Avec Rocio Marquez, le chant flamenco est aussi un art du combat
En Espagne, même si dans certaines villes les salles de spectacles sont ouvertes avec des jauges très réduites, le flamenco, l'un pilier de la culture locale est menacé. Privé des fameux tablaos, les cabarets flamencos, cet art séculaire est en danger, rencontre avec Rocio Marquez, une chanteuse engagée, de passage à Paris.
La fermeture définitive de l'institution Casa Patas à Madrid a résonné comme un tremblement de terre. Privés des touristes qui représentent l'essentiel de leur clientèle, les tablaos en faillite mettent sur la paille les artistes, si peu aidés par le gouvernement. Pour la première fois de son histoire, le flamenco s'est doté d'un syndicat, la Union Flamenca, qui dresse une sinistre comptabilité: 42% des artistes ont renoncé à leur passion, plus de la moitié ne sont pas soutenus.
Rocio Marquez veut nénamoins voir le côté positif de cette crise. "La situation est triste, difficile, mais je crois que quand on pourra raviver ce qui est paralysé, y compris les lieux apparemment morts, on sera capable de recommencer. Avec Union Flamenca, dont la naissance est l’aspect positif de la crise, rappelle l'artiste, nous sommes unis pour être forts." S'engager car "quand j’ai quelque chose à dire, je le dis." Pas simplement des mots, en 2012, Rocio Marquez avait chanté au fonds d'un puits à Santa Cruz del Sil dans le nord de l'Espagne, pour soutenir des mineurs en grève.
Née à Huelva en Andalousie, bardée de prix, dont la réputée Lampara minera du festival de la Union en 2008, reconnue par un milieu souvent conservateur, elle est une artiste libre. En quatre albums, elle a planté le décor: son flamenco va du baroque à l'électrique, du chant pur aux musiques d'ida y vuelta, entre Espagne et Amérique latine.
Des répertoires très différents
Quand les textes populaires que tous les chanteurs reprennent ne lui plaisent pas, elle écrit les siens, c'est venu comme ça. "J’ai commencé tellement jeune que je fonctionnais par imitation, explique-t-elle. Un jour, je chantais des paroles populaires qui disaient : mon mari m’a frappé parce qu’il voulait des patates à la morue ! Quand j’ai réalisé ce que chantais, je me suis dit, non, là, c’est pas possible, je refuse !" Rocio Marquez puise dans tous les répertoires. "Je continue quand même à chanter ces textes traditionnels pour leur puissance, mais je choisis aussi des paroles de Lorca, Miguel Hernandez, aussi bien que Leonard Cohen ou des sonnets de Shakespeare. Et puis j’écris, ça me met à nu, chanter ses propres textes, c’est un sommet !"
Une voix claire, des concerts à la pelle, dans la vie d'avant et des études, couronnées par une thèse universitaire sur la technique vocale dans le flamenco, Rocio Marquez est de passage à Paris où elle prépare une création avec l’ensemble choral Aedes. Dans ses yeux verts, il y'a une espérance qui fait du bien, surtout en ce moment, le sens de l'humour andalou, l'art de survivre, au jour le jour, aller de l'avant : Pa’lante, y ya esta !
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