Taxer les super-profits : "Une vraie bonne idée pour améliorer la justesse de notre système fiscal", selon l'économiste et prix Nobel Esther Duflo
Esther Duflo pointe du doigt la "responsabilité immense" des pays riches et le comportement de "ceux qui sont les plus riches" et appelle à plus de justice fiscale, en France notamment.
La taxe sur les super-profits est "une vraie bonne idée" à condition de "ne pas s'arrêter là", estime Esther Duflo, prix Nobel d’économie 2019, invitée vendredi 2 septembre sur France Inter. Selon elle, "il faut saisir toutes les opportunités pour améliorer la justesse de notre système fiscal, même si c'est juste une partie de la solution".
Elle y voit un moyen d'ouvrir le débat "sur le fait que les profits des entreprises ne sont pas imposés de manière juste aujourd'hui", en France, mais aussi à l'étranger, et notamment aux États-Unis. Mais Esther Duflo appelle à ne pas se tromper de diagnostic, considérant que la taxation sur les super-profits et l'interdiction des jets privés ne sont que "la partie émergée de l'iceberg". En d'autres termes, cela ne suffira pas pour lutter en profondeur contre la pauvreté dans le monde et le dérèglement climatique.
Esther Duflo : "La taxation des super-profits et des jets privés, c'est la partie émergée de l'iceberg. Il faut se poser la question de la distribution des bénéfices, des ressources qui existent. C'est une bonne idée, mais il ne faut pas s'arrêter là" #le7930Inter pic.twitter.com/6y8sDyrLcy
— France Inter (@franceinter) September 2, 2022
Elle rappelle que la situation sanitaire couplée aux effets du dérèglement climatique et de la guerre en Ukraine "précipitent", "accélèrent" la pauvreté. "On est à la confluence d'une série de facteurs qui produisent une augmentation de 13% des prix alimentaires sur l'année, à l'échelle mondiale", explique-t-elle. Les conséquences sur la vie des gens sont "immédiates", ajoute l'économiste.
"On est passé de 130 millions à 345 millions de gens en fragilité nutritionnelle extrême, l'étape juste avant la famine."
Esther Duflo, prix Nobel d'Économieà franceinfo
Esther Duflo pointe du doigt la "responsabilité immense" des pays riches dans le changement climatique et "à l'intérieur des pays riches", le comportement de "ceux qui sont les plus riches". "Plus on est riche, plus on consomme, plus on consomme, plus ça produit d'émissions. Les émissions produites en Chine sont produites pour permettre notre propre consommation", détaille-t-elle. Selon l'économiste, "le progrès sur le changement climatique ne peut passer que par des actions politiques fortes et par une meilleure répartition des revenus".
Les gestes individuels, "complètement insuffisants"
La Nobel d'économie plaide pour "une sobriété drastique", considérant que "les comportements individuels", le fait de "trier ses poubelles et d'éteindre les lumières", sont à la fois "indispensables et complétement insuffisants". Elle espère que la situation climatique "dramatique" de la France, cet été, aura au moins eu "l'effet positif" de nous "faire prendre conscience que le changement climatique, ce n'est pas seulement dans le futur, ce n'est pas seulement les autres. S'il faisait 35-40 degrés en France, il a fait 50 degrés en Inde, en mai", insiste Esther Duflo.
"Il faut se poser plus fondamentalement la question de la distribution des bénéfices, des ressources qui existent et ça ne peut passer que par une refonte du système de taxation à tous les niveaux", résume l'économiste. Esther Duflo en appelle ainsi à "la répartition adéquate des richesses, des revenus, vis-à-vis du reste du monde".
Esther Duflo : "Il faut une sobriété drastique : les changements individuels sont à la fois indispensables et complètement insuffisants. Le progrès climatique ne peut passer que par des actions politiques fortes, et par une meilleure répartition des revenus" #le7930Inter pic.twitter.com/C6vJFjhQ1N
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