est-ce que ça change ?
L'adoption d'une définition commune des perturbateurs endocriniens était un préalable à l'établissement d'une réglementation européenne. Aujourd'hui, seul l'un d'entre eux, le bisphénol A, est interdit de la composition des biberons depuis 2011. Les "procédures d'examen" européennes des produits suspects devraient par ailleurs être "accélérées", promet Nicolas Hulot.
Ce texte représente-t-il du coup une grande avancée ? Ce n'est pas si évident. Il ne concerne que les produits phytopharmaceutiques (pesticides). Pourtant, les perturbateurs endocriniens "sont présents dans de très nombreuses autres activités humaines et donc de nombreux produits de consommation courante hors alimentation (plastiques, solvants, peintures, produits d’entretien, cosmétiques, parfums, textiles, etc.)", rappelle Le Monde. Selon la Commission européenne, "d'autres actions" seront menées pour réglementer les perturbateurs endocriniens présents "ailleurs que dans les pesticides et les biocides". Sans toutefois préciser un calendrier.
Ensuite, et bien que le texte adopté mardi soit moins restrictif que prévu, il requiert "un niveau de preuve très élevé, ce qui rend l’identification des substances comme des [perturbateurs endocriniens] très difficile et risque d’entraîner de longs retards", estime le regroupement d'ONG EDC Free Europe.
Nicolas Hulot a néanmoins garanti sur franceinfo que la France demanderait de manière "unilatérale" la sortie "du marché" de toutes les substances dont la "dangerosité" serait avérée, sans attendre une décision européenne.
Le ministre de la Transition écologique, la ministre de la Santé Agnès Buzyn et le ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation Stéphane Travert ont également annoncé la saisine de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) afin de mener une "évaluation des risques des produits les plus utilisés contenant ces substances". Ils ont aussi promis "des mesures pour améliorer la transparence sur les produits phytopharmaceutiques et biocides mis sur le marché français, et qui contiennent des perturbateurs endocriniens".
Avant d'entrer en vigueur, le texte devra être validé par le Parlement européen et le Conseil des 28 Etats membres de l'UE. L'Agence européenne de la sécurité des aliments et l'Agence européenne des produits chimiques établiront, dans les six mois, un guide d'application des critères retenus.
Quelles sont les réactions ?
"On n'a pas gagné définitivement la guerre, mais très sincèrement, c'est une avancée qui ouvre une brèche durable" qui devrait "faire tomber les exonérations", a estimé sur franceinfo le ministre de la Transition écologie et solidaire.
Texte sur les perturbateurs endocriniens devant l'UE : "une avancée considérable, une brèche qui ne va plus se refermer" selon @N_Hulot pic.twitter.com/VFevU5euAh
— franceinfo (@franceinfo) July 4, 2017
Nicolas Hulot s'est notamment réjoui d'avoir fait "entrer dans le champ des perturbateurs endocriniens un certain nombre de substances qui ne sont pas [des perturbateurs] avérés mais suspectés".
Si l'on n'avait pas voté ce texte, un certain nombre de produits dont la dangerosité est avérée n'auraient pas pu être retirés du marché.
Nicolas Hulot, ministre de la Transition écologiqueà franceinfo
Les ONG sont, de leur côté, moins enthousiastes. Le regroupement d'ONG EDC Free Europe a appelé le Parlement européen, qui doit se prononcer sur le texte, à rejeter le document retenu par les Etats membres. Pour ces associations, la charge de preuves retenue pour qualifier les perturbateurs endocriniens et l'exemption de certains pesticides "ne garantiront pas un bon niveau de protection de la santé humaine et de l’environnement".
Corinne Lepage, ancienne ministre de l'Environnement, a, elle, déploré sur Twitter "le soutien de la France à la définition minimaliste des perturbateurs endocriniens".
Les lobbys de la chimie doivent sabler le champagne après le soutien de la France à la définition minimaliste des perturbateurs endocriniens
— Corinne Lepage (@corinnelepage) 4 juillet 2017
Principaux concernés, les fabricants de pesticides sont eux aussi mécontents. "Les critères ne fournissent aucune protection supplémentaire pour la santé et l'environnement et ne servent qu'à avoir un impact disproportionné et discriminatoire sur les agriculteurs européens, qui vont souffrir d'une nouvelle réduction arbitraire du nombre d'outils à leur disposition", a réagi auprès de l'AFP Graeme Taylor, porte parole de l'ECPA, organisation européenne qui réunit les grands industriels du secteur. Il a lui aussi appelé le Conseil et le Parlement européen, qui doivent se prononcer sur ce texte sous trois mois, à le rejeter.
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