Canaries : maisons englouties, menace de gaz toxiques... Ce que l'on sait de l'éruption du volcan Cumbre Vieja
Depuis dimanche, ce volcan situé sur l'île de La Palma, dans l'archipel espagnol des Canaries, s'est réveillé, provoquant de nombreux dégâts.
Le Cumbre Vieja s'est réveillé avec fracas, dimanche, en Espagne. Un séisme de magnitude 4,6 a provoqué l'éruption de ce volcan resté en sommeil depuis cinquante ans, sur l'île de La Palma, aux Canaries. L'île reste en alerte, mercredi 22 septembre, alors que les coulées de lave, bien que ralenties, continuent de tout emporter sur leur passage. Elles pourraient bientôt atteindre l'océan et provoquer des nuages toxiques. Voici ce que l'on sait de la situation sur place.
Pas de victime, mais d'importants dégâts matériels
Mercredi, les coulées de lave n'avaient fait aucun blessé ni de mort, selon Angel Victor Torres, le président du gouvernement des îles Canaries. Il faut dire que 6 100 personnes ont été déplacées depuis que le volcan est entré en activité, dont 400 touristes "qui ont été éloignés des zones à risque" et installés à Tenerife, une île voisine.
"Les coulées avancent de 700 mètres par heure, expliquait mardi à franceinfo Jacques-Marie Bardintzeff, volcanologue et professeur à l’université Paris-Saclay. Les gens peuvent se sauver heureusement, mais les laves détruisent tout sur leur passage, les cultures, les routes, les maisons et les forêts. Pour un volcan, c'est une petite éruption de niveau 2 sur une échelle de 8." Depuis, la coulée a ralenti. Envoyée sur place, cette équipe de France 2 filme toutefois les dégâts, impressionnants, avec des maisons totalement calcinées et des piscines englouties par la lave incandescente.
Depuis l'éruption du volcan dimanche, 185 bâtiments ont été engloutis, dont 63 présentés comme des habitations, avance le gouvernement local. Les coulées de lave recouvrent désormais 103 hectares, d'après le système européen de mesures géospatiales Copernicus, cité par l'AFP. Selon Angel Victor Torres, les dégâts s'élèvent d'ores et déjà à 400 millions d'euros. Selon lui, les Canaries pourraient bénéficier de fonds européens pour reconstruire les constructions détruites.
Des nuages toxiques redoutés dans les prochains jours
Dans la journée de mardi, la vitesse de la lave a diminué. Elle progresse désormais à raison de 200 mètres par heure environ. Mais le magma poursuit sa route vers la côte et pourrait donc tomber dans l'océan, qui entoure l'île espagnole. Une situation inquiétante car cela pourrait provoquer des explosions de morceaux de lave, des vagues d'eau bouillante ou l'émanation de gaz toxiques. "Les nuages engendrés par l'interaction eau de mer et lave sont acides" et "peuvent être dangereux si on est trop près", explique ainsi à l'AFP Patrick Allard, de l'Institut de Géophysique du Globe de Paris.
Même si les autorités ne sont pas en mesure de déterminer avec précision le moment où la lave va atteindre les flots, le gouvernement des Canaries a conseillé aux habitants de la région de se couvrir le nez et la bouche lorsqu'ils sortent de chez eux. Il a également décrété un "rayon d'exclusion de deux milles marins" autour de l'endroit où est prévue l'arrivée des coulées de lave et demandé aux curieux de ne pas se rendre sur place.
Encore présent à La Palma mardi soir, le Premier ministre Pedro Sanchez a appelé à la prudence. "Evitez de vous rapprocher du magma ou du volcan et laissez les routes le plus libres possible" pour ne pas gêner d'éventuelles nouvelles évacuations, a-t-il insisté. Le Cumbre Vieja crache des colonnes de fumées atteignant plusieurs centaines de mètres de haut et entre 8 000 et 10 500 tonnes de dioxyde de soufre par jour, souligne le centre national de vulcanologie Involcan.
Une durée de l'éruption incertaine
Selon l'institut Involcan, cité par l'AFP, la durée de l'éruption pourrait durer "plusieurs semaines, voire quelques mois". Le volcanologue Jacques-Marie Bardintzeff rappelle que "les éruptions précédentes ont duré entre trois semaines et deux mois". "On part sur ce modèle, même si ça peut s'arrêter du jour au lendemain", précise-t-il encore.
Une incertitude confirmée par le quotidien espagnol El Pais (en espagnol). "Les antécédents historiques et la volcanologie de la région indiquent que ce phénomène éruptif pourrait durer plusieurs semaines, voire plusieurs mois, comme cela s'est produit avec les récents volcans Tagoro, à El Hierro (cinq mois) et à Teneguía (plus de trois semaines)", rappelle le quotidien, en soulignant qu'il est encore trop tôt pour connaître la dynamique à venir.
Dans la nuit de lundi à mardi, l'apparition d'une nouvelle bouche éruptive, la neuvième, sur la commune d'El Paso, a en tout cas provoqué l'évacuation de 500 personnes supplémentaires. L'ouverture de cette bouche est intervenue après un nouveau séisme d'une magnitude de 4,1, enregistré lundi à 21h32, a précisé Involcan.
Pas de risque pour le climat
Comme l'a rappelé franceinfo dans son billet sciences, une éruption volcanique peut provoquer une baisse de température. Cela s'est déjà produit en 1991, après les coulées de lave du volcan Pinatubo aux Philippines. Les températures avaient alors baissé de 0,5 °C à 1 °C sur une bonne partie de la région pendant plusieurs mois.
Mais ce cas de figure ne devrait pas se produire avec l'éruption du Cumbre Vieja. Et pour cause : le panache de cendres qui s'échappe du volcan aux Canaries n'est pas projeté suffisamment haut dans l'atmosphère pour parvenir à modifier le climat, explique Cathy Clerbaux, directrice de recherche au CNRS. Il faudrait que ce panache monte à une trentaine de kilomètres d'altitude au moins pour que ce soit le cas. L'espace aérien de l'île n'a d'ailleurs pas été fermé.
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